Chapitre 49 : Ace

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Je cours aussi vite que mes jambes me le permettent. J'ai les poumons en feux lorsque j'arrive devant le centre mais je ne ralentie pas l'allure. Je dois la voir.

Cependant la vue de Marlon à la sortie du bâtiment fait pulser mon cœur. La panique prend place dans mon estomac alors que je vois la colère déformer ses traits.

— Qu'est-ce que tu fous là putain ?

— Où est-elle ?

Il s'arrête à mon niveau, ses yeux brillent malgré la haine qui gonfle son cœur. Je serre les poings et retient l'angoisse que je sens monter alors qu'il s'apprête à jeter son venin acide. Non. Ne le dis pas. Ne le dis pas.

— Morte. Elle est morte.

Comme si on m'avait donné un uppercut dans le ventre, mes poumons se vident. J'ai la respiration coupée. Le bouquet de fleurs blanches tombe au sol. J'ai la tête qui tourne. Non. Pas maintenant. J'ai encore du temps devant moi pour l'embrasser, la toucher, graver ses traits dans mon esprit. J'ai encore du temps pour lui dire au revoir ! Elle n'est pas partie ! Elle n'a pas le droit...

— J'espère que tu t'éclatais quand elle ne demandait que toi. Il n'y avait que toi sur ses lèvres, dans sa tête et tu n'étais même pas là. Tu aurais pu la sauver de cet endroit mais tu t'es défilé. Elle est partie en pensant que tu la détestais.

Chaque mot est un coup de poignard en plein cœur. J'étais persuadé qu'il était incapable d'aimer, pourtant la souffrance que j'éprouve ne peut être lié qu'à une blessure d'amour.

Je t'aime à en crever Eyana.

Marlon balance un sac noir à mes pieds mais je le vois à peine. Je suis tourmenté par le visage de celle que j'aime, son rire résonne dans mes oreilles alors que mon monde s'effondre. J'aurais dû être préparé, elle a essayé de m'y préparer. Pourtant je me sens aussi anéantie que lorsqu'Alessio m'a appris qu'elle était dans un état critique, il y a un an. Je me sens mourir. Comme si en partant, elle prenait une part de moi. Comme si elle prenait mon cœur, parce qu'en réalité, il lui a toujours appartenu. Ça n'a toujours été qu'elle. Je t'aime Eyana et je n'ai même pas pu te le dire. Mon cœur t'appartient depuis bien longtemps et tu l'as emmené avec toi car il ne battait que pour toi.

— Elle voulait que je te le donne. J'espère que tu souffriras comme je souffre.

Je n'ai pas la force de lui répondre qu'il n'a pas à s'inquiéter pour cela. Je souffre comme jamais je n'ai souffert. Ça fait un mal de chien. Je me sens tressaillir. Mes jambes se dérobent sous mon poids et je m'effondre sur le sol. Marlon, indifférent, s'éloigne alors que je ne quitte pas ce centre des yeux. Savoir qu'elle n'est qu'à quelques mètres tout en n'étant plus là me tord les boyaux.

Je n'ai pas pu lui dire au revoir.

Sans que je ne les contrôle, des larmes dévalent mes joues. Valencia et Devious s'approche de mon corps affaibli mais je ne fais pas attention à eux, je suis focalisé sur ce bâtiment qui m'a pris celle que j'aimais. Il pose une main sur mon épaule, les yeux brillants. J'y vois tout le regret, mais je n'en veux pas.

— Je suis sincèrement désolé mec. Vous méritiez beaucoup mieux.

Ses paroles me survolent. Je ne veux pas les entendre, je connais ces phrases, elles ne servent à rien. La seule personne qui aurait pu me consoler est celle qui est morte.

Valencia s'accroupie devant moi. Ses yeux desquelles des larmes continuent de s'échapper sont rougis, ses joues sont humides. D'une main tremblante, elle attrape ma main, la retourne et l'ouvre. Mes yeux sont sur elle mais je ne la regarde pas. Mes pensées sont loin d'ici. Pourtant l'objet qu'elle pose dans ma paume est comme une balle tirée en plein cœur. Ma bague.

