Chapitre 1

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     — Tu devrais profiter de ton week-end autrement, fiston.

     Loup déposa le plat encore tout chaud de la tartiflette qui venait embaumer l'atmosphère. Loin de paraître déçu par cette visite surprise, son père se lécha les babines en observant le plat fumant qui répandait une agréable odeur dans la pièce. Il retira ses gants et s'installa en face de cet homme marqué par les années qui s'étaient écoulées.

     — J'aime bien venir à la maison, j'ai l'impression d'être encore un enfant.

     — Tu resteras toujours le mien, sourit Auguste en lui tendant son assiette, affamé.

     Amusé de constater que cette manie ne s'était pas envolée malgré son déménagement, Loup le servit avec habitude. Puis il remplit son assiette et commença à déguster le plat tout en se brûlant la langue.

     — Ch'est cro chaud !

     Le rire de Loup s'envola. De ses yeux verts, il balaya la maison qui avait subi quelques changements. Même s'il était triste que certains meubles aient été enlevés, il félicitait son père d'avoir su avancer. Encore quelques années plus tôt, il n'aurait jamais cru possible de pouvoir apprécier ne serait-ce qu'un rayon de soleil sur le visage ou encore la brise fraîche qui venait caresser sa joue. Sa mère ne hantait plus les lieux, elle vivait juste dans leur cœur et c'était tout aussi bien.

     Auguste avala sa bouchée en battant l'air de sa main, comme si cela pouvait chasser la chaleur qui s'enflammait dans sa bouche. Rapidement, une gorgée d'eau vint apaiser temporairement la brûlure.

     — Et pour noël ?

     — Quoi, noël ? demanda Loup, son sourcil disparaissant sous la broussaille d'ébène qui lui servait de cheveux.

     — Vous comptez le passer ensemble, toi et Aubin ?

     Une douce chaleur se répandit dans sa poitrine alors que ses joues prenaient une teinte rose. Impossible de cacher sa gêne. Il évita le regard malicieux de son père et prit une seconde bouchée de son plat dont les saveurs éclaboussaient ses papilles.

     — Je ne sais pas encore.

     — Vous n'en avez pas parlé ?

     — Si ! Mais... il hésite donc, je te redirais.

     — Ça fait longtemps que je n'avais pas eu un de tes amoureux à table lors d'une fête.

     Les lèvres pincées, Loup afficha un sourire si crispé qui ne paraissait pas réel. Bien sûr, puisque le seul copain qui s'est assis avec nous à noël n'est plus jamais revenu. Loin de constater le trouble que cette remarque avait provoquée chez son fils, Auguste continua tout en savourant le talent culinaire de Loup :

     — Tu passerais le vingt-cinq où si vous le fêtez ensemble ?

     — Avec toi papa ! C'est non négociable, ne t'inquiète pas, sourit Loup.

     — Tu es grand, tu sais ? Et je peux très bien comprendre si tu veux aller dans sa famille.

     — Papa, non, ajouta-t-il avec plus de fermeté. C'est un sujet qui ne se discute pas. On est notre seule famille. Je n'ai pas envie de le passer ailleurs alors qu'on devrait profiter de ce moment ensemble.

     Auguste fit mine de refuser, mais Loup savait que sa réponse l'avait touché. Il n'avait pas eu la chance de connaître ses grands-parents paternels et depuis la mort de sa mère, il ne voyait que très rarement sa grand-mère qui préférait rester dans sa petite ville, entourée d'amies aussi vieilles que son âge. D'après ce qu'il avait compris, ces dernières s'occupaient très bien d'elle et Loup ne finissait que par l'obtenir au téléphone. Depuis, leur relation s'était naturellement étiolée.

Tome 2 - True LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant