Bugiardi

7. Elle

Carter

Elle est devant moi. Elle ne bouge pas, on dirait qu'elle a vu un fantôme. Cette fille qui m'avait quitté sept ans plus tôt. Cette fille que je déteste à présent. Cette fille... Mon ancienne meilleure amie.

Elle retient son souffle puis expire. Elle a l'air sacrément perturbée quand même.

-Répond à ma question Carter, finit-elle par dire après quelques minutes dans le silence.

Je la regarde, ses yeux verts me transpercent la peau. C'est brûlant. C'est plaisant. Elle a toujours le même regard que quand nous étions plus jeunes. Je déteste ses yeux.

Je ne compte pas lui répondre, je n'ai aucune envie de lui parler. Je ne veux pas retomber dans ses bras de menteuse. Mais rien que de la revoir me replonge dans mes souvenirs. Des souvenirs d'enfance...

C'est la rentrée, je vais aller dans une nouvelle école. J'ai un peu peur de ne pas me faire d'amis mais je ne le montre pas à mon père. Je n'ai pas le droit de trembler, il doit être fier de moi. Je veux qu'il soit fier de moi.

Nous arrivons devant ma nouvelle école, j'entre en CE1 cette année. Je vois tous les enfants faire un bisou et un gros câlin à leurs parents. Je me retourne pour embrasser mon père mais il est déjà parti. Il est loin. Pourquoi me rejette-t-il de cette façon ? Qu'avais-je fait pour mériter un tel mépris de sa part ?

Je m'avance dans l'école. Tous les élèves forment de petits groupes, je ne vais pas aller les voir comme ça quand même ? Je ne me sens pas à l'aise ici, mon ancienne école me manque déjà. J'observe toute la cour avant de m'asseoir sur un banc vide. J'ai l'impression que tous les regards sont tournés vers moi. Pourtant personne ne me regarde. A part cette fille avec sa tresse brune.

Elle s'avance vers moi et s'assoit à côté de moi sur le banc. Elle me tend la main et dit:

-Je m'appelle Lys, et toi ? Tu es nouveau non ? Je t'ai vu tout seul, tu veux devenir mon ami ? C'est quoi ton prénom ? Tu as quel âge ? Tu viens d'où ? Tu te plais ici ?

Wow, ça fait beaucoup trop de questions. Mon cerveau n'a pas du tout eu le temps de suivre et d'enregistrer toutes ses questions. Elle parle trop vite, c'est ce qu'on appelle un moulin à parole. 

-Mon prénom c'est Carter, j'ai 8 ans et avant j'habitais à Rome, lui répondis-je.

-Ravie de te rencontrer Carter, j'ai toujours voulu habiter à Rome tu sais ? C'est une des plus belles villes d'Italie tu ne trouves pas ? Je suis trop contente d'avoir fait ta connaissance Carter...

Elle continue de parler et de parler, jusqu'à ce qu'un jour aucun bruit ne sorte de sa bouche.

Et ce jour-là, c'est aujourd'hui. Plus aucun bruit ne sort de sa bouche, elle m'observe juste divaguer dans mes pensées.

-Arrête de me fixer de cette manière, s'exclame-t-elle.

Elle a parlé, ce ne sera donc pas aujourd'hui que la bouche de Lys Costa restera scellée pour toujours. Quel dommage ! Entendre sa voix mielleuse me donne envie de vomir.

Je continue de la regarder, mes yeux bruns détaillent son corps. Son jean la sculpte parfaitement. Elle a vraiment un corps parfait quand même. Les années passées loin l'un de l'autre, n'ont pas tellement affecté son physique c'est déjà ça.

Elle souffle puis sort de la pièce. Je l'ai énervé je crois, elle m'a vu détaillé son corps dans les moindres détails en m'arrêtant surtout sur ses cuisses. Je sais qu'elle les déteste. Et ça à cause d'un petit con du collège. Je peux vous assurez qu'il se souviendra toujours de mon passage. Je ne laisserais personne toucher un seul de ses cheveux, je me le suis promis. Même si nous sommes tous des menteurs dans ce monde, cette promesse je la tiendrai jusque dans ma tombe.

Je me retourne et fait face au parking où est garé sa magnifique voiture rouge. Sa passion pour les voitures n'a donc jamais cessé d'exister.

Je la vois traverser l'allée en pierre, elle essuie son visage. Que se passe-t-il ? Elle passe ses mains dans ses cheveux. Elle n'a pas l'air d'aller bien. Elle commence à marcher de plus en plus vite. Elle entre dans sa voiture, je n'ai pas le temps de cligner des yeux que sa voiture démarre et sort à toute vitesse de ma vision.

Lucas entre au moment où je quitte mon emplacement pour rejoindre ma voiture à mon tour.

-Je ne sais pas ce que tu as pu lui dire mais tu l'a mis dans un sacré état mec, me dit Lucas en refermant la porte derrière lui.

-Comment ça un sacré état ? demandais-je perplexe.

-Elle avait le souffle court et ses yeux étaient noyés de larmes, on l'a tous remarqué.

Je regarde Lucas. L'inquiétude brille dans ses pupilles.

-Tu ne crois quand même pas que j'ai pu lui faire du mal ? demandais-je à Lucas.

-Tu n'en serais pas capable pour l'instant mais ta haine contre elle va finir par lui faire du mal, tu le sais aussi bien que moi Carter.

Je ne réponds rien, mes pensées se bousculent dans ma tête. Il avait peut-être raison, je vais finir par lui faire du mal. Mais je veux la faire souffrir comme elle m'avait fait souffrir. Je ne la laisserais plus avoir autant de contrôle sur moi et mes émotions.

Lucas continue:

-Je ne connais que très peu de votre histoire, tu as voulu garder ça pour toi. Mais ne lui fait pas de mal, c'est une bonne amie.

UNE BONNE AMIE ?

-Ne t'attache pas à elle, elle n'a pas été faite pour aimer quelqu'un. Que ce soit en amitié ou en amour.

Moi et mon meilleur ami, nous nous regardons. Lucas aime Lys ? Cette question tourne en boucle dans ma tête. Sait-il qu'il va souffrir ?

Ne m'abandonne pas...

Ne pars pas...

J'ai besoin de toi...

Reste avec moi...

Tu dois rester...

Ecoute mon cœur comment il bat pour toi...

Je t'attendrais, je te le promet...

Même si ça doit durer des années...

Ne m'abandonne pas...

Ces phrases me gâchent la vie, depuis qu'elle est partie. Ces phrases que j'avais prononcées sept ans plus tôt, mes yeux ancrés dans ceux de Lys. Seulement, elle est partie sans même répondre à ma déclaration.

Mais je me souviens que ce jour-là, les larmes ont noyé ses beaux yeux. Elle avait déposé un léger baiser sur ma joue. Un baiser d'au revoir. Pas un baiser d'adieu. Elle savait que tôt ou tard, elle reviendrait me chercher. 

Je dois avouer que la voir partir dans cet avion sans qu'elle ne se retourne, a été une des choses les plus dures que j'ai eu à faire. J'avais tellement envie de la rattraper, de lui dire que je m'envolais avec elle pour la France, lui dire qu'elle était la seule chose dont j'avais besoin pour vivre une vie comblée. J'avais tellement envie de la rattraper et de poser mes lèvres sur les siennes pour la rassurer, pour lui faire comprendre que malgré le fait qu'on soit séparés nos âmes seront toujours liées et nos destins toujours entrelacés.

Mais putain qu'est ce que tu dit ! T'es censé la détester !

Elle. Ne. T'a. Jamais. Intéressé.

ELLE...