— Merci d'avoir réussi à rendre ma sœur heureuse.

Elle embrasse ma joue humide et se relève. Ils s'éclipsent me laissant seul avec ma peine. J'hurle de douleur et frappe le sol. Mes phalanges explosent mais la douleur n'est rien comparé à celle que je ressens dans mon cœur. Je veux qu'elle parte, je ne veux plus la ressentir. Merde Eyana ! Qu'est-ce que tu m'as fait ? Pourquoi tu m'as laissé seul derrière toi ? Tu n'avais pas le droit de m'abandonner. Tu m'avais juré jusqu'à la mort, mais pas cette mort là, pas aussi vite. Et je t'avais juré que je serais là Hasta la Muerte, d'être là jusqu'à que tu n'aies plus besoin de moi. Et regarde-nous ! Regarde-moi ! Tu es morte et je n'étais pas là ! Tu m'attendais et je ne suis pas venue parce que j'ai mis trop de temps à réserver un vol pour venir, parce qu'il y avait trop de monde sur ces putains de route, parce que le taxi n'était pas foutu de passer la seconde ! Quoiqu'il en soit, tu avais besoin de moi et je n'étais pas là. J'ai bafoué ma promesse.

Je n'étais pas avec elle. Morte. Elle est morte.

Une énième main se pose sur mon épaule et encore une fois, je n'y fais pas attention. Mes yeux sont gorgés de larmes, mon cœur est empli de tristesse.

— Allez mon garçon. Il est temps d'y aller.

La voix d'Alessio s'insinue dans mes oreilles mais je ne comprends que trop tard ses paroles car déjà il me relève sur mes pieds mais je me débats.

— Je veux la voir ! Laissez-moi la voir ! Où est-elle ? Où l'avez-vous emmené ?

Mon corps est si faible que je ne parviens pas à me dégager de sa poigne. Mais inlassablement, je me débats avec pour seule envie de voir Eyana. J'ai besoin de voir qu'elle est bien morte. Je veux vérifier de mes propres yeux qu'elle m'a abandonné...

Mais c'est lorsque je croise le regard larmoyant de sa mère que je m'arrête. Elle semble avoir pris une dizaine d'années en seulement un an. Mais je ne l'ai jamais vu aussi faible qu'aujourd'hui comme si elle portait le poids du monde sur ses frêles épaules. Et malgré cela, elle me sourit. Un sourire triste et compatissant.

Je m'effondre. Eyana ne lui ressemblait en rien mis à part leur sourire. Elles ont ce même sourire qui pourrait illuminer les ténèbres, qui illuminait mes ténèbres. Pourtant, à cet instant, ce sourire ne fait que noircir mes démons qui se languie de mon mal.

— Je n'ai...

Ma voix n'arrive pas à sortir tant ma gorge est serrée.

— ... pas pu lui dire au revoir.

Alessio me fourre le sac noir dans les bras mais c'est l'odeur d'Eyana que j'inhale. Mon cœur se serre. Je jette le sac le plus loin de moi ce qui arrache un cri de terreur à sa mère. Et alors que j'allais partir, Alessio me retient.

— Tu pourrais bruler ce sac qu'Eyana t'en voudrait pas. Mais sais-tu qui t'en voudra ? (Il laisse quelques secondes de silence). Toi. Un jour tu voudras voir ce qu'il y avait à l'intérieur et tu ne te pardonneras jamais de l'avoir brulé. Alors c'est ton choix, tu peux partir en le laissant ici ou tu peux le prendre. Mais quoique tu décides, c'est ton choix, ce sac te revient à toi.

Et sur ces derniers mots, il s'en va, emportant la mère des filles avec lui.

Je toise le sac qui me nargue à quelques mètres seulement. Puis après de longues minutes, je m'avance vers lui et le prends.

— On se retrouvera Eyana Harden, je lui chuchote.  

Hasta la muerte (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant