ACTE I - Chapitre 1

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Le sol de l'arène ondoyait au soleil. Les hurlements de la foule lui tordaient l'estomac et son casque, brûlant et lourd, lui paraissait un fardeau. Une goutte de sueur perlant sur le front, Laaov serra les poings autour de sa hallebarde.

An de grâce 2542.

La bête chargeait comme un taureau enragé. Ses pieds griffus martelaient la terre, son sabre écorché scintillait au soleil, de son groin balafré, s'échappaient d'hideux rugissements. Idaryön regorgeait de telles races humanoïdes, d'étranges bâtards et d'inquiétantes créatures venues du fond du monde ... mais Laaov en avait rarement vu de si massives. Le cœur battant la chamade, il descendit solidement sur ses appuis.

Quelques feuilles et une plume. C'est tout ce que j'ai pu trouver avant qu'ils ne m'enferment.

Un éclat féroce au fond de l'œil, les deux adversaires se tinrent prêts à l'impact. Le regard rivé sur les crocs jaunâtres de Dentrag, le garçon expira lentement : aussi impressionnante était cette chose, il ne devait laisser la peur l'envahir. Voilà des mois qu'il se préparait, des mois qu'il se levait aux aurores et s'entraînait sans répit. Le moment était venu de montrer à ce porc – et à tout Idaryön – de quoi il était capable.

Ses muscles se crispèrent et, comme un fauve affamé lâché dans un enclos, lui aussi retroussa les babines. Plus la bête approchait, plus la folle ivresse de la violence lui paraissait émousser sa raison.

Je n'ai que peu d'encre, écrivit-il en relevant la tête, à peine ce qu'il faut pour relater mon dernier combat.

Hurlant avec une hargne quasi animale, il se rua à son tour vers son adversaire – sa grande hallebarde en avant. S'il était bien moins puissant que l'homme-cochon, au moins avait-il l'avantage de l'allonge : peut-être parviendrait-il à l'éventrer avant même que celui-ci n'ait eu le temps de brandir sa vieille lame dentelée.

Du reste, je ne saurais conter tout ce que j'ai sur le cœur.

Brûlant d'ouvrir sans détour le crâne du garçon, Dentrag éleva son sabre vers les cieux. Espérait-il vraiment le toucher ainsi ?! Sans perdre un instant, Laaov visa son poitrail gras et tombant : cet idiot allait vite comprendre qu'il était dangereux de découvrir ses flancs.

La créature dévia la hallebarde sans aucun mal, s'élança en une violente riposte et, d'un grand coup d'épaulière, vint lui percuter la bouche. Des lèvres sèches et gercées de Laaov, jaillit alors une première giclée de sang – un cri étouffé lui échappa. Bon sang ! s'horrifia-t-il. Cette chose avait une force de tous les diables !

Avant même que le jeune homme ne puisse redresser son corps désarticulé par l'impact, les larges griffes de Dentrag s'enfoncèrent sous ses côtes.

Ils m'ont enfermé dès la sortie de l'arène, cela fait maintenant plus de trois jours. Je meurs de faim.

Foudroyé par une vive douleur, il se plia en deux. Cette impressionnante bestiole était bien plus violente, bien plus terrible encore qu'elle ne le paraissait.

Il releva quelque peu la tête : s'il ne se remettait immédiatement en garde, son crâne roulerait sans tarder dans le sable chaud d'Idaryön. Déployant plus de forces qu'il ne l'aurait cru possible, il se redressa et parvint à maîtriser la lame sifflante de son adversaire – lancée à vive allure vers son cou. Par l'enfer, combien de temps résisterait-il ainsi ?

À peine réussit-il à retrouver ses esprits que l'énorme poing de Dentrag, solidement fermé, vint s'enfoncer dans ses dents serrées.

Si je survis assez longtemps, ils m'exécuteront pour les fêtes du Kâal. Mais comment tiendrais-je jusque là, sans même une gourde d'eau ?

Emeryde, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant