Chapitre 15 - Damien

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Dans les vestiaires, j'ajuste mes lacets après avoir revêtu la tenue de l'équipe.

Le premier match. Le premier de la saison, mon premier depuis que je suis à l'université.

Ce soir, je saute dans le grand bain. Jouer devant un public, devant des dizaines et des dizaines de personnes. Avec leur regard braqué sur nous, et potentiellement sur moi.

Mes mains glissent. J'essuie leur moiteur sur ma serviette avant de refaire pour la troisième fois le nœud de mes chaussures.

— Ça va bien se passer, me rassure le capitaine d'une main sur l'épaule.

Tomas a toujours cette manie d'apposer sa paume pour traduire sa compassion, pour transmettre sa force, pour redonner confiance. C'est sa façon à lui de s'exprimer et je me suis habitué à ce contact fraternel.

Anderson nous rejoint. Postée au milieu de la pièce, sa carrure en impose. Je me sens minuscule, assis sur le banc, toujours baissé sur ma basket, comme si la lâcher allait me faire perdre mon repère actuel.

— Le match de ce soir est le premier. C'est celui qui donne le ton de la saison. Si nous gagnons, ce que nous allons faire sans aucun doute, nous nous mettrons en confiance et en position de force face aux autres. Nous nous devons de nous montrer impitoyables. Alors je compte sur vous et votre esprit d'équipe pour donner le meilleur de vous-même pour cette rencontre.

À la fin du discours du coach, mes coéquipiers poussent un cri d'encouragement, acquiescent et une vague de motivation déferle dans le vestiaire. La testostérone bat son plein.

Lorsque le coach nous quitte, Tomas intervient à son tour.

— En tant que capitaine, ce que je vous demande ce soir, c'est de vous amuser. De jouer. Jouer bien c'est mieux, mais sans passion le jeu ne peut être bon, alors prenez plaisir, amusez-vous. Mais écoutez-moi quand même, vous savez que j'ai toujours raison, conclut-il moqueur.

L'atmosphère gaie qui planait se dissipe pour une plus sévère. Chaque joueur se plonge dans une bulle personnelle, où la concentration prime. Les visages se ferment tandis qu'un vacarme extérieur retentit. La musique s'infiltre jusqu'à nos oreilles.

L'entrée des cheerleaders !

Mon esprit vagabonde et imagine le spectacle qu'ils offrent au public. Ils chauffent l'assemblée avant que les stars de la soirée n'arrivent. En l'occurrence, nous. La pression monte encore d'un cran et je me sens défaillir sur mon banc. Tous mes muscles s'affaissent, je pourrais me liquéfier sur place.

Cette rencontre est aussi la première pour eux. Un entraînement grandeur nature de la compétition qui les attend. Romain valide en cet instant son intégration complète dans l'équipe et la réaction du public vis-à-vis de sa prestation est très attendue.

À en croire les acclamations et les sifflements joyeux, la proposition de notre équipe des cheerleaders est à la hauteur des attentes.

Serai-je, moi aussi, à la hauteur ?

C'est l'heure d'y aller. Mes coéquipiers se lèvent et se dirigent vers l'intérieur de l'immense salle du gymnase. Je m'accroche à l'idée que ce match à domicile m'offre un avantage : celui de ne pas perdre tous mes repères. Je connais exactement le nombre de pas qui séparent les vestiaires du terrain. Je compte mes enjambées pour me concentrer, la tête baissée, focalisé sur la stratégie du coach.

Une main interrompt ma progression. Une Victoria ravissante dans sa tenue de cheerleader se dessine sous mes yeux. Je ne m'attendais absolument pas à la voir avant le match. Je pensais seulement avoir le plaisir d'avoir sa présence sur le bord du terrain. Son visage arbore un sourire rayonnant. Sa peau luit de transpiration suite à son intervention récente, mais je la trouve terriblement sexy. Elle me tire délicatement, me faisant quitter le rang, pour me rapprocher d'elle.

