11 ♥︎

60 6 0
                                    


Ch11, tachycardie

"Seiko ? Seiko ? Tu m'entends ?"

Un sursaut en entendant son nom. Elle ouvrit les yeux, prise sur le fait. Désorientée. Ses derniers souvenirs étaient très vagues, le black out. Tirée hors de ses rêvasseries d'un coup de massue. Un réveil pas très agréable. Heureusement ce n'était que Kyoka.

"Tu t'es endormie. — lui dit-elle gentiment, laissant une tape sur son dos. — C'est la pause."

Les gens se levaient autour d'elle, pressés, en action, une foule compacte, des insectes affamés, tous en direction de la cafétéria. Premier arrivé premier servi. Mais elle ne bougeait pas. Elle demeura à son pupitre, tête embourbée, dans l'incapacité de bouger, le corps qui ne répondait pas, encore aspirée par la rêverie de laquelle elle émergeait tout juste.

Un rêve très bizarre.

"Qu'est-ce qui t'arrive ? Ça te ressemble pas de t'endormir en classe, t'as mal dormi ?"

Elle n'écoutait pas. Elle était ailleurs : dans sa tête, à visiter des recoins encore inconnus, complètement inexplorés. C'était comme si elle redécouvrait tout. Elle-même y compris. Tout était chamboulé. Elle qui avait cru si bien se connaître était mise face à un gouffre dont le fond était imperceptible, un parachute cassé au dos, à devoir se jeter dans le vide. Elle croyait se connaître, ses forces et faiblesses, ses retranchements. Mais tout restait mystère. Elle n'était plus sûre de rien.

Son corps était devenu une usine d'anxiété. C'était devenu son quotidien de se bouffer les ongles et voir ses cheveux tomber, de ne plus rien pouvoir avaler et de ne plus pouvoir fermer l'œil. L'ombre d'elle-même. Se concentrer relevait de l'impossibilité. Elle pensait, beaucoup trop. Ses pensées un labyrinthe sans issue, une vraie impasse. Elle avait l'impression de tourner, tourner, tourner, comme une bête en cage. Elle ne trouvait pas de réponse. Putain, est-ce que je pourrais pas juste arrêter de penser ? C'était tellement fatiguant de réfléchir parfois.

Elle revint à ses sens. Son cœur lâcha en l'apercevant. Son estomac remonta violemment jusqu'à son œsophage, comme si elle tombait dans le vide, poussée dans le précipice lorsqu'elle était remise face à ce regard hétérochrome. Il la dévisageait. Presque sceptique: Est-ce qu'il avait compris ? Est-ce qu'il avait réussi à deviner à quoi elle pensait ? Le regarder était devenu dangereux. Elle craignait qu'il comprenne tout.

Il fallait fuir. Elle devait fuir. Parce qu'il en savait trop, parce qu'il saurait voir, il remarquerait. Elle pouvait duper les autres, mais pas lui.

"Je vais aux toilettes. — balança-t-elle en disparaissant, laissant derrière elle un claquement de porte et un courant d'air."

Elle s'échappa. Au pas de course. Elle fuyait. Elle ne savait pas de quoi, mais elle fuyait. Enfin si, lui, c'était ça qu'elle fuyait. Elle fonçait à grandes enjambées, filant au premier refuge qui lui était venu en tête : les toilettes. Le lieu par défaut où les âmes en peine allaient se recueillir. Précipitée, elle claqua la porte d'une cabine, plaqua son dos contre le mur et se laissa coulisser jusqu'au sol, les jambes ramenées contre sa poitrine, le front posé contre ses genoux. Lessivée.

"Je suis complètement folle. — soupira-t-elle."

Il y avait une phrase qui ne quittait plus sa tête. Une phrase qui avait tout remis en question pour elle. Qui tournait en boucle comme un disque rayé.

"Tu as de très beaux yeux."

Elle avait allumé son cœur. Il s'emportait, dès que son image traversait sa tête, pire encore quand elle le voyait, proche de l'arrêt cardiaque. Tachycardies ingérables. Sensations inédites, maudites. C'était la toute première fois que quelqu'un lui faisait ressentir tout ça. La première fois qu'elle y était directement confrontée, à ce mot qui n'avait eu aucun sens jusque-là ; l'amour.

I can see the light - Shoto x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant