La Mélodie des Plumes - Tome 1

Chapitre 27 : Órt gala em herdin ?

Admar leva la tête vers le ciel et éclata de rire.

— Rétablir la mémoire du passé est ton devoir ? Alors que ton don se cantonne à influencer la météo ? Alors que tu n'es même plus capable de contrôler ton propre pouvoir ? Qu'es-tu encore réellement capable de faire ? Si mes connaissances sur les interférences sont correctes, tu ne dois plus être capable d'employer le troisième type de magie à présent.

Il désigna l'épais livre posé sur un présentoir dans un coin de la pièce.

— Ton Artefact ne doit plus non plus t'être de la moindre utilité. Au mieux, tu dois être capable d'arrêter de la magie par Artefact. Par contre, tu ne peux plus t'en servir toi-même sinon il aurait déjà plu depuis longtemps. Quant aux sorts, j'imagine que tu en as encore le contrôle.

Il marqua un temps et planta son regard sombre dans celui d'Orlyë.

— Mais pour combien de temps ? Plus tu attends, plus ton don t'échappes. N'essaie pas de le cacher. Le temps joue contre toi. Soit ton don finira par se dissiper, soit ton propre peuple viendra te chercher et te forcer à utiliser tes pouvoirs. Et tu sais aussi bien que moi que leur nouveau leader, Ylkad, ne s'embarrassera pas des détails.

Le Maître du Temps s'avança d'un pas.

— Trêve de bavardage, Admar. Si tu es uniquement venu pour me rappeler ce que je sais déjà, ta présence ici est inutile.

— Toujours aussi pressé à ce que je vois, ironisa Admar. Dommage que tu ne le sois pas pour résoudre ton petit problème.

Orlyë encaissa la pique sans frémir. Admar pencha la tête sur le côté et le jaugea du regard.

— Toujours aussi fier aussi, nota-t-il d'un ton où Elune aurait juré déceler de l'approbation. Enfin... Puisque tu sembles si entêté à refuser ma solution, je tenais à te rappeler comment se formaient les interférences.

— Ín na un herdin, répliqua froidement Orlyë. Tu ne m'apprends rien.

Elune se concentra tant bien que mal et se mit à répéter dans sa tête la phrase qu'Orlyë venait de prononcer. Il lui fallait à tout prix comprendre ce dont ils parlaient.

— Si tu le sais déjà, Órt gala em herdin ?

Aux côtés d'Elune, Lucya écarquilla les yeux mais s'abstint de commentaires. Les deux Maîtres risquaient d'interrompre leur conversation. Jusqu'à présent, ils s'étaient contentés d'agir comme si elles n'étaient pas là.

Elune buvait leurs paroles. Ainsi, le premier Maglien se prénommait Istler et son Artefact était le fameux diamant primitif. Le Maître de l'Esprit semblait chercher à le recréer. Mais dans quel but ? Cette première réponse à sa multitude d'interrogations la laissait avec plus de questions que de solutions.

— Il n'y en a pas. Cet herdin n'existe pas.

— Vraiment ? répliqua Admar peu convaincu. Lín Ludwygia ? Tu es le dernier à l'avoir vue.

— Ín nit or gala sten planado. Ne te fais pas d'illusions à ce sujet.

— Rien passé ? Vraiment ? S'il ne s'était rien passé, les interférences n'existeraient pas. Ose me contredire.

Orlyë se renfrogna.

Du coin de l'œil, Elune vit Lucya griffonner quelque chose à l'aide d'une plume sur un papier sortit de sa besace. Depuis quand la clarinettiste transportait-elle du matériel d'écriture ? Elle détestait les travaux manuels.

— C'est bien ce qu'il me semblait.

Admar soupira résigné. Il tourna le dos à son interlocuteur et se dirigea vers la fenêtre. Au-dehors, le ciel se parait de couleurs orangées. Ses cheveux resplendirent dans les dernières lueurs du jour comme l'auréole argentée qui illuminait les représentations de Napë. Plongé dans l'ombre, Orlyë apparaissait chétif et affaiblit. La main pâle d'Admar émergea de ses longues manches noires et se présenta, paume ouverte devant le Maître du Temps.