XLI

2 1 0
                                    

Novembre 1940

France

L'obscurité. Une obscurité d'une noirceur sinistre. D'une teinte si profonde qu'elle pouvait tout engloutir. Omniprésente, rien ne semblait avoir la force de la vaincre. Tout n'était que ténèbres, des ténèbres aussi sombres que persistantes. Puissantes et majestueuses, elles dominaient avec autorité cet étrange lieu. Était-ce là le reflet de sa propre personne ? De son âme ? De son cœur ? Il n'en serait même pas surpris. Cela faisait si longtemps qu'elles subsistaient en lui, grandissant en lui telles des ronces. Les maîtresses d'épines devenant plus douloureuses chaque jour.

Contemplant cette obscurité de son regard émeraude, il ne sut comment réagir. Devait-il se recroqueviller tel un enfant et supplier que cette plaisanterie cesse ? Mais pourquoi donc craindre une chose qui nous compose ? Cela serait d'une hypocrisie risible. Devait-il alors se révolter en injuriant celui qui lui inflige cette farce de mauvais gout ? Sûrement. Seulement, il n'en avait ni la volonté ni la force. Lasse, il vint se laisser choir, rencontrant durement le sol glacé. Soupirant, il fixa inlassablement cette noirceur. Espérait-il distinguer quelque chose ? Peut-être, lui-même l'ignorait.

-Thomas ! Tressautant violemment, le jeune homme sentit ses yeux s'écarquiller.

La familiarité qui l'emplit à cet instant ne lui laissa point le loisir de nier l'évidence. Cette voix qu'il affectionnait tant s'était muée en sa plus grande souffrance.

– Que fais-tu là-bas ? Apposant précipitamment ses mains sur ses oreilles, il vint les comprimer avec force.

— Disparaît ! Claqua-t-il avec véhémence.

– Thomas ? Pourquoi t'énerves-tu ainsi ? T'aurais-je contrarié ?

— Cesse de m'appeler ainsi ! Je suis Nicolas, désormais ! Avec tendresse, une paume vint effleurer sa joue. A contrecœur, il sentit son visage se mouvoir dans sa direction. Raffermissant sa prise, la silhouette offrit un doux sourire au blond.

— Qu'importe ton identité, moi, je ne cesserai de t'aimer. À ces mots, la poitrine du jeune homme s'emplit de chaleur. Une chaleur d'une telle passion qu'elle pourrait le brûler.

Malgré les avertissements incessants de son esprit, Nicolas ne put lutter davantage. Rendant les armes, il vint déposer son front sur son épaule. Faisant fi de la froideur de sa peau, il se sentit perdre en redécouvrant ce parfum si envoutant. Prestement, les larmes vinrent emplir la bordure de ses pupilles, créant ainsi un doux éclat dans son regard. À cet instant, son manteau de soldat s'effrita, lui donnant l'illusion d'être purifié. Les cris moururent dans un soupir et son dégoût pour sa propre personne fondit comme neige au Soleil. Plus rien n'avait d'importance. Rien. Sauf elle.

– Johanna, ne me quitte plus jamais... Je ne pourrais le supporter...

— Voyons, je serais toujours là, Thomas... Toujours... Répondit la silhouette d'une voix fluette. Toutefois, tel un écho, celle-ci s'estompa lentement. Percevant cela, Nicolas voulut croiser son regard, ses yeux qu'il aimait tant.

– Hanna ?

Malheureusement, son appel resta vain, sans réponse. Quand il découvrit le visage de la jeune femme, ce dernier était flou. Tel un souvenir morcelé, il fut incapable de le percevoir clairement. Seul son sourire fut discernable. Le reste demeurait sous un voile opaque, l'empêchant ainsi de voir quoi que ce soit. Était-ce là un signe pour l'alerter ? Peut-être, mais le jeune homme était dorénavant envouté. Emprisonné dans un maléfice qu'il ne pouvait et ne voulait quitter.

Nous n'étions pas destinésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant