Chap 7. Part I

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Emma,
Installée dans mon salon avec mes parents, je les écoute parler de ce premier trajet en avion qu'ils ont effectué pour venir me rejoindre. Ma mère est déjà venue dans la capitale, lors de l'achat de mon appartement. Or elle avait préféré prendre le TGV lors de son séjour auprès de moi. Pour mon père, lui c'est encore plus difficile de quitter le village et son travail. Les étoiles dans les yeux, cela me fait plaisir de voir mes parents en dehors de leur restaurant. Les rares vacances que nous avons passées en famille, nous ne sommes jamais partis bien loin de Lyon. Les trajets s'effectuent en voiture, pour faire des économies. Mes parents sont de la vieille époque. Ils ne s'attribuent jamais de repos, toujours du travail, quand ce ne sont pas leurs boulots respectifs, ils aident nos voisins, les villageois. Je trouve que c'est ce qu'il manque dans les grandes villes. Ici, c'est chacun pour soi, tu peux te faire renverser par une voiture, personne ne s'arrêterait voir si tu vas bien. Il ne faut surtout pas se mettre en retard, ne pas changer ses habitudes. C'est une vie à cent à l'heure. Fatiguant, mais gratifiant aussi.
— Tu as réussi à faire un joli cocon, ma chérie. Des touches personnelles sont disposées un peu partout. Je me souviens comme si c'était hier quand tu l'as acquis.
Mai 2002.
Nous avons déjà visité cinq logements dans Paris. Cette journée est consacrée uniquement à la recherche de mon futur chez moi. J'en ai marre de vivre dans ce studio ridicule. De plus, je ne suis plus étudiante et je gagne plutôt bien ma vie. Pourquoi donc se contenter d'un petit lieu d'habitation quand j'ai les moyens de m'offrir quelque chose de décent à Paris. Mes ambitions ne sont pas simples. Je ne cherche pas un palace, mais un petit nid douillet où je ne serais pas à l'étroit. Installées dans un taxi qui nous conduit, ma mère et moi, à l'adresse du dernier appartement à visiter, je commence à baisser les bras. Je suis dépitée, car ma mère devra revenir sur Paris, afin de continuer les recherches. Le souci, c'est que je ne sais pas quand cela sera possible, entre mon emploi du temps et celui de maman. La mission « appartement entre mère/fille » risque de virer au cauchemar.
— Ne te fais pas de tracas, tu arriveras à trouver quelque chose ma chérie, m'indique ma mère simplement.
— Je l'espère franchement maman, chuchotè-je.
Une dizaine de minutes plus tard, Nous sommes toutes les deux debout au milieu d'un salon blanc, dans un quartier chic de Paris. Un des avantages de ce logement est la proximité des commerces. En plus, les transports en commun passent en bas de l'immeuble. Même j'ai conscience que la plupart du temps, j'ai un chauffeur qui me conduit pour tous les déplacements dans la capitale.
— C'est lui ! déclarè-je d'une voix émue.
— Oui, c'est parfait Emma.
Retour dans le présent.
C'est vrai que depuis que j'ai emménagé ici, je n'ai pas entrepris de gros travaux, hormis de la peinture. Juste de quoi le mettre à mon goût. Un peu de rose, de vert pastel, des cadres de photographies en noir et blanc. Les meubles ont été achetés lors d'une seconde journée entre mère et fille. Aujourd'hui, accueillir mes parents ensemble me rend toute émue. Le regard de mon père sur moi, me ramène auprès d'eux.
— Ne fait pas comme nous, Emma. Nous sommes restés trop longtemps dans notre bulle de la campagne, je me rends compte aujourd'hui que nous ne sommes jamais partis en voyage tous les trois, déclare ma mère.
— Pas besoin de voyager, ajoute mon père de sa voix bourrue. Nous avons tout ce qu'il nous faut à la maison.
— Ne dit pas de bêtises Marc, tu vois bien que notre fille est bien mieux ici que chez nous.
— Elle vient de dire que cela lui manquait la vie chez nous, réplique-t-il pour avoir le dernier mot.
Souriante, je laisse mes parents se disputer pour des broutilles. Aussi loin que je me souvienne, ils ont toujours eux cette relation amour/haine. Attention, je ne dis pas qu'ils ne font que se prendre la tête en longueur de journée. Car ça aurait été invivable durant ses seize dernières années. Cependant maman est une romantique dans l'âme. Lors de leurs rencontres, elle a quitté sa petite vie déjà bien établie dans une ville. Par amour elle est venue vivre à la campagne avec son homme des cavernes. Doux surnom qu'elle a donné à papa durant ces longues années ensemble. Deux opposés qui se sont attirés comme des aimants, trente ans de vie commune, une fille — moi – et voilà les personnes les plus heureuses du monde. Cette simplicité, je la tiens d'eux, tout ce que je veux et aspire dans ma vie c'est être comme eux, amoureux comme au premier jour.
