Chapitre 9.2 - Niall

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Bambi s'enfuit. A dhia... Je roule sur le ventre et enfouis mon visage dans l'oreiller pour étouffer mon grognement. J'aime parler avec elle. Ses baisers brûlants m'ont embrasé. J'ai adoré la sentir contre moi, m'enivrer de son parfum sucré... Je ne pouvais pas m'enticher de quelqu'un d'autre ? Je suis foutu si je continue comme ça. Et il a fallu que je la serre dans mes bras pour dormir.

Bampot*. Tu cherches la merde...

Je dois appeler Skye. Non. Si. Putain ! Pour lui dire quoi ? Que je craque complètement pour sa belle-sœur ? La connaissant, elle va m'encourager. Me répéter que Ciara ne court aucun risque avec ma charge virale indétectable, parce que je prends correctement un traitement efficace pour que le virus reste en hibernation. Me rappeler que je peux vivre une relation normale. Je sais tout ça ! N'empêche, les jugements, me faire taxer de « sale sidaïque » alors que je n'ai pas le SIDA, les accusations de tentative de meurtre, ceux qui arrivent quand même à semer le doute dans mon esprit, comme Aïdan... Il m'étripera s'il apprend que j'ai échangé de la salive avec sa sœur. Déjà qu'il tolère difficilement que j'embrasse sa future femme sur la joue ou que je la touche... Et si le regard que Ciara porte sur moi change d'un seul coup dès qu'elle saura ? Je ne suis pas sûr de supporter la peur ou le dégoût dans ses si beaux yeux. Encore moins le fait que, du jour au lendemain, elle ne donne plus signe de vie, voire qu'elle m'évite carrément au mariage. Ou ne vienne pas à cause de ma présence.

Mon soupir se heurte aux draps. À mon tour de sortir de cette maudite pièce qui a failli faire voler en éclats ma retenue. Je dois lui dire avant. Putain de faon. Putain de cerf.

Une odeur de porridge émane de la cuisine. L'aïeule le remue uniquement de la main droite, dans le sens des aiguilles d'une montre. Encore une superstitieuse qui veut se protéger des mauvais esprits. Si ça se trouve, ils sont tous dingues dans cette famille. Ça m'arrangerait, j'aurais une excuse pour m'éloigner de l'Écossaise.

— Bonjour, Eilidh. Ça sent très bon.

— Bonjour, jeune homme ! Vous avez bien dormi ? demande-t-elle en appuyant son regard sur moi.

Mon raclement de gorge doit être suffisamment révélateur.

— Oui, merci. Le lit était confortable.

— Ah oui ? Seulement le lit ?

Seanmhair !

Ciara débarque, rabroue sa grand-mère, l'embrasse tendrement.

Et moi, j'ai pas le droit à un bisou ?

Ses cheveux sont attachés dans un chignon décoiffé, des mèches rebelles s'éparpillent autour de son visage. Elle porte le même t-shirt qu'hier.

— Quand t'auras terminé de reluquer ma licorne, tu pourras t'asseoir, c'est prêt, ricane Ciara.

— J'arrive, j'ai un truc à prendre dans ma voiture.

Le sourire éloquent d'Eilidh accompagne ma sortie. Elle aurait probablement scandé un « alléluia » si je lui avais répondu que j'aurais adoré qu'elle puisse entendre sa petite fille crier mon nom.

J'attrape mon téléphone dans la poche de ma veste. La notification d'un vocal de Skye s'affiche. Je l'écoute pendant que je cherche ma plaquette de médocs dans ma boîte à gants. En avoir une à cet endroit au cas où est la meilleure idée que j'ai eue.

« Niaaalll, pourquoi tu réponds pas ? Ça s'est passé comment avec Ciara ? T'as intérêt à tout me raconter, dans les détails ! Heu... non... attends... pas dans les détails, pas avec elle, mais... J'espère que tu vas bien. Je t'aime, bisous. »

Mes cachets avalés sans eau, je lui envoie un SMS. Je l'imagine déjà criser et me marre d'avance.

