Chapitre 2

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    Comment sait-on que ce que l'on appelle les "rêves" ne sont pas la réalité et que ce que l'on appelle la "réalité" n'est pas en fait un rêve ?

    Moi ce que je sais c'est que la nuit, je suis plus heureuse que le jour.

    Aujourd'hui, enfin, cette nuit, mon monde est la nuit dernière, et comme celle d'avant. Enfin presque. Je ressens une présence. Comme si quelqu'un était entré. Mais ce n'est qu'un rêve. N'est-ce pas ? C'est impossible qu'une autre âme vivante vienne ici.

    J'essaie d'écarter cette impression pour me concentrer sur cet endroit. Je vérifie que rien d'autre n'a changé. Non. Les arbres sont toujours aussi verts, les routes aussi rocailleuses, le ciel aussi bleu. Chez moi, la pollution s'est arrêtée, les gens ici se sont rendus compte de la gravité des dégâts avant que ça ne devienne impossible à réparer. J'habite en campagne, dans un petit village paisible.

    Je dis "les gens" parce que oui, je ne suis pas seule. D'autres personnes habitent ici. Mon monde n'est pas parfait. Mais ici, tout le monde est respectueux. Certes il y en a qui ne respectent pas certaines règles, et si c'est le cas ils sont rejetés de notre société. Ce qui est une punition assez forte. La personne en question doit se racheter, et souvent, c'est compliqué. L'année dernière, un homme avait insulté une femme pour l'avoir quitté. Nous acceptons la colère, mais pas les insultes ou autres. Pas l'irrespect. Mais heureusement, cela n'arrive que très rarement.

    Ce monde est un pur paradis pour moi. J'ai même déjà eu une copine ici. Elle s'appelait Anya. C'était une fille géniale. Ça s'est bien passé mais ça s'est terminé pour des raisons diverses. Nous sommes tout de même toujours amies.

    Ici, c'est un peu comme dans la vraie vie mais en mieux. J'aime vraiment beaucoup cet endroit, c'est mon sanctuaire.

    Je le connais mieux que personne. Surement parce que c'est mon rêve.

    Donc c'est pour ça que là je sais qu'il y a un problème. Je suis persuadée que quelque chose cloche.

***

    Dans ce monde, j'habite une petite maison simple mais très belle, de style italien. Pour y aller je passe par un chemin parsemé de fleurs. Juste à côté se trouve un près.

    C'est là que je la vois. Il y a quelqu'un dans ce pré. Vraisemblablement une fille. Je ne la vois pas très bien de loin mais je suis persuadée de ne pas la connaître.

    Je m'avance alors pour voir et comprendre qui est cette personne et ce qu'elle vient faire ici. Plus je m'approche, mieux je la distingue.

    Ses cheveux roux tombent sur le haut de son dos et flottent dans la légère brise. Elle est debout, les bras vers le ciel, comme pour accueillir je ne sais quoi qui viendrait des cieux. Lorsque je m'approche je remarque un sourire sur son visage parsemé de taches de rousseur.

    Elle a l'air tellement paisible. Ses yeux sont fermés et elle ne semble pas me remarquer car elle ne bouge pas. J'en profite pour la regarder plus en détail.

    Elle porte un débardeur blanc décoré d'un arc-en-ciel et un short en jean simple. Elle est plus petite que moi, mais de quelques centimètres à peine. Un collier avec un anneau décore son cou. En regardant plus attentivement ses oreilles, je comprends enfin pourquoi elle ne me remarque pas. Des écouteurs sans fils y sont placés, et lorsque mon regard descend, il tombe sur son téléphone dans la poche de son jean. Ses jambes sont longues et fines, contrairement aux miennes. Je rêve d'avoir ses jambes. Elle porte des sandales qui lui vont parfaitement bien. Cette fille est magnifique.

    Je ne comprend toujours pas ce qu'elle fait là mais sa présence ne me provoque plus ce sentiment de gêne.

    Lorsque je relève la tête je m'aperçois qu'elle me regarde tout aussi attentivement. Il y a quelque chose chez cette fille, quelque chose qu'il n'y a pas chez les autres personnes vivant ici. Elle m'a l'air plus ... vivante ? Je crois que c'est le mot. Elle me regarde de ses yeux d'or terriblement beaux.

