Chapitre 2

59 16 4
                                    

« Les plaisirs de famille consolent de tout. » Honoré de Balzac

Je suis aux anges ! Tammy tète mon sein avec appétit. D'habitude, je suis obligée de tirer mon lait pour lui donner au biberon. L'allaitement la rend très vite paresseuse, et ce, malgré la faim. Je dois avouer qu'après quatre jours passés en famille, je suis beaucoup plus détendue et moins préoccupée par tous les impératifs d'une jeune maman célibataire. Ça doit la motiver, c'est certain.

Je caresse sa joue, puis reporte mon attention sur le jardin à travers la fenêtre de mon ancienne chambre. Même si la pénombre a déjà fait son apparition, je repère la vieille balançoire accrochée à une grosse branche. Que de souvenirs ! Evy adorait que je la pousse fort. Elle riait aux éclats en demandant toujours plus haut. Maintenant, je ne risque plus de l'entendre puisqu'elle a décidé de déserter la maison jusqu'à mon départ. Elle refuse de me parler, prétextant que ce serait une perte de temps. J'ai beau connaître l'origine de son mal-être, l'absence de réponse à mes messages n'en reste pas moins douloureuse.

Tammy a terminé de téter et son léger soupir d'aise me remplit d'amour.

― Heureusement que je t'ai toi, ma luciole.

Je me lève du lit en la couvrant de baisers.

― Et maintenant, tu vas faire la connaissance de ton oncle Felton. Il est impatient de te connaître.

Enfin je l'espère ! Deuxième de la fratrie, il est le plus taciturne et le moins démonstratif de nous sept, mais il est toujours d'un soutien sans faille. La seule chose qui lui importe est le bonheur de notre famille.

Je la positionne contre mon épaule et me rends au salon. Je découvre Felton affalé sur le canapé, jambes étendues et pieds croisés, une bière à la main. Dès qu'il nous aperçoit, il pose sa boisson sur la table basse, puis se lève tel un ressort. Il m'accueille par un rare de ses sourires qui me réchauffe le cœur.

― Enfin la voilà ! déclare-t-il en n'ayant d'yeux que pour Tammy. C'est le petit bouchon.

Son timbre bourru se teinte de contentement. Je lui dépose un baiser sur la joue, amusée d'être éclipsée par ma fille.

― Bonjour à toi aussi.

Il me répond d'un hochement de tête distrait. Je positionne sa nièce dans ses bras.

― Tiens-la bien droite pour qu'elle fasse son renvoi.

La joue contre sa poitrine, les mains de mon frère l'entourent tel un cocon protecteur. J'en profite pour m'asseoir sur l'appui du fauteuil.

― Elle est calme, déclare-t-il, encore loin d'être à l'aise.

― Elle vient d'être nourrie, ça aide.

Attendrie par la scène, je me saisis de mon téléphone, coincé dans la poche de mon jean, et les prends en photo. Oliver lui donne une tape amicale et lui confie :

― Crois-moi, je la préfère comme ça. Elle braille plus fort qu'Evy quand elle a faim.

Adam se marre, acquiesçant d'un hochement de tête, puis disparaît dans la cuisine.

― Elle est minuscule, s'ébahit Felton.

Il est partagé entre la peur et la fascination d'un si petit être dans ses bras, comme s'il risquait de la briser. Lui si imposant à la manière d'un bûcheron. Il doit sa large carrure par l'exercice de plusieurs métiers manuels depuis sa plus tendre adolescence. Il a toujours aimé travailler de ses mains et a très vite trouvé sa voie en retapant de vieilles voitures, puis celles de collection. Il a même ouvert son propre garage dans lequel il préfère travailler seul. Ça fonctionne plutôt bien pour lui.

― Fel, tu devrais voir ta tête, s'esclaffe Adam, on dirait que t'as une bombe prête à exploser entre les mains.

― Moi, je dirais plutôt qu'il a l'air constipé, surenchérit Oliver.

Ils s'esclaffent, fiers d'eux. Adam se vautre dans le fauteuil, un pot de glace en main qu'il s'apprête à dévorer. Felton les ignore et m'interpelle, soucieux de bien faire :

― Je ne la serre pas trop ?

Je secoue la tête pour le rassurer.

― C'est parfait.

Un imperceptible sourire aux lèvres, il reporte son attention sur Tammy. J'en profite pour faire de nouvelles photos, puis je remarque que maman le couve d'un regard plein de tendresse et d'adoration. Même si elle ne le reconnaîtra jamais, Felton est son préféré. Quand quelque chose a besoin d'être réparé ou rafistolé dans la maison, c'est lui qui s'en occupe. Il fait ce qu'il doit être fait sans poser de questions et sans jamais se plaindre. Il est d'un grand soutien et j'avoue que ça m'a aidée à moins culpabiliser quand j'ai décidé de m'installer à New York.

Oliver revient de la cuisine avec une cuillère et s'installe à côté d'Adam pour piocher à son tour un morceau de glace. Ils sont très proches tous les deux et passent beaucoup de temps ensemble.

― Vous n'avez pas assez mangé ? s'enquiert maman, qui glousse d'amusement en ajustant l'oreiller sous son pied.

― Jamais pour un Cookie Dough, s'explique Oliver en positionnant ses mains sur la nuque.

― Exact, confirme Adam. Ça se mange sans fin !

Il nous le démontre en enfournant une grosse cuillère dans sa bouche, puis gémit de plaisir.

― Si seulement il y avait que cette glace, ajoute maman d'un ton faussement affligé. Je dois remplir le frigo deux fois par semaine alors que vous n'êtes plus que trois à la maison.

― Rien d'étonnant, réplique Adam, la bouche encore pleine. Je dois prendre des forces pour les entraînements. On ne se tape pas un corps de rêve comme le mien sans effort.

Son humour et son éternelle bonne humeur déclenchent un rire général. Je me lève et frictionne sa tête juste pour le plaisir de retrouver un vieux réflexe tandis que maman s'agace d'un claquement de langue.

― Adam, retire tes pieds de la table basse !

Elle patiente jusqu'à ce qu'il s'exécute, puis, son téléphone à la main, elle s'enthousiasme :

― J'ai reçu des nouvelles de Faith ! Elle est à Hobart en Tasmanie. Tout se passe bien !

Après avoir terminé son master en histoire, ma petite sœur a décidé de s'octroyer une année sabbatique pour visiter, avec sa petite amie, l'Océanie et l'Europe.

― Elle n'était plus en Nouvelle-Zélande ? s'enquiert Adam.

― Elle a terminé la visite de l'île la semaine passée, lui explique Felton.

― Exact, renchérit Oliver, et elle s'attaque à la Tasmanie avant l'Australie.

Il allume son téléphone après avoir reçu une notification. Son visage s'illumine alors que son doigt s'active sur l'écran.

― J'ai reçu des photos ! Elle ne s'emmerde pas la frangine.

Felton zieute le téléphone en souriant.

― Oliver ! s'agace notre mère. Surveille ton langage.

Il préfère engloutir un morceau de glace pour toute réponse.

― La tartine d'explications, râle Adam, les yeux rivés sur l'écran. Une ville créée en 1084 avec une majorité de taulards... Franchement, qu'est-ce qu'on en a à branler ?!

― Adam ! gronde maman. Ton langage !

― Désolé !

Il esquisse une moue toute sauf repentante et reprend le pot de glace des mains d'Oliver. Maman le remarque à peine, trop absorbée par les nouvelles de Faith.

― Tu peux toujours sortir l'info lors d'une discussion avec une fille, explique Oliver. Elle se dira que t'es moins con que t'en as l'air.

La mélodie du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant