Chapitre 12 - Bis - Damien

229 33 3
                                    

Je finis de déballer mes affaires avant de rejoindre mes coéquipiers dans le salon.

— Je te préviens, ici la console c'est précieux. Et le vendredi soir, on n'y coupe pas. Seule une fête peut nous faire changer notre rituel, m'annonce de but en blanc John.

Ils ont à peine tourné la tête dans ma direction, leurs visages rivés sur l'écran de la télé.

— Pas de soucis pour moi.

Je m'approche d'eux et m'assoie timidement sur un coin de canapé.

— On doit remercier tes malheurs pour nous honorer de ta présence ?

— C'était devenu invivable.

— Raconte, propose Adrien.

— Pas de chauffage, pas d'eau chaude. Et puis là, une fuite d'eau monstrueuse. Le proprio s'en fout et rejette la faute sur moi. Vu le prix pour la prestation, il ne me reverra plus.

— A merde et tes affaires ca va ? Tu as encore des trucs à récupérer ? demande Tomas.

— Non, j'ai tout pris. C'était meublé donc j'avais juste le strict nécessaire.

— Ok tant mieux, j'avoue j'avais la flegme, se marre-t-il, déclenchant l'hilarité de ses amis par la même occasion.

— C'est bien toi ça, proposer ton aide mais ne pas avoir envie de le faire !

— Merci de m'accueillir en tout cas.

—Pas de soucis. Demain on aura tout le temps de t'expliquer le fonctionnement de la coloc. Si tu t'y plies, y'aura pas de soucis, me glisse-t-il avec un clin d'œil.

Une sensation de bien-être m'envahit quand j'ouvre un œil. Je dois bien dire que le confort du matelas n'a rien avoir avec celui sur lequel je dormais ces dernières semaines. Mon sommeil a été réparateur. Je relève d'une quinzaine de centimètres mon oreiller, juste de quoi me redresser légèrement. Je m'y adosse et détaille mon nouveau panorama au réveil. Un bureau simple, où j'ai déjà entassé mes livres et mes cours, se dresse à l'entrée de la chambre. En continuant, collée au mur en face de mon lit, une commode à tiroir suivie d'une penderie encastrée. A ma gauche, une fenêtre avec ses rideaux gris opaque. Tous les murs sont blancs sans décoration. Il manque une touche personnelle pour rendre l'endroit chaleureux mais il est néanmoins fonctionnel. Mes yeux se posent enfin sur ce lit deux places qui emplit la majorité de l'espace mais si plaisant à investir.

Je traîne une bonne vingtaine de minutes dans les draps chauds avant de poser mon premier pied au sol. Mon premier levé ici. Dans cette chambre. Vais-je réellement emménager ici ? Vais-je y rester ?

Je me dirige, comme par automatisme, vers la commode saisir un short décontracté ainsi qu'un tee-shirt noir que je vêtis. Mes affaires ont déjà trouvé leur place. A moi de trouver la mienne. Le Damien d'hier soir, dans sa folie passagère, avait déjà pris cette décision décisive. Je referme le tiroir comme je chasse ma méfiance matinale. Je dois me faire confiance. Je dois faire confiance.

Je pénètre dans le salon mais l'appartement est encore endormi. Seul John, affalé dans le canapé, finit sa nuit.

— Fais comme chez toi, y'a ce qu'il faut dans la cuisine, prononce-t-il entre deux ouvertures de paupières.

— Merci ! Tu ne serais pas mieux dans ton lit ?

— Si sûrement.

Il n'ajoute rien et ferme de nouveau les yeux. J'interprète son geste comme la fin de notre conversation et le laisse terminer de roupiller.

Après quelques tentatives infructueuses, je rassemble tous les éléments nécessaires: farine, sucre, lait, oeuf, levure chimique. Je me demande qui parmi les trois joueurs cuisine. Cela ne doit pas être courant de trouver de tels ingrédients dans les placards d'une colocation de mecs, mais ce matin, je m'en réjouis. Il y avait longtemps que je n'avais pas pâtisser. Pourquoi le faire que pour soi-même ? La pâtisserie n'est-elle pas faite pour être partagée ?

Le mélange s'uniformise sous les assauts énergétiques du fouet. L'huile frétille sur le feu. J'attrape une louche et dépose une portion dans la poêle. La douce odeur vanillée chatouille mes narines. La pâte gonfle à vue d'œil et je reste captivé par les bulles qui remontent à la surface.

Les pancakes s'empilent dans l'assiette et quand je termine de cuire le dernier, John apparaît et s'assoit au comptoir du bar. Les traces de fatigue demeurent encore sur son visage malgré le sourire qui s'y dessine.

— Timing parfait, on dirait, raille-t-il.

— Ouais, on peut dire que tu sais choisir ton moment.

Une porte claque dans le couloir.

— Hum... c'est quoi cet odeur ? Nathan est revenu ?

— Qui est Nathan ? demandé-je.

— Notre ancien coloc. C'était lui le chef cuisinier ici, m'explique John.

— Fallait le dire plus tôt que tu faisais la bouffe Damien, on se serait arrangé pour te faire venir plus tôt ! enchérit Adrien.

Sa main s'introduit entre ses camarades pour venir chiper un pancake. Tomas arrête son geste dans sa course d'un coup de spatule qu'il m'a piqué.

— Pas touche ! On va se faire un petit dej de bienvenu, tous ensemble. 

Learn to trustOù les histoires vivent. Découvrez maintenant