La mélodie du bonheur

Chapitre 1

"Quand tu lances la flèche de la vérité, trempe toujours la pointe dans du miel." Proverbe arabe

Atlanta

Rien ne peut me rendre plus heureuse de contempler Tammy, endormie, dans les bras de ma mère. Les deux femmes les plus importantes de ma vie sont enfin réunies. Son regard se détache de sa petite-fille pour me sourire. Les traits de son visage se détendent et font disparaître la fatigue et la douleur qu'elle encaisse au quotidien depuis sa chute dans les escaliers.

― Elle te ressemble tant, déclare-t-elle en soufflant de nostalgie. Ça me ramène quelques années en arrière.

Je m'esclaffe tandis qu'elle se rencogne dans le fauteuil du salon.

― Vingt-sept ans en arrière, tu veux dire.

Elle opine d'un signe de tête d'un air distrait.

― Le temps passe si vite. Et bientôt cette maison sera vide et bien trop grande pour moi.

Je ris malgré la lueur de mélancolie dans ses yeux. Même si la plupart ont quitté le bercail, mes six frères et sœurs adorent être fourrés ici. Maman ne manque jamais une occasion pour leur concocter leur plat préféré.

Assise à ses côtés, je pose ma main sur la sienne.

― Tu ne seras jamais seule. Les jumeaux ont encore besoin de toi.

― J'en doute. Adam passe tout son temps sur le terrain de foot pour sa bourse universitaire. Quant à Evy...

Elle ne termine pas sa phrase et soupire comme si elle était résignée. Si j'ai un caractère fort, ma sœur a un caractère explosif. C'est pour l'instant très conflictuel entre elles. J'avoue que j'ai eu peu de ses nouvelles depuis ces derniers mois. Elle ne répondait que rarement à mes appels et très peu à mes messages. Je n'ai pas eu l'énergie de m'en inquiéter, trop occupée à mon nouveau rôle de mère célibataire. C'était peut-être une erreur de ma part.

― Il y a un problème ?

― Un tas de problèmes ! Elle sèche l'école quand ça lui chante.

Mes yeux s'arrondissent de surprise.

― Elle passe ses soirées je ne sais où, et rentre au petit matin. Tout ça, c'est depuis qu'elle a rencontré ce voyou.

― Quel voyou ?! m'alarmé-je, le sang figé d'appréhension.

Un reniflement méprisant sort d'entre ses lèvres.

― Un homme d'une vingtaine d'années qui gagne son argent dans des combines louches. Adam s'en est mêlé, mais tu connais l'amour de ta sœur pour les chantages. C'était soit on lui fichait la paix, soit elle quittait la maison.

― Mais elle a à peine dix-sept ans ! m'indigné-je.

― Comme si ça pouvait la raisonner.

Je me lève et arpente la pièce pour soulager cette soudaine tension en moi.

Oh mon Dieu !... Quand maman cumulait plusieurs boulots pour subvenir aux besoins de ses enfants, étant l'aînée, c'est moi qui me suis en partie chargée d'élever Adam et Ivy jusqu'à leurs huit ans. Ensuite je suis partie de la maison pour mes études. Ivy l'a mal vécu et m'en a beaucoup voulu. Ça s'est plus ou moins arrangé avec le temps, mais notre relation n'a plus jamais été plus la même. Et là, je dois bien admettre qu'elle me garde éloignée de sa vie. Mais comment ai-je pu passer à côté de ça ?!

― Pourquoi tu ne m'en as pas parlé, maman ?

― Tu as ta vie à New York et tes propres soucis à t'occuper.