2011
Nabil
Pour le pire - Orelsan
---La routine reprend, comme si de rien n'était. On a eu plusieurs visites des flics depuis la dernière fois. Ils ont embarqué quelques-uns de nos gars, mais à part ça, la vie continue, toujours la même. Rien ne change vraiment, tu t'y habitues, même si au fond, tu sens que tout part en vrille.
Justement, en parlant de ça, je suis en bas du bâtiment, à vendre comme d'habitude, et au loin, je croise le regard de la petite Wendy. Je sais déjà ce qu'elle veut, c'est toujours pareil. Avec un signe de la main, je lui fais comprendre de passer par les petites ruelles. Après avoir compté la tune de monsieur, je me dirige vers elle avec sa commande. Quand j'arrive dans la fameuse ruelle, je la vois, en train de remettre une couche de rouge à lèvres ou de gloss, appuyée contre la clôture, comme d'habitude.
Je n'aime pas trop faire ce genre de trucs pour vendre, mais parfois, la "compassion" prend le dessus, ou c'est juste le manque, va savoir. Ça fait plus de deux jours que j'ai rien fais, et le manque me ronge. Alors ouais, je vais la laisser me faire « des trucs » contre son sachet de chite. C'est notre petit deal à nous deux, et avec quelques autres meufs que je trouve bonnes à leur manière, dans cette grisaille.
- Tu te fais belle pour moi maintenant, dis-je en m'approchant et en me collant contre sa taille, plus par habitude que par envie.
- C'est maintenant que tu le remarques ? répond-elle d'une voix mielleuse, presque moqueuse.
D'habitude, on n'échange pas trop de mots. C'est pas vraiment nécessaire.
- Mouais, de toute façon je préfère les meufs plus discrètes. Mais, ça plaît à ma queue, dis-je en déboutonnant mon pantalon, sans grand enthousiasme.
Elle rit doucement et descend au niveau de ma braguette. Pendant qu'elle fait son truc, je la force un peu, machinalement. Puis, vient le temps où je prends une capote dans ma poche arrière et l'enfile avant de la pénétrer avec son consentement. Ça ne dure pas plus de cinq minutes, mais ça me suffit, ou plutôt, ça m'anesthésie un moment.
- Tiens, dis-je en lui tendant le sachet avant de me tirer aussi sec.
Je reboutonne mon pantalon, passe une main dans mes cheveux et retourne m'asseoir, prêt à reprendre la même routine. C'est en bossant que mes pensées s'assombrissent, comme à chaque fois. J'ai l'impression de devenir quelqu'un d'autre, un type mauvais, pourri par tout ce que je fais. Je vois plus que l'argent, et ça me rend fou. J'en veux toujours plus, en espérant que ça finira par suffire, mais je sais bien que ça ne sera jamais assez. Ça ne remplira jamais le vide.
Pas de père pour encore six ans.
Pas de Tarik pour trois ans.
Pas de mère, jamais.
Pas de futur.
Pas de vie, au fond.Je sais que mon daron a mis une meuf enceinte avant d'aller en taule. Je l'ai vue une fois, cette meuf. Et je sais qu'il est encore en contact avec elle. J'ai sûrement un petit frère maintenant. Mais ce qui me ronge, c'est que je peux même pas le voir, ni le rencontrer, parce que, soi-disant, on serait une mauvaise influence pour lui.
VOUS LISEZ
Partir ou pourrir (PNL N.O.S)
FanficLa haine de vivre, la rage de survivre. Ella veut réussir, elle rêve de quitter cette cité pour perccer dans le sport. Nabil aspire à percer dans la musique, désireux de tourner le dos à la bicrave et de progresser enfin dans la vie. Ils se côtoient...