Chapitre 6 - Le chasseur

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Gangsta - Kehlani

Evan

L'odeur de sueur émane des vestiaires.

Keelan et Dani rient à s'époumoner et les casiers tremblent.

— J'ai raté quoi ?

Kee' tourne la tête face à ma remarque et reprend son air sérieux, il sait que je laisse mon âme charitable et ma conscience dans cette pièce. Lorsque vous vous engagez à travailler pour un service public tel que les forces de l'ordre, si vous n'êtes pas hermétique à la tristesse et la souffrance vous ne ferez pas de vieux os.

Je prête serment à la justice. Au diable les sentiments.

J'applique rigoureusement ce que j'ai appris en école, parfois de façon un peu trop psychorigide, je dois bien l'admettre. Je porte ce masque, imperméable à toute distraction.

— Le type qu'on a coincé hier avec Dani, il avait tellement peur qu'il s'est pissé dessus dans la nuit. Il a avoué pour tous les chefs d'inculpation. Il est cuit.

Un sourire se dessine sur mon visage. Ça, c'est la partie que je préfère. Faire tomber quelqu'un qui le mérite. Après des heures à enquêter et remuer la merde, un pedophile est mit hors service.

— Félicitations.

J'ouvre mon casier dans une mélodie routinière, m'apprêtant à revêtir ma plaque. La fierté s'échappe par tous mes pores. Il n'y a qu'en servant mon pays que je me sens utile. Il n'y a qu'en protégeant les citoyens que je me sens accompli.

Mes sourcils se froncent instantanément lorsque je découvre une large enveloppe brune à l'intérieur de mon casier. Mon nom y est inscrit. Je sens au moment où ma main la saisit, que deux têtes me poussent. Évidemment, ils sont toujours à fouiner ces deux-là.

— J'espère que ce n'est pas Jones. Le vieux envoie rarement de bonnes nouvelles.

Dani envoie une petite tape sur Keelan

— Kee', ce n'est certainement pas une admiratrice secrète ! Évidemment que c'est Jones.

Mes deux amis me poussent à ouvrir l'enveloppe, la même que l'on utilise pour envoyer des preuves au labo. Tous les trois, penchés vers le fond du craft, nos yeux s'écarquillent.

Quelqu'un a glissé un os que je présume animal dans une putain d'enveloppe comme si c'était une carte postale. Un mot y est également laissé.

« Continue à creuser de son côté, mon corps n'est pas loin. »

Dani étouffe un cri de surprise et le grand blond a la bouche grande ouverte.

— Mon pote, j'espère que ce n'est vraiment pas une admiratrice.

Je referme précipitamment l'enveloppe, attrape mes affaires et claque la porte en bredouillant que je dois voir Jones. Je ne prends même pas la peine de frapper à la porte, j'entre en trombe.

Le craft que je lâche sur son bureau attire son regard sur moi. Il se détourne de son journal et de sa tasse à café.

— Bonjour Stone, vous livrez le courrier ce matin ?

— Je vous conseille de l'ouvrir.

Il pose sa tasse et sa lecture, ajuste ses lunettes et ouvre l'enveloppe. Ses yeux s'arrondissent et il examine maintenant mon nom inscrit.

— Où avez-vous eu ça ?

Il me fixe, inquiet.

— Je viens de le trouver dans mon casier.

À ces mots, mon patron me rend l'enveloppe et fronce rageusement les sourcils.

— Trouve d'où ça vient. De toute urgence.

Il a peur, trop pour qu'il ne s'agisse que d'une simple blague. Cette affaire s'avère être de plus en plus intéressante. Je traverse à toute vitesse les couloirs jusqu'à mon bureau. Des tonnes de questions se bousculent dans ma tête: qui a fait ça ? Comment ? Et surtout pourquoi ? Je dois creuser du côté de Rebekah. Tout commence toujours par elle.

Ses mensonges et ses faux sourires. Elle représente un mystère, le plus dangereux de tous.

Les rouages de mon cerveau se mettent en place, ça tourne à plein régime dedans. Comment cette personne a-t-elle pu entrer dans le commissariat ? Et surtout avoir accès à mon casier. Personne, en dehors des agents, n'ont accès à cette pièce. Je me jure de découvrir la vérité, et ce le plus rapidement possible. Si je joue correctement, ce sera sûrement ma plus belle réussite et le monde entier comprendra enfin quel grand officier je suis.

Je sors du bâtiment, bien décidé à me griller une cigarette. Kee est déjà attelé à faire de même, il me montre la chaise en face de lui.

— Alors ton cluedo, ça avance ?

D'habitude j'aurais sûrement été moins apte à la blague, mais son humour me permet de me détendre. C'est tout ce dont j'avais besoin: de la nicotine à m'en brûler la gorge, quelques bonnes blagues et rien de sérieux.

— Probablement l'affaire que j'ai reprise.

Keelan bloque sa respiration et expire la fumée dans un bruit sourd. Ses sourcils froncés, il semble réfléchir à ma remarque. J'écrase ma cigarette dans le cendrier improvisé. D'une tape dans le dos je salue mon collègue et retrouve mon bureau, ou une pile de dossiers m'attend près de mon ordinateur. Le plus intéressant trône au milieu, tout près de ma demande d'interrogatoire.

Avery Hall. D'ici peu, j'aurais également sa version et j'en trépigne déjà d'impatience. Si la mère et la fille sont des tombes, la meilleure amie s'avère être une mine d'informations. C'est elle qui, étonnamment, a fourni le plus de détails lors de son témoignage. Dans ce dossier sanglant et énigmatique je n'ai plus de doutes quant au coupable. Je n'aurai aucun remords à manipuler, tromper et piéger pour résoudre cette affaire.

Je suis prêt à tout pour gagner cette partie. Rebekah Williams tombera, je m'en fais la promesse. Le petit malin qui a cru bon de vider la tombe de ses os et ses vers m'agite sa victoire sous le nez. Jamais personne ne me ridiculisera. Jamais.

Un chat et une souris. Un chasseur et un traqué. Je suis celui qui attrape sa proie. Celui qui gagne et aucune exception ne sera toléré.

Oraison Funèbre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant