III

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Avril 1940

France

Le sifflement du train retentit avec force, signalant ainsi sa présence à l'ensemble des voyageurs. Posant un pied à terre, Alice prit quelques instants pour contempler l'édifice qui lui faisait face. Sa grandeur et son architecture avaient le don de la stupéfier. Les hommes étaient donc capables de telles prouesses désormais ? Si peu de temps s'étaient pourtant écoulés depuis sa vie précédente. La guerre incitait donc à ce point au progrès ? Possible.

Cessant ses rêveries, elle débuta son chemin d'un pas ferme. Prenant comme direction le centre-ville, la blonde se mit à la recherche d'un taxi. Seulement, ces derniers semblaient être uniquement destinés à la classe aisée. Une constatation qui lui arracha un sourire amer. Quoi qu'il fasse, l'être humain ne se défait point de ces défauts.

Décidant donc d'entreprendre son trajet à pied, elle prit soin d'acheter de quoi se restaurer avant. Bagage en main, la jeune femme poursuivit sa route sans tarder. Quelquefois, elle modéra son allure pour contempler le paysage qui s'offrait à sa vue. Suivant le boulevard Victoria, elle eut le plaisir d'apercevoir au loin le Bief de Sichon, une rivière longeant Vichy.

Tout en perpétuant son avancée, Alice se fit une soudaine réflexion. Peut-être que vivre ici serait une bonne idée ? Une question qui ne cessa de résonner dans son esprit. La jeune femme y pensera convenablement plus tard. Pour l'heure, elle avait d'autres préoccupations. La première étant de retrouver Victor. Un ami qui lui fut cher. Un vestige de son ancienne existence. En temps normal, la blonde aurait catégoriquement refusé une nouvelle rencontre. Seulement, lui seul était capable d'assouvir sa curiosité vis-à-vis d'un événement bien particulier.

Malgré sa détermination pour le confronter, une crainte demeura. Logée au plus profond de sa poitrine, celle-ci semblait intarissable. La blonde a tenté vainement de faire fi de cette dernière, mais cela s'avérait bien plus ardu qu'elle l'aurait cru. Comment allait-elle l'aborder ? Comment suscitait son attention ? Comment le convaincre de lui accorder de son temps ? Des questionnements incessants et dont la réponse ne lui vint jamais.

Cela la fit profondément soupirer. Quelle lâcheté. Elle, qui possédait autrefois un courage sans égal, semblait bien peureuse désormais. Une constatation qui la fit rire jaune. À quel point avait-elle changé depuis cette époque ? Bien trop. Même en observant longuement son reflet, la blonde n'était encore jamais parvenue à retrouver ne serait-ce qu'un seul détail de son ancienne apparence.

Johanna, Rose, Alice...

Des prénoms qu'on lui avait attribués, mais dont le sens s'estompait chaque jour un peu plus...

Parfois, ses souvenirs se mélangeaient et il devenait ardu de les dissocier. Lequel appartient à quelle période ? Quelle voix appartient à tel visage ? Quel être a prononcé de telles paroles ? Des interrogations aussi éprouvantes que douloureuses.

Ces pensées furent soudainement interrompues par une puissante voix. Dirigeant son regard vers l'origine de celle-ci, la jeune femme distingua un bâtiment. Délabré, ce dernier semblait n'avoir besoin que d'un coup de vent pour s'effondrer. Pourtant, ce fut bien de ce lieu que cette voix provenait. Curieuse, Alice s'approcha doucement de l'édifice. Jetant une œillade au travers d'une fenêtre craquelée, elle parvint à discerner deux silhouettes. Une petite semblable à un enfant et une plus grande, plus imposante, comme un homme adulte. Ce fut lui, le propriétaire de ce timbre étrangement vigoureux.

– Vois-tu, c'est ici que réside toute la complexité de la pensée de Calliclès ! Déclara-t-il avec un entrain surprenant. Il fait bien la distinction entre plaisir et bonheur !

Nous n'étions pas destinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant