Annabelle de Coutais

Chapitre 37 : Coup de foudre

Cette histoire, Annabelle ne voulait plus en entendre parler et elle était reconnaissante que pendant toute leur ballade, son ami le plus cher n'y fasse même pas allusion. Ce n'était pas pour autant qu'il acceptait sa décision. Il devait sûrement avoir cet instinct protecteur et fraternel envers elle, pensait-elle.

Malgré la chaleur du mois d'Août, il était agréable de se promener dans les rues de Paris. Beaucoup étaient partis à la campagne ou sur la côte, pour ceux qui avaient une maison secondaire, et les autres restaient cloîtrés chez eux, les volets fermés. Annabelle et Isaac, eux, se plaisaient à découvrir la ville et ses plus beaux quartiers, et firent bien attention de marcher dans toutes les zones ombragées qu'ils croisaient. Isaac put admirer pour la première fois la Tour Eiffel, aussi imposante qu'on lui avait décrite. Ils déambulèrent jusqu'à l'Arc de Triomphe et longèrent la grande avenue jusqu'à la place de l'Etoile et sa fameuse obélisque. Ils en profitèrent pour traverser le jardin des Tuileries, où ils s'installèrent un moment sur une chaise pour regarder quelques enfants jouer dans les allées du parc. Et après ce moment-là, ils continuèrent leur excursion dans le quartier sans regarder où ils allaient. Isaac restait à une distance respectable ; il était d'une courtoisie irréprochable. Mais quand ils rencontraient une marche ou un trottoire, Isaac n'aidait même pas Annabelle comme Paul le faisait toujours. Hormis les habits fortunés de sa guide, Isaac voyait Annabelle exactement comme elle était, autrement dit, pas comme une demoiselle pompeuse qui aurait besoin d'aide en permanence. Annabelle ne le fit pas remarquer mais elle avait étrangement apprécié pouvoir se déplacer librement et ne pas être collée à quelqu'un pour une fois.

Au-dessus de leurs têtes, sans qu'ils rendent compte, enfermés dans leur bulle, d'épais nuages noirs s'étaient formés et avaient recouvert la ville. Quand une goutte de pluie atterrit sur le nez d'Annabelle, ce qui amusa Isaac, ils n'eurent pas beaucoup de temps avant qu'une trombe d'eau ne vienne les surprendre. Ils se mirent à courir sur les pavés.

Autour d'eux, les rues étaient miraculeusement désertes. L'après-midi était passé à une vitesse folle, à tel point que plusieurs commerces avaient déjà fermés leur porte. Quand soudain, le ciel gronda, prenant de court les deux amis dans leur flânerie, la jeune parisienne embarqua Isaac dans une rue adjacente.

– Vite, je connais un endroit où se mettre à l'abri !

Essoufflés, ils s'arrêtèrent sous le porche d'une galerie couverte, le Passage de la Madeleine. Dans l'euphorie, ils furent pris d'un fou rire inarrêtable.

– Que c'est bête !, s'amusait Annabelle. Courir pour échapper à la pluie, comme si elle nous attaquait.

– Qu'en sais-tu ? Un jour elle pourrait bien décider de le faire !, se moqua Isaac.

Annabelle lui jeta un regard narquois puis s'avança à grands pas au milieu de la rue. Elle leva la tête et laissa les gouttes d'eau dégouliner sur son visage jusqu'à terminer leur trajectoire sur le bitume chaud. Isaac accourut la retrouver pour la dissuader d'arrêter :

– Es-tu folle ? Tu es trempée maintenant !, dit-il alors qu'il observait la jeune fille faire un tour sur elle-même, les bras ouverts.

– Je m'en fiche ! Au moins, mon excuse d'avoir attrapé froid ne sera plus une excuse, lui répondit-elle sur un ton malicieux.

– C'est bien ce que je dis, tu n'as pas changé. Pas le moins du monde.

En entendant ces mots, Annabelle baissa les bras et s'arrêta face à lui pour l'écouter. Isaac s'approcha d'elle encore plus, une étincelle dans le regard.

– Regarde-toi ! Tu t'en moques bien d'être recouverte de pluie de la tête aux pieds, ou de salir ta robe, qui je suis sûre a été confectionnée par un grand couturier pour une fortune. C'est comme quand nous étions enfants..., laissa-t-il sa phrase se suspendre, submergé par la nostalgie.