Ch21, still into youLe calme avant la tempête. Ce pressentiment que quelque chose de mal va arriver quand tout va un peu trop bien. C'était ce que Seiko avait commencé à ressentir, lorsqu'elle avait vu que rien n'avait changé, ou presque. C'était comme s'il y avait eu un consensus silencieux, et qu'ils avaient tous décidé de ne pas s'en mêler, de rester neutre.
Alors presque rien n'avait changé, excepté Momo, qu'elle avait perdue. Peut-être que ça pouvait paraître "rien", peut-être qu'elle donnait l'air de ne pas être touchée, de s'en foutre, mais peu importe combien elle essayait, tout était faux. Parce que l'amour n'est pas conditionnel, l'amour n'est pas télécommandé, on ne choisit pas quand, pourquoi ou comment, et c'était pour ça que malgré tout, elle l'aimait encore. Et elle vivait sa perte comme on vivait un deuil.
Elle avait appris que l'on pouvait faire le deuil d'une personne vivante, que ce n'était pas une question de vie, mais une question de ce qui était et qui n'est plus. Le deuil ça la connaissait. Elle connaissait les 5 étapes par cœur : le choc, le déni, la colère, la tristesse, et la résignation. C'était du déjà-vu. Et s'il y avait une chose qu'elle avait retenu du deuil, c'était que ça faisait mal, très mal, et très longtemps.
Et oui, elle avait mal. Quand elle la voyait de loin, engouffrée dans ses pensées, ça lui faisait mal. Quand elle voyait qu'elle avait à peine touché son assiette, ça lui faisait mal. Quand elle remarquait qu'elle marchait seule en bout de file, ça lui faisait mal. Ça faisait mal d'être quotidiennement confrontée à ce qu'elle avait perdu.
Alors elle essayait de faire comme si. Comme si ça ne changeait rien, comme si tout était normal, comme si ça ne la touchait pas. Elle essayait de passer au-dessus, de s'occuper, d'ignorer la déprime errante, les souvenirs heureux transformés en lames coupantes, le spleen. Mais parfois, assise par la tristesse dans la chambre d'hôtel trop grande et trop vide, elle ne pouvait les contenir, ces petites perles qui gâchaient son maquillage.
Prise dans le gap, elle oscillait. Heureuse, triste, heureuse, triste. C'était le lot qu'elle avait gagné en se retrouvant coincée dans la brèche très serrée de l'amitié et de l'amour. Lorsqu'elle était triste, elle se disait qu'elle avait mille raisons d'être heureuse. Lorsqu'elle était heureuse, elle se disait qu'elle n'en avait pas le droit. Et dans les deux cas, elle culpabilisait.
"Mina propose d'aller dans un bar ce soir, t'en penses quoi ? — suggéra Kyoka.
— Je suis jamais allée dans un bar.
— Décidément Seiko ! Qu'est-ce que t'as fait toute ta vie ? — se moqua-t-elle gentiment, sans mal.
— Étudier ? Lire ? Tu connais ?
— T'es tellement sérieuse."
Et elle revenait inlassablement à son poste de la fille qui n'avait pas vécu. Les choses les plus banales de l'adolescence manquaient à son entendement, et elle ne savait pas dire si c'était parce qu'elle avait grandi trop vite, ou qu'elle n'avait pas pu grandir assez vite. Elle découvrait encore ce que c'était que d'avoir une vie normale. Une vie désordonnée, une vie sans être pistée, une vie avec des amis, une vie où l'a entouré était permise, une vie pas contrôlée.
Parce que pendant longtemps ça avait été ça, sa vie. Suivre les règles, exécuter ce qui était demandé, dire oui à tout, être la fille modèle et docile, être modérée. Le mot préféré de ses parents. Et même si elle ne leur en voulait pas d'avoir essayé pour surmonter leur deuil, juste parfois, elle détestait l'écart qu'ils avaient crée entre elle et les autres.
"Je veux bien venir avec vous.
— Trop cool ! Dis Siri, joue "Still into you" de Paramore!"
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I can see the light - Shoto x OC
Fanfiction"Le soleil se levait, un rayon m'a chatouillé le visage, et c'était comme si l'obscurité avait disparue. Je redécouvrais le monde du point de vue d'une adolescente normale. Et je me suis dit : Enfin, je peux voir la lumière" NEW YORK TIMES BEST SEL...