    – Hum.. Pardon mais je ne crois pas te connaître.

    – Oui, je viens d'arriver. C'est nouveau je n'étais jamais venu ici. Sais-tu où nous sommes?

    – Oui. Comment es-tu arrivée ici ?

    Je reste sur la défensive. Je ne fais pas confiance facilement.

    – Je ne sais pas vraiment. D'habitude je suis chez moi...

    Mon dieu, elle rougit, et c'est ridiculement mignon. Ses joues rosissent légèrement et elle sourit gênée. Elle est encore plus belle quand elle rougit.

    – Nous sommes chez toi c'est ça ?

    – Oui c'est chez moi.

    – J'adore ce pré.

    – Moi aussi, c'est mon endroit préféré. Il est juste à côté de ma maison. J'aime venir ici pour me vider la tête. Pour échapper à la vraie vie.

    – N'est-ce pas pour cette raison que l'on rêve ?

    Son sourire est charmant. Je baisse la tête et regarde mes pieds. Je crois que cette fois ci ce sont mes joues qui se colorent.

    Dans mon champ de vision, je vois une main se lever.

    – Bonjour, je m'appelle Noor.

    Je lui serre la main et me présente à mon tour :

    – Ezra enchantée.

***

    C'est à partir de là que nous commençons à apprendre à nous connaître. Au bout de plus d'une heure de discussion je sais qu'elle aime tout comme moi ces endroits qui nous servent à toutes les deux de sanctuaire. Le sien est un petit village au bord de la mer alors que le mien se trouve plus vers la forêt. Elle a une chienne du nom de Cameli, qu'elle aime plus que tout. Elle aime lire, surtout des livres policiers et un peu de romance, joue du violon et ce depuis plus de 6 ans, et je suis persuadée qu'elle en joue divinement bien.

    Elle aussi apprend à me connaître, elle me pose plein de questions et j'ai l'impression d'être assez intéressante pour elle puisqu'elle continue de me parler. J'ai enfin le sentiment d'être assez importante pour qu'on m'accorde un peu d'attention. Chose qui ne m'arrive que très rarement, que ce soit à l'école, ou à la maison.

    Je crois qu'elle me plait bien. Mais je ne m'avance pas sur la nature de mes sentiments.

    On passe l'après-midi ensemble et c'est encore mieux que ce que je pensais. Elle est belle, gentille, intelligente, drôle. Elle est incroyable. Elle me raconte que nos mondes sont très semblables, autant ceux de nos nuits que ceux de nos jours. Ses parents sont, eux, au courant de cette préférence qu'elle a pour les femmes mais ne l'acceptent pas. Il l'ont envoyé dans un pensionnat hyper strict.

    Je pense qu'on pourrait vite devenir amies... si ce n'est plus.

***

    Je ne sais pas en quoi le temps est différent ici de la vraie vie. En tout cas, environ 1 minute avant de rentrer, de me "réveiller", j'ai toujours ce petit pincement au cœur qui l'indique. Et je l'ai, maintenant. Signe que c'est l'heure de passer par ce portail.

    Je me dirige vers le fond du pré, mes cuisses cachées par les herbes hautes. Là bas se trouve un miroir qui me permet de rentrer chez moi. J'y passe donc maintenant.

   Il y a bien des fois où je reste plus longtemps, mais à ces moments là, un bruit strident emplit mes oreilles et mon coeur me fait horriblement mal. Alors je n'ai pas réitéré l'expérience. Ce mal s'est atténué quand je me suis rapproché du miroir, et s'est totalement arrêté une fois que je l'ai passé, d'un côté, je laisse un mal pour un autre.

    Le week-end, quand je m'autorise à dormir plus longtemps, ou lorsque je ne vais pas à l'école, et que donc je dors plus, cette douleur vient plus tard, vers dix heures.

    Quand, quelques secondes avant mon départ, j'explique la situation, elle me propose de finir cette nuit de la plus belle des façons. Bien évidemment je dis oui

    Ce matin-là, je me réveille dans mon lit avec le goût de son gloss à la pêche encore présente sur mes lèvres.


J'ai rêvé d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant