Chapitre 22 : Notre cœur sait là où nos yeux ne peuvent voir

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Accompagnée par É'Synthia et une centaine de démons, sur différents bâteaux, nous nous sommes rendus jusqu'à l'ile où se trouvaient mes camarades.
Qu'Ernesto soit là ou non, les siens allaient payer pour ce qu'ils ont osé faire.

Nous avons accostés sur la même plage que celle où j'étais arrivée la première fois.
Contrairement à ma première fois ici, il n'y avait aucun membre des Croix inversées.
Je ne savais pas où ces barbares de l'autre monde s'étaient terrés mais une chose était certaine, leur vie allait bientôt prendre fin.
Je me souvenais exactement où se trouvait l'endroit que l'ombre m'avait indiqué.
"C'est dans cette direction que nous devons aller." Ai-je dit en pointant du doigt là où se trouvaient les cellules.
Tous les démons et moi comprises nous sommes mis à courir sans trop se forcer pour garder nos forces une fois le début du combat.
Seule la générale elfique et moi-même faisions partie du bataillon de sauvetage des otages, pour permettre à Ernistère de rester protégée d'une éventuelle conquête des aventuriers.
Même si le plus gros de nos troupes d'élite était avec nous, la capitale restait bien défendue.
Cette fois-ci, j'étais en armure et Heimérid me secondait sur le flanc.
Tenant mon épée à deux mains, j'avançais avec le plus gros de nos hommes tandis qu'É'Synthia s'occupait de protéger nos arrières en étant une centaine de mètres derrière nous.
Avec mon arbalète qui tapait contre ma jambe quand je me déplaçais, nous sommes rapidement arrivés aux premiers membres de la guilde adverse.
D'une simple cabane perdue dans les bois qui servait en réalité d'entrée souterraine vers les geôles enfouies en profondeur, c'est là que ces rats de barbares nous ont repérés.
Fusil à la main, arc ou simplement avec de la magie, ils ont commencé à nous attaquer de loin.
"Estelle, faites abattre votre marteau impartial ..." Ai-je murmuré.
Aidée des fées, en enfonçant mon épée dans le sol, tandis que les miens continuaient leur route commune vers nos ennemis, j'ai emprunté les pouvoirs des esprits pour renforcer magiquement mes alliés.
Grâce à ça, les projectiles simples ou les faibles magies s'arrêtaient avant de tomber au sol sans toucher les démons.
Très rapidement, nous avons pris le dessus sur nos adversaires et nous nous sommes enfoncés dans la cabane.
S'occupant de nous garder une voie de sortie, la générale elfique protégeait l'entrée extérieure.

Quelque chose ne tournait pas rond, trop peu de membres étaient présents.
J'avais un mauvais pressentiment mais il était trop tard pour faire marche arrière.
De mon épée, j'ai tranché la gorge de plusieurs de mes ennemis.
Heureusement pour moi, les longs couloirs souterrains étaient assez larges et je n'avais aucune difficulté à utiliser mon épée lourde.
J'avais peur qu'en usant des tentacules lors de ma transformation avec le Nyrzhül, je ne fasse s'écrouler l'endroit où nous nous trouvions et donc, de potentiellement perdre des soldats ou pire, tuer involontairement ceux que je cherchais à sauver.
En enfonçant toutes les portes fermées à clef, nous avons fini par trouver Anne et Zhin.
Les deux étaient très mal en point, tremblaient tant les douleurs qu'ils avaient subies étaient violentes et atroces.
Une fois libérés, je leur ai sauté dans les bras à tous les deux et j'ai fermé les yeux.
"Je suis si désolée ... Je suis terriblement désolée ... Tout est de ma faute ..." Leur ai-je répété mainte fois.
Avec pour seule réponse les bras du singe autour de moi, j'en ai profité pour le soigner.
La déchue, quant à elle, s'est éloignée, tremblante.
"C'est moi ... Qui suis désolée ... A-t-elle répondu un peu après, en craignant ma réaction.
-Que s'est-il passé? Était ce que je lui avais demandé après avoir remarqué son humeur maussade.
-J'étais à bout et ... On m'a demandé quelque chose ... Je crains avoir fait une erreur ..." Se reprit-elle en n'osant pas me regarder.
Après avoir terminé de soigner Zhin, je me suis dirigée vers elle et ai mis mes mains sur les siennes.
"Je ne sais pas ce que tu as fait, Anne. Ai-je commencé en me mettant à la soigner à son tour, bien que j'avais très peur de ce qu'elle allait me dire.
Mais tu l'as fait pour survivre, tu n'as pas à t'en vouloir. Continuais-je avec la sensation que quelque chose de grave était sur le point de se produire.
-Même si ... À cause de moi ..." A-t-elle bégayé sans qu'Anne n'ait le temps d'expliquer la suite.

C'est là que j'ai craché du sang par la bouche.
J'ai posé mes mains sur ma poitrine, comme si mon cœur venait d'être transpercé.
La douleur était si forte que je me sentais mourir.
En baissant la tête au niveau de mes mains, malgré ma respiration qui venait subitement de s'arrêter, je n'avais rien.
Personne ne m'avait fait quoi que ce soit, je n'étais ni blessée, ni attaquée.
Mais je me sentais mourir comme s'il venait de m'arriver quelque chose d'improbable.
C'est là que je suis tombée dans les bras d'Anne, commençant à perdre connaissance.
Je me battais de toutes mes forces pour rester éveillée, et bien que j'étais dans les bras réconfortants de ma meilleure amie, mes yeux se fermaient d'eux-mêmes.
J'étais perdue face à l'incompréhension de ce qu'il y avait et heureusement qu'Anne était très rapide car une fois arrivée à la surface, en entendant É'Synthia qui se demandait ce qu'il y avait, j'ai perdu connaissance.

Je suis revenue à moi lorsque je me suis sentie tomber dans le vide.
En ouvrant les yeux, j'ai vu que la générale me portant sur son dos et une drôle d'odeur de fumée et de cendres parvenait jusqu'à mes narines.
J'entendais des cris de tous nos soldats, qui ont commencé à courir vers l'avant.
En regardant devant moi, je me suis remise debout et à peine l'avais-je fait, que je suis tombée à genoux.
De mes mains devant ma bouche et pleurant sans pouvoir m'arrêter, ce qui devait être un jour joyeux grâce aux retrouvailles avec mes camarades, était devenu l'un des pires jours de ma vie.
Ernistère était en feu, des citoyens par centaines étaient morts et au fond de moi, cette immense douleur que j'avais, ne pouvait être qu'une seule chose ...

Malgré qu'on m'ait demandé de rester en position en attendant le retour des soldats qui venaient de partir, je suis montée sur Heimérid et nous avons été à toute vitesse jusqu'à la capitale.
Aidés de la force du vent grâce à plusieurs esprits venteux, nous allions à une vitesse que jamais je n'avais atteinte, pas même Anne ne pouvait nous suivre.
Des débris de partout, des villageois tués sans vergogne, des maisons en feu, des cris, des pleurs, du désespoir à perte de vue, où notre seul indice était différents écus des Croix inversées, laissés à l'abandon sur le sol ...
Nous sommes très rapidement arrivés jusqu'au château, là où se trouvaient des gardes sans vie sur le sol.
La peur, l'anxiété, la folie de me trouver à nouveau sans famille, seule, je ne pouvais pas supporter l'idée.
Me servant de ma robe noire, Heimérid et moi ne faisions plus qu'un.
De mes tentacules, j'ai poussé les morceaux de pierre, de bois, les portes ou tout ce qui pouvait me gêner sur ma route jusqu'au trône.
En y arrivant, le roi était là, gisant sur le sol.
Avec un énorme trou à la place de son cœur, à l'exact endroit où j'avais eu si mal que je me suis évanouie.

Son corps sans vie se trouvait maintenant dans mes bras et je suis sortie avec lui, pour ne rien cacher au peuple.
"Tu n'avais pas le droit de mourir, Votre Majesté ...
Tu étais comme un père de substitution pour moi ... Tu étais devenue comme un père pour moi ...
Je suis si désolée des difficultés que je t'ai faites traverser ...
Si seulement j'avais été un enfant plus compatissant, peut-être que tout ça ne serait jamais arrivé ..." Voilà les mots que j'aurais aimé pouvoir lui dire, ne serait-ce qu'une dernière fois ...


Tu peux maintenant te reposer auprès du Dieu Iriklanor, en compagnie de la Déesse Estelle.
J'en fais le serment, moi, Andréalle Ernistère, vengerai notre peuple.


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