Tomboy Effect

Prologue

« Notre équipe nationale est favorite de la coupe du monde féminine de football. Vos filles sont-elles à la hauteur des attentes du pays ? »

Il est vingt heures sur la première chaîne. Le coach frotte ses mains moites à son pantalon de costard noir. Il est l'invité d'honneur et se demande ce qui peut bien le stresser de la sorte. Sont-ce les questions du journaliste ? L'avion qu'il doit prendre demain alors qu'il déteste ça ? La compétition ? Ou bien les tensions ébranlant l'équipe qu'il se doit de cacher au mieux ?

— Bien sûr que nos filles sont à la hauteur ! répond-il à la journaliste avec un sourire sincère (car lui aussi veut bien le croire). Elles travaillent dur pour ça. Les téléspectateurs en sont témoins, elles se donnent sans relâche depuis quatre ans pour détrôner les Espagnoles.

— Vous, Xavier Bernardi, avez été nommé, il y a quelques mois, coach de l'équipe nationale de football féminin. À trente-deux ans, vous êtes, historiquement, le plus jeune coach de cette équipe exigeante. Ressentez-vous une certaine pression à l'aube de cette compétition internationale ? La profession vous attend-elle au tournant ?

Xav, comme tout le monde l'appelle, soupire à cette question que le journaliste aura mis un siècle à lui poser. Il cligne des yeux rapidement. Les projecteurs lui brûlent la rétine. S'il est agacé, il risque de se laisser emporter par la contrariété et passer pour antipathique. Il s'efforce alors de faire de l'humour.

— Grâce à vous, j'ai l'impression d'avoir vingt ans ! plaisante-t-il en forçant un rire sonore. Mais vous avez raison, comme l'équipe, j'ai beaucoup à jouer lors de cette compétition. Si je suis en poste aujourd'hui, c'est qu'on croit en mes capacités.

— Le football féminin manque encore de visibilité, pensez-vous qu'une victoire changerait les réticences de certains journalistes à consacrer du temps à un sport qu'on a longtemps prôné masculin ?

— Vous verrez, d'ici quelques semaines, les visages des filles seront à la une de tous les médias du pays. Nous ne parlerons que d'elles, assure-t-il.

Mais monsieur le coach ne croyait pas si bien dire...