Localisation inconnue
L'avantage du sommeil, c'est qu'il permet l'oubli. En dépit de la fatigue, j'ai mis du temps à m'endormir. Mais j'ai pu obtenir quelques heures de répit. Et en ouvrant les yeux, j'ai réalisé que j'étais de retour dans ce cauchemar dont le sommeil m'avait momentanément extraite.
Je me redresse sur mon lit. Mon corps est douloureux, comme si j'avais été passée à tabac. J'ai passé une très mauvaise nuit. La première en captivité, sur une couche dans un recoin de l'espèce de laboratoire où les femmes des bains m'avaient amené la veille. Comparé à l'immense lit de celui qui se disait mon maître, c'est rudimentaire. Mais, de toute ma vie, je n'avais jamais dormi sur une couche aussi confortable. Le problème, c'est que je suis sur un vaisseau de pirates exogènes. Comment bien dormir, dans ces conditions ?
Et Mila est toujours prisonnière de ces monstres. Quelque part, dans cet immense vaisseau, peut-être...
— Aslith !
Je me redresse immédiatement. C'est la voix artificielle, celle du masque. Et ce n'est pas celle du prince.
Un ældien immense apparaît devant moi. Il ne porte pas d'armure, mais un masque comme celui de Tamyan, recouvert d'une capuche. Je devine qu'il l'a mis autant pour me dérober son visage que pour pouvoir parler avec moi : les aslith qui m'ont conduit ici la veille m'ont dit que ma plus grande tâche serait d'apprendre leur langue, car les « Maîtres » refusent de parler la nôtre. À l'exception notoire du mien.
— Sa Seigneurie t'attend dans ses quartiers, m'apprend la voix désincarnée.
— Tamyan ?
— Le prince Tamyan As-Vyr Niśven, aslith ! gronde l'ældien en levant une main menaçante. Et pour toi, ce sera « Maître », ou « Sa Seigneurie ». Compris ? Encore une insolence de ce type, et tu écoperas de dix coups de fouet. Vingt si tu recommences !
D'un geste, il écarte le pan de sa lourde cape. J'aperçois un fouet en métal accroché à sa ceinture.
J'ai encore du mal à bien appréhender ma situation. Là, c'est un rappel sans équivoque.
— Dépêche-toi. On ne fait pas attendre l'ard-æl.
— Est-ce que je peux au moins me couvrir, me débarbouiller... ? Je viens juste de me lever. Je ne peux pas me présenter devant le...
D'un geste invisible à mes yeux, l'ældien décroche son fouet. Il le fait claquer sur les dalles, une fois. Cela suffit à me faire bondir de mon alcôve.
— Je ne le répèterai pas deux fois. Tout de suite !
Je le suis dans les couloirs. J'essaie d'en profiter pour regarder autour de moi, discrètement. Ce ne sont pas des couloirs de vaisseau normaux. On dirait un bâtiment religieux, avec des arcs, des ogives. Tout est finement sculpté. Je distingue des formes végétales, des entrelacs d'arbres comme je n'en ai jamais vu. Et parfois, entre ces sculptures, des images. La plupart représentent des scènes de guerre, mais ce ne sont pas des guerres stellaires, de vaisseaux dans l'espace. Elles représentent des créatures ailées, énormes, montées par des ældiens en armure, dans des décors de feu et de volcans, ou des plaines enneigées. Des paysages totalement étrangers à mon expérience. Et — c'est peut-être le pire — des scènes bibliques, tirés des Livres Saints. Notamment une, qui montre l'Adversaire, le Révolté, en train de tenter les premiers hommes sous un arbre. Avec ses cheveux de jais et ses ailes noires, il a les traits de Tamyan, les cicatrices en moins.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Science-FictionLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...