Réalité virtuelle

Chapitre 31 : Obscurité et lumière

Nous nous sommes dirigées jusqu'au repaire des araignées sans être dérangées.
Sentant l'odeur de leur mère décédée, toutes se sont dirigées jusqu'à moi.

En les regardant une à une, ses pauvres bêtes laissées à l'abandon sans comprendre ce qu'il s'était réellement passé, se trouvaient autour de moi.
Était-ce ma faute d'avoir proposé à leur reine de me suivre dans ma quête?
Devais-je me sentir coupable d'avoir été la cause de leur malheur?
Rapidement, je me suis agenouillée et peu à peu, j'ai déposé le violon sur le sol.
Certaines sont montées sur moi, faisant tomber ma capuche et observant mon regard attristé par la situation.
Légèrement plus loin, se tenait Sera qui regardait en silence la scène qui se trouvait devant ses yeux.
En faisant attention à ne pas marcher sur une araignée, elle se dirigea déterminée jusqu'à moi.
"J'imagine que tu leur apportes les vestiges de leur mère. Me dit-elle en voyant chaque bête dans un état de confusion.
Si tu m'y autorises, je suis affiliée à la lumière.
Je peux faire une prière ainsi qu'une bénédiction à cet instrument qui était en sa possession.
-Faisons-la ensemble dans ce cas." Lui ai-je répondu en me redressant.
Pour la dernière fois, Jizu, toi et moi allons jouer de cet objet auquel tu tenais tant.
"Comment s'appelle la malheureuse défunte? Me demanda-t-elle.
-Jizu. Dis-je avec un semblant de sourire.
-Je ne poserai pas de question et apporterai uniquement mon respect à Jizu."

Je n'avais rien à craindre de la part de quelqu'un de mon monde.
Peu à peu, sortant de mon ombre, Heimérid reprit forme sur mon corps.
Là où mon apparence redevint celle qu'elle avait toujours été, j'ai commencé à jouer du violon de l'Arachna.
Fermant les yeux, tout en écoutant la mélodie que je produisais, je me suis concentrée sur les paroles de Sera.
"Déesse toute-puissante, Estelle, mère de la création et de la vie. Commença-t-elle de dire à voix haute.
Dieu tout-puissant, Iriklanor, père du sommeil éternel et du passage vers l'au-delà.
En ce jour, je prie avec une grande tristesse et je me tourne vers vous.
L'âme de la malheureuse Jizu vous revient de droit, là où est sa place maintenant.
Puissiez-vous lui offrir le repos éternel.
-Tu n'étais pas parfaite. Ai-je continué.
Malgré tes erreurs, même si tu n'es plus que l'ombre de toi-même, tu resteras ce rayon de soleil au plus profond de mon cœur.
Bénis sois-tu dans l'au-delà ...
-Que tes pêchés soient pardonnés, autant que ton âme soit purifiée.
-En ce jour je joue de cet instrument qui nous est lié, afin de te faire parvenir la plus profonde de mes pensées.
-Nous, simples mortelles, prierons pour ton salut, Jizu.
-À ce moment précis, je te fais la promesse que lorsque nous nous reverons de l'autre côté, j'aurai le courage de te regarder dans les yeux."
En prenant une grande inspiration toutes les deux, Sera et moi-même avons synchronisés nos voix l'une sur l'autre.
"Que ton corps et ton âme soient pardonnés, car dans ce souvenir que tu nous as laissé, nos sentiments te seront envoyés." A-t-on terminé en même temps. 

Lorsqu'elle imposa sa main sur l'instrument au moment où j'ai eu terminé d'en jouer, celui-ci commença à se désintégrer.
Rapidement emportée par le vent, la poussière qui en résulta se dispersa dans l'antree des araignées, avant de commencer lentement à sortir.
Flottant au-dessus de l'eau, les cendres restantes continuèrent leur périple jusqu'à la sortie.
Sur le trajet que nous avions toutes les deux pris, les araignées nous ont suivies.
C'est là qu'au loin, des cris se sont faits entendre.
À la fois d'une tristesse que je ne voulais montrer et d'une rage qui me prenait de plus en plus à cause des barbares de l'autre monde que je me suis mise à remarquer, celle qui m'accompagnait déposa sa main sur mon épaule.
"Nous sommes en période de deuil, je suis certaine qu'en leur expliquant, les aventuriers ne causeront aucun problème." M'a-t-elle dit en passant devant moi.
D'une part, ça me faisait plaisir de savoir que quelqu'un arrivait à me comprendre.
D'une autre, le problème était que ces monstres venus d'ailleurs n'allaient pas en rester là.

Je n'ai pas cherché une seule seconde à réfléchir lorsque j'en ai vu un sortir son arme pour attaquer une araignée dans sa marche funèbre, pendant que les deux autres l'observaient.
Je n'avais plus besoin de demander à la fée de la tempête de me prêter sa force.
D'une simple pensée, je me trouvais déjà au contact de celui qui venait de faire l'erreur de vouloir s'en prendre à cette pauvre bête qui suivait les vestiges de sa mère.
Grâce aux pouvoirs de la fée Furie, un long fil se forma autour de mon bras en passant par ma main dont l'autre bout se trouvait autour de la gorge du barbare de l'autre monde.
Le lien qui nous unissait était d'un courant statique qui ne me faisait rien mais dont la faible intensité pouvait brûler la peau de la personne prise par celui-ci.
Il ne suffisait que d'un mouvement pour mettre fin aux jours de l'importun qui osait déranger notre moment de peine.
Mais quel genre d'impératrice souhaitais-je devenir?
Le genre qui suit son cœur et agit par impulsivité?
L'impartial qui n'a d'yeux que pour son peuple?
Non ...
Je sais quels sont les pas que je veux suivre.
Malgré ce long trajet fait d'une triste nostalgie, j'ai légèrement défait mes liens de l'aventurier.
Au même moment, de mes fils de courant statique, j'ai bloqué les mouvements des deux autres.
Alors que les araignées passaient pour se rendre vers l'extérieur, Sera, quant à elle, me fit un léger sourire avant de se remettre en route.
C'est là que j'en ai tiré un vers moi pour me mettre ensuite à l'assommer. 
Une fois les deux autres dans le même état, j'ai repris la route à mon tour où grâce à mes pouvoirs, je suis rapidement arrivée dehors.

À l'extérieur, je me suis directement arrêtée en observant Jizu, qui dans les airs, attendait mon arrivée.
Son corps reluisait d'une lueur scintillante de par la bénédiction que nous lui avions faite.
"Merci pour tout ce que tu as fait pour moi, Andréalle. M'a-t-elle dit avec un sourire.
-Je suis désolée de ne pas avoir réussi à te sauver ..." Ai-je répondu en me laissant tomber à genoux mais sans pour autant détourner le regard.
J'avais beau être la femme que j'étais, l'Arachna a été l'élément dans ma vie qui a tout fait basculer.
Sa mort ne me revenait pas et je restais en deuil depuis toutes ces années sans réussir à tourner la page.
"Tu peux être fière de qui tu es devenue.
Prends soin de mes enfants, je sais qu'à tes côtés, ils seront en sécurité.
Je t'attendrai dans le jardin d'Estelle, mon amie ..." Finit Jizu en disparaissant lentement, dont le corps se changea en une poussière brillante qui s'éleva dans le ciel sans ne jamais s'arrêter.

Me redressant avec fierté, j'ai regardé une à une les araignées.
Avec Sera qui avait décidé de nous suivre sans réelle raison, nous sommes toutes allées en direction d'Ernistère.
Nous nous retrouverons dans le jardin d'Estelle, adieu, Jizu ...