[Ta soirée était bonne ? Ici, l'Austin a calé, mais Bambi n'est pas touché. Presque pas. J't'appelle plus tard, j'ai porridge. Jtm]

Fier de ma connerie, je retourne auprès de mes hôtes.

— J'ai eu le garagiste, m'indique Ciara quand j'entre. Il nous apporte la pièce qu'il faut dans moins d'une heure.

— Super ! Navré que mon tas de ferraille te fasse travailler un week-end, en plus celui de ton anniversaire, commenté-je en m'asseyant en face d'elle.

— Ça m'dérange pas.

— Ma petite Ciara passait son temps avec son grand-père dans notre garage, les mains fourrées sous le capot des voitures ! Tu te souviens, ma chérie ?

En dégustant le petit-déjeuner, je les écoute se remémorer cette époque. Cependant, des coups francs sur la porte d'entrée ne tardent pas à nous sortir de ce passé.

— Niall, file-moi tes clés, me somme Ciara.

— Oui, m'dame !

Nos doigts s'effleurent quand je les lui remets. Ses iris chocolat fondent dans les miens, le temps se suspend un instant, puis elle s'éclipse.

— Vous me plaisez bien, Niall.

— Pardon ? Eilidh, avec tout le respect que...

— Un sacré brin de fille, ma Ciara, n'est-ce pas ? Vous faites un beau duo, assure-t-elle, les yeux brillants de malice. Je vois bien comment vous vous regardez. J'ai un don pour sentir les gens, et vous, je vous sens bien.

— Madame...

— Ouste ! Allez la retrouver. Passez la journée ensemble. Je préfère la savoir en votre compagnie plutôt qu'elle reste avec sa vieille grand-mère.

Ne souhaitant pas contrarier la mamie pleine d'entrain, je m'exécute. Dehors, j'attrape une cigarette, colle mon dos au mur, l'allume. Ciara a disparu dans le moteur. Le garagiste, d'une bonne cinquantaine grisonnante, se tient à ses côtés. Il nage dans son bleu de travail.

— Niall, amène-toi ! crie la mécanicienne en apparaissant.

Je pouffe en secouant la tête. Les femmes de cette maison me font faire ce qu'elles veulent, et je ne m'en plains pas. Je fourre le mégot dans mon cendrier de poche et la rejoins.

— Jack doit partir, m'informe-t-elle. Va démarrer.

— À vos ordres, madame.

Mon salut militaire lui déclenche un rictus tandis que Jack rigole.

— T'as tout compris, mon gars. Vaut mieux écouter Ciara. C'est une reine de la mécanique, et faut pas la chercher. Y en a pas deux comme elle ! À plus, les jeunes. Amusez-vous bien !

L'Austin vrombit quand j'appuie sur la pédale. Ciara ferme le capot, l'air satisfait, et s'assied dessus. Je sors du véhicule pour m'approcher.

— Tu vas pouvoir rentrer chez toi, du coup, lance-t-elle, d'un timbre sans joie.

— Comment vas-tu retourner à l'aéroport si je m'en vais ?

— Comme j'avais prévu avant ton coup de la panne, je prendrai un taxi.

— Laisse-moi te raccompagner.

— T'embête pas, t'as sûrement autre chose à faire.

Ma main saisit son menton, j'ancre mon regard dans le sien.

— Voilà ce que je te propose : on passe d'abord chez moi pour que j'imprime la photo d'hier et tu repars avec ton cadeau d'anniversaire. Après, on trace jusqu'à l'aéroport, comme ça tu pourras encore chanter par-dessus Shubrec. Partante ?

Son visage s'illumine, la terre s'ouvre sous mes pieds.

— Niall, vraiment, te sens pas obligé.

Je caresse sa joue du pouce et recule, flairant le dérapage imminent. Qu'est-ce qui m'a pris de suggérer un truc pareil ? Je joue avec le feu.

— Je me sens obligé de rien, Ciara. Ça me fait plaisir de passer du temps avec toi.

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*Bampot : idiot

ღ ℬ𝓸𝓷𝓷𝓲𝒆 ℋ𝓲𝓰𝓱𝓵𝓪𝓷𝓭𝓼 ღOù les histoires vivent. Découvrez maintenant