— Tu as des décorations de Noël ? me questionne maman
— Non, c'est la première fois que je le fête ici, je pensais que nous aurions pu aller faire les magasins ensemble, répondis-je.
— Quelle bonne idée, il faut peut-être que je me change non ? s'inquiète-t-elle.
— Tu es parfaite comme tu es maman.
— Je ne veux pas faire honte à ma fille.
—Ne te fais pas de souci, en dehors des défilés, je suis la simplicité incarnée. Tu nous accompagnes papa ?
—Non, merci, je vais plutôt profiter pour regarder ce match en cours ! annonce mon père en désignant la télévision.
— Fait comme chez toi papa.
Je l'embrasse sur la joue, je me doutais bien que la vie parisienne ne serait pas facile pour lui, je suis déjà heureuse qu'il ait accepté de venir ici pour les fêtes de fin d'années.
En fin d'après-midi, nous rentrons les bras chargés de sacs, ma mère a le sourire aux lèvres, j'estime qu'elle est épanouie. Ces journées mère-fille sont tellement rares, malgré le fait qu'elle se soit déplacée à deux reprises déjà auprès de moi. Leur rythme de vie ne prend pas en compte les journées de repos. Tenir un restaurant dans un village, à fait que je passais peu de temps avec mes parents. Les Week-end étaient consacrés au travail. Je sais qu'ils ont effectué leurs heures de travail avec passion et envie, que je n'ai manqué de rien durant toutes ces années et que c'est grâce à eux que j'ai pu commencer mes études à Paris. Un crève-cœur pour eux de m'avoir laissé quitter le domicile familial si jeune. Alors maintenant que je gagne relativement bien ma vie. Je souhaite leur en faire profiter, je n'ai plus à craindre de ne pas avoir assez d'argent en fin de mois pour me payer à manger, ou les autres sorties que je souhaite faire. Je me permets de chouchouter mes parents. En ouvrant la porte de mon appartement, j'ai la surprise de trouver mon père accompagné de Louis, tous les deux assis sur mon divan devant mon écran plat en pleine contemplation d'un match de football. C'est une scène presque surréaliste pour moi. Je cligne à plusieurs reprises les yeux, puis avance dans l'entrée afin de déposer nos sacs. Les deux hommes se retournent d'un seul mouvement. Louis m'offre un grand sourire avant de se lever.
— Madame Clark, c'est un plaisir de vous rencontrer, salue poliment Louis.
— Moi aussi jeune homme, réplique maman.
Je me sens intimidée par cette rencontre imprévue. Pourtant l'œillade que m'offre ma mère me réchauffe le cœur. C'est comme si elle me donnait sa bénédiction pour fréquenter Louis. Je m'approche doucement de mon amant, dépose un baisé sur sa joue avant de filer dans ma chambre.
Debout devant ma penderie, j'entreprends de ranger nos achats. Nous avons profité de cet instant entre nous pour renouveler la garde-robe de maman, la mienne étant déjà bien fournie par les différents créateurs pour lesquels je pose. Je n'ai plus besoin d'effectuer cette corvée longue et douloureuse pour le porte-monnaie. Mes seules dépenses actuelles sont pour la nourriture et mes sorties privées. Même mes vêtements de tous les jours sont aussi gracieusement offerts. Que demande le peuple ? Pas grand-chose pour moi, je profite de ma vie. Maman me rejoint dans la chambre quelques minutes après avoir commencé à déposer les barda dans le dressing afin de prendre le moins de place possible.
— Merci pour ce moment entre nous Emma, déclare doucement ma mère dans mon dos.
— De rien maman, je sais que ce n'est pas facile de nous prévoir des journées ensemble, mais je suis tellement contente que vous soyez venue à Paris, répondis-je en souriant.
— Nous aussi, même si ton père ne le montre pas spécialement, réplique-t-elle.
— Tu regrettes parfois d'être resté dans notre petit village et ne pas faire ce que tu souhaites ?
— Jamais, j'ai choisi en connaissance de cause cette vie-là. Nous sommes bien avec ton père pour tenir ce restaurant. Nous avons de très bons amis, une fille merveilleuse qui vit la grande vie, mais qui n'oublie pas ses vieux parents.
— Ça ne risque pas. C'est grâce à votre amour que j'en suis là aujourd'hui, répliquè-je en prenant ma mère dans mes bras.
Le rangement se finit dans les sourires et les discussions entre mère et fille. J'aime ces moments de simplicité.

Illusions et désillusionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant