22 ♥︎

44 4 0
                                    


Ch22, elle

C'était elle, encore. Elle qui était à l'origine de tous ses tracas, elle qui lui en voulait, elle qu'elle était incapable de sortir de sa tête. Et elle était triste. Seiko l'avait vu, dans ses prunelles trop vides, dans le froissement de ses sourcils, dans le chétif tremblement de sa voix, dans les triturations nerveuses de ses doigts. Parce qu'elle était aussi en deuil, le deuil de ce qui aurait pu être mais ne serait jamais, le deuil de tout ce qu'elle avait construit toute seule.

"Heu... oui bien sûr."

Elle le lâcha, le corps retombé en hypothermie, honteuse, mortifiée, comme prise en flagrant délit d'un crime, comme si elle venait de braver l'interdit. Parce que même si elle avait le droit, le poids de la culpabilité continuait à la meurtrir. Une impression d'injustice, quelque part. Alors elle était retournée à l'intérieur, les chevilles lourdes, de retour à la table, corrodée par des pensées trop acides.

"Momo est vraiment allée parler à Shoto ? — demanda Mina en s'asseyant avec elle, l'air affligé.

— Oui, ils discutent dehors.

— Je lui ai dit que ce serait peut-être un peu... — elle lâcha un petit soupir, embêtée. — Je comprends qu'elle puisse se sentir mal mais... enfin bref. Tu veux un verre ?

— J'ai dit que je buvais pas ce soir.

— T'es sûre ? Même pas un petit ? — elle lui fit un sourire malicieux. — Je te l'offre.

— Bon... juste un petit alors."

Et puis c'était toujours la même chose. Elle finissait toujours par désobéir à ses propres règles, et ça la menait toujours à des catastrophes. Un piège dans lequel elle se laissait retomber. Choisir la facilité pour couper court aux mauvaises pensées, et naïvement croire que comme ça, ça irait mieux. Le pire, c'était que pendant un très bref instant, les choses semblaient vraiment un peu moins pires. Ça avait toujours l'air d'aller mieux, et c'était ça, le vrai piège. Parce que le malheur finit par revenir, une claque qui ramène à une réalité amère, et le temps de réaliser que les effets sont redescendus, on se sent encore plus misérable que sobre.

Elle était restée clouée à cette table, le verre vide sous son nez, spectatrice extérieure de la foule en folie, agonisant dans son isolement. Même la force de la musique ne pouvait couper court au volume de ses pensées. Parce que ça ferait bientôt 40 minutes qu'ils étaient dehors. 40 minutes qu'elle poirautait et refaisait le monde avec mille scénarios catastrophe. 40 minutes qu'elle ressentait cet inconfort qu'elle avait enfin réussi à oublier un petit peu.

Sans trop savoir pourquoi, passée en mode pilote automatique, elle sortit du bar, comme un morceau de métal aimanté par cet endroit, ses jambes qui approchaient, engourdies, tous ses muscles contractés, inconfortable. Oui, de l'inconfort, exactement ce qu'elle avait ressenti en la voyant étreindre Shoto comme si sa vie en dépendait. Et elle espérait que ce soit la dernière fois qu'elle aurait à supporter cette vision. Parce que ses globes oculaires auraient pu exploser, tellement c'était dérangeant.

Shoto était comme léthargique, coincé entre ses deux bras, barricadé, sans pouvoir bouger, sans savoir où se mettre. Et c'était assez clair qu'il détestait ça. Pour autant, il ne la repoussait pas, il ne se dégageait pas, il acceptait, un peu trop docilement à son goût.

Elle resta impotente, à stocker la colère qui grouillait en elle comme des insectes enragés, à garder la face, à prétendre que ça ne lui faisait rien, que c'était normal. Parce qu'il ne fallait surtout pas qu'on voit que ça la touchait, pas pour quelque chose d'aussi idiot. Elle devait rester the bigger person.

I can see the light - Shoto x OCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant