L'histoire que je vais vous raconter fut l'expérience la plus traumatisante que j'ai vécu de toute ma vie, même encore aujourd'hui j'ai du mal à savoir si c'était la stricte réalité ou le fruit de mon imagination. Je me souviens que ça a eu lieu en automne dix-huit cent douze, à cette époque-là je venais de finir mes études de médecine et je profitais au maximum de toutes les joies que procure la jeunesse. En cette même année, un vieil ami duquel je n'avais plus eu de nouvelles depuis longtemps m'écrivit pour me demander de soigner sa vieille mère d'un mal incurable. Cet ami s'appelait Paul Chambin, il était prêtre dans une paroisse de plusieurs villages de la profonde Bretagne. Les fidèles lui vouaient une confiance absolue, car, effectivement ce Paul Chambin a toujours été serviable et dévoué envers tout le monde, ce qui explique probablement le fait qu'il ait décidé de devenir un serviteur de Dieu tout comme un serviteur des hommes. Je me rappellerai toujours cette nuit effroyable que j'ai vécu à mon arrivé dans le hameau où il habitait, c'était une soirée très orageuse tellement orageuse qu'on aurait cru qu'un deuxième déluge allait avoir lieu. J'arrivais dans le village à bord de ma diligence, le tonnerre grondait à faire trembler la terre et la foudre zigzaguait entre les nuages d'un noir vertigineusement profond. Le village était surplombé d'une colline où trônait l'église qui semblait être une vieille ruine lugubre. Le village avait l'air désert, comme si la bourrasque avait emporté tous les villageois. Les volets des vieilles maisons grinçaient sous les caprices du vent et les râlements des fermes en bois se confondaient avec les craquements des arbres penchés par la tempête, tout le village sonnait comme une cacophonie sinistre de clameurs indiscernables. Mais je ne faisais point attention à l'agitation extérieure, j'étais aspiré par ma lecture passionnante sur l'anatomie humaine : J'observais les dessins des corps dépulpés avec une fascination morbide ; j'observais chaque muscle, chaque os, chaque organe retranscris sur les feuilles de mon livre. Soudain, la voiture s'arrêta : j'examinais mon environnement afin de comprendre l'origine de cet arrêt brutal, il s'avérait que j'étais arrivé devant l'église qui surplombait le petit hameau triste et désolé et c'est alors que je vis, grâce à la lumière de la foudre, le visage d'un homme au sommet du clocher. Il semblait, à première vue, assez maigre et fatigué : la lumière de l'éclair montrait avec grande précision ses nombreuses rides témoignant des longues années passées dans le labeur. Sa tenue était juste composée d'une tunique brune nouées à la taille par une corde usée et noircie de moisissures. Cela me fit supposer que c'était le Sonneur de l'église, ce qui était désormais archaïque à la période industrielle où je vivais avec les systèmes mécaniques qui étaient du plus en plus perfectionnés au point de rendre obsolète la main maladroite de l'homme. Quand soudain ! J'entendis un bruit strident descendre du ciel comme si des milliards de feux d'artifices chinois explosaient en même temps ! Ensuite, je vis un éclair d'une blancheur aveuglante s'abattre sur le pauvre homme qui se retrouva projeté violemment en arrière comme repoussé par une force surnaturelle. En voyant cette scène d'une grande cruauté, je tremblais de stupéfaction mais je repris rapidement mes esprits et me décidai à aller aider ce pauvre vieillard tel était mon devoir envers le serment d'Hippocrate, je pris ma mallette et me dirigeai vers l'église ténébreuse.
En entrant, je remarquais que le bâtiment était en pis état que je l'avais imaginé : l'intérieur était très sombre et uniquement éclairé par les lumières blanches et hasardeuses produites par la foudre, le cœur de l'église était fait en carrelage imitation marbre, mais ce carrelage imitait mieux la moisissure que le marbre : il y avait un trou béant dans la toiture qui laissait le vent et la pluie pénétrer dans la bâtisse. Les vitraux étaient jonchés de taches noires dues à un nettoyage peu présent voire absent, les bancs étaient un peu mieux entretenus et avaient un style rustique qui s'accordaient étrangement bien avec l'aspect lugubre de l'église. C'est grâce à la foudre que je trouvai la porte menant au clocher. Quand je l'ouvris, la vieille porte en chêne massif fit un bruit de grincement sinistre comme si le bois la constituant provenait des arbres penchés au dehors. Après avoir franchi cette porte inquiétante je sentis une odeur de putréfaction qui aurait pu faire vomir le Malin en personne, je m'obstruais la bouche avec un mouchoir et commençais à emprunter l'escalier en bois qui menait au sommet du clocher. Le bois était mouillé et fort glissant, je tressaillis un bon nombre de fois pendant mon ascension mais je parvenais toujours à me rattraper sur le mur en pierre parsemé de mousse humide. Plus j'avançais, plus l'odeur de décomposition devenait forte : je me retenais d'exécrer mon suc gastrique bouillit par mon estomac agissant tel une marmite faisant bouillir du potage. Je parvins enfin au sommet du beffroi et je constatais qu'il n'y avait qu'une énorme cloche en fonte mais aucun signe du foudroyé. Je balayais la pièce des yeux jusqu'à ce que je visse une silhouette très peu visible allongée sur un balcon latéral à la grande cloche, ça devait être le vieux Sonneur foudroyé. Je m'approchais de cette ombre, et soudain ! La foudre inondât le clocher avec sa lumière et je découvris avec une grande terreur que l'homme en question était, déjà, à un stade de décomposition très avancés pour un cadavre aussi récent : la tête squelettique de l'homme, si on considérait ceci comme une tête, était transpercée par des centaines de mouches et d'asticots gluants qui se nourrissaient des derniers lambeau de chair se situant sur son crâne, des vers répugnants sortaient des deux orbites noirs et se mouvaient dans une danse macabre. Pour une raison que j'ignore, l'atlas se rompît et le crâne se trouva séparé du rachis cervical. J'avais déjà assisté, lors de mes études, à de nombreuses dissections de cadavre mais pour la première fois, j'éprouvais une envie de vomir insoutenable ce qui m'obligeât à me pencher par-dessus la rambarde du balcon pour exécrer le contenu bouillant de mon estomac. La chose suivante me fera peut-être passer pour un fou mais je l'ai vraiment vu de mes propres yeux, la corde permettant de faire sonner la cloche commençât à remuer sans que personne ne la fasse bouger ; la corde remuait de gauche à droite dans un mouvement saccadé puis la corde s'éleva et descendit d'un seul coup provoquant ainsi le mouvement de la cloche en fonte qui produit un son tellement strident qu'il aurait pu faire dérober les parois de la Terre entière. J'eus l'impression que mes tympans allaient se briser en mille morceaux, mes membres tremblaient à s'en détacher, mes dents grinçaient de la même intensité que les volets des maisons en contrebas. Je sentais que je commençais à perdre mes forces et je tombai lamentablement sur le plancher sale et mouillé du balcon.
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Le fantôme du Haut-Clocher
ParanormalLors d'un voyage inattendu, un jeune médecin va vivre un expérience inexplicable qui va le pousser à remettre en question le principe de vie et de mort, au travers d'un combat qu'il doit mener pour survivre au sein d'un clocher infernal.