VI.

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Il était 1h du matin, je n'arrivais pas à dormir. Je devais choisir entre dormir et me paralyser à mon réveil ou ne pas dormir et continuer mon overthinking, avoir des séquelles et me débattre avec la somnolence au travail; des situations très embarrassantes.

Je pensais sans cesse à la mort cette nuit-là; en effet, l'être humain vit sans se méfier que la mort est tout le temps à ses trousses à chaque seconde de sa vie, il espère et croit en l'avenir pensant être immortel, espérant toujours à un lendemain pour concrétiser ses projets et ses desseins. Je pensais aussi que la vie me souriait, je pensais, étant le centre de mon monde, que tout finirait comme je le voudrais. J'étais aveuglé par l'idée qu'il y ait toujours un lendemain, que je mourirais rassasié des jours dans ma vieillesse aux côtés d'Élise, inconscient que la mort se fiche totalement de nos projets et nos désirs, elle ne s'intéresse pas aux vies qu'elle s'apprête à retirer, ni aux douleurs ressenties par ceux qui étaient attachés à ces dernières.

Élise était la dernière personne que je pouvais imaginer mourir précocement, elle n'était d'ailleurs pas sur cette liste dans mon imagination. Je pensais que nous vivrions heureux durant plusieurs années, que nous vieillirons et que nous aurions beaucoup d'enfants comme l'illustre si bien les contes de fées; je souhaitais par ailleurs que ce soit moi qui meurt avant elle car elle serait la mieux placée pour s'occuper de ma mère, des siens et de nos futurs enfants. Hélas nous avons vécu heureux tous les deux mais pas longtemps et elle n'a pas pu me donner d'enfant. Elle m'a laissé que des souvenirs d'elle dans ce monde, des souvenirs qui se dissiperont avec moi. Je ne sais pas si je pourrais combler ce vide même si je le voulais.

Aujourd'hui je vis au jour le jour conscient que je peux mourir à tout moment, par n'importe quel moyen. Je ne profite plus autant de la vie depuis qu'elle n'est plus là; Elle était l'amour de ma vie, elle était ma moitié, du coup je vis à moitié. En réalité on aura beau le dire, mais pour que les gens nous comprennent, faudrait qu'ils passent par le même chemin, qu'ils soient éprouvés pour comprendre les éprouvés. La vie est injuste pour certains, surtout pour ceux qui vivent moins longtemps et pour ceux qui doivent accepter le départ précoce de ces derniers et de vivre avec ce vide.

La mort ne laisse pas seulement un vide, elle n'ôte pas seulement l'âme mais détruit aussi la vie et la psychologie de ceux qui ont à subir cette perte, poids beaucoup trop lourd à porter.

Je ne suis plus le même homme, je n'arrive plus à aimer, je n'en ai plus l'envie ni la volonté. J'ai perdu quelques facettes de ma personnalité par exemple mon sens de l'humour, mon fameux talent de séduction, mon enthousiasme, ma joie de vivre; je suis très souvent paralysé en me réveillant. Je suis en quelque sorte décédé aussi, je n'ai que mes fonctions vitales qui me retiennent sur terre. J'ai ouvert les yeux et j'ai accepté ce que les insensés ne veulent pas comprendre, on peut mourir à n'importe quelle seconde. La vie et la mort sont deux bonnes sœurs mais un mauvais duo. Néanmoins, il n'y a pas de vie sans la mort et pas de mort sans la vie.

J'aurais jamais cru être l'un des personnages principaux des histoires qui finissent mal dans cette vie. Je ne m'attendais pas à ce que ça puisse m'arriver. Je peux voir la pitié et la désolation à travers les regards des gens que je côtoie lorsqu'on parlait de ma situation. Jamais je n'oserais espérer que moi Jane, l'homme qui passe inaperçu, je serai vu de tous avec comme un homme en détresse. Je déteste.

Il était trois heures du matin lorsque je jetais à nouveau un coup d'œil à l'horloge dans ma chambre. Observer la rotation des aiguilles me permettait de divaguer. Je me levais et me tenais au rebord de la fenêtre pour observer la lune dont les rayons pénétraient difficilement à travers les rideaux épais de ma chambre. Je déteste les pleines lunes, c'était ma phobie quand j'étais enfant, l'impression qu'elle se rapprochait de moi à chaque fois que je la regardais. Plus le temps passe, plus les choses changent.

Amnésique: La petite histoire d'Émeraude Kabila Où les histoires vivent. Découvrez maintenant