— Fais vite Vic, on a besoin de notre joueur ! proteste Tomas.

— T'inquiète pas. J'en ai pour une seconde.

Elle se retourne alors vers moi, sonde mes yeux perdus et avec empressement elle dépose un chaste baiser sur mes lèvres. Un baiser volé. Un baiser que je n'aurais jamais osé réclamer et qui pourtant me gonfle d'adrénaline.

— C'est pour te souhaiter bon courage.

Poussé par une force inconnue, j'écrase mes lèvres plus intensément sur sa bouche sucrée. Son gloss à l'abricot se colle sur la mienne alors que nos salives se mélangent. J'aspire sa force en même temps que son air. Prêt à tout restituer sur le terrain.

— File, on t'attend.

Et bizarrement, j'ai perdu le compte de mes pas et trottine jusqu'à mes coéquipiers un sourire placardé sur le visage.

— Ça donne du courage hein, se moque Tomas d'un coup de coude.

Le présentateur sportif annonce notre équipe. Le nom de notre équipe, les LearnT, retentit dans les haut-parleurs et la foule nous acclame. Tomas a pris la tête du groupe et pénètre en premier sur le terrain, suivi rapidement par ses coéquipiers. Je me fonds dans les joueurs, saluant d'une main l'assemblée, mais n'osant pas la regarder. J'accroche les pupilles de Victoria qui a retrouvé sa place parmi les cheerleaders sur le banc. Dans ses yeux brille un éclat fier.

Je vais le faire. Pour elle. Pour moi. Pour eux, les basketteurs qui me font confiance et m'accueillent à bras ouvert.

Je me positionne en tant qu'ailier. Je lève les yeux, analysant mes adversaires et plus particulièrement celui qui me fait face. Je copie son regard déterminé quand nos pupilles s'affrontent. Mes tympans pulsent dans ma boite crânienne. Le bruit résonne dans un brouhaha. Je serre la mâchoire, prêt à tout donner. Tomas me fait un signe discret de la tête et je hoche le menton en réponse.

Le coup de sifflet vibre dans l'air. Le ballon est lancé entre nos deux équipes. C'est parti. La première paume à toucher le Graal orange appartient à la concurrence, mais tout se joue maintenant. L'arrière-plan se floute. Dorénavant, ma vision se focalise uniquement sur le terrain. Tout le reste s'estompe et j'oublie où je me trouve. Je ne vois plus que des joueurs et le ballon.

Je partage des œillades complices avec mes partenaires de jeu, notre communication corporelle fluide est un atout de taille. Nous ne laissons rien au hasard. Notre dur labeur paie. Avec Tomas, nous nous frayons un chemin à travers la défense adverse, driblant et passant avec précision. L'adrénaline monte en moi et gonfle mes muscles alors que je m'approche du panier. Les défenseurs tentent de stopper ma course, mais je les esquive avec agilité. Mes jambes martelant le terrain avec détermination et une assurance nouvelle. Être entouré de mes colocataires m'emplit de confiance. Le contour de l'arceau n'est plus qu'à quelques mètres. Un crossover rapide déséquilibre le défenseur et m'ouvre la voie. Dans un saut spectaculaire, je m'élève dans les airs ballon en main. Ballon que je propulse dans le filet avec précision.

Le buzzer fend l'air, tout comme les rugissements de triomphe de la foule. Le tableau des scores affiche désormais les premiers points. Mes premiers points. Nous ouvrons le score. John, Tomas et quelques autres joueurs aux sourires tout aussi rayonnants de fierté et de satisfaction que le mien échangent avec moi une accolade.

Le match se poursuit, et la passion et la détermination se ressentent dans notre manière de jouer. Chaque passe, chaque tir, chaque interception nous rapprochent un peu plus de la victoire. Et finalement, lorsque le coup de sifflet final retentit, nous nous retrouvons au centre du terrain. Victorieux. Dans un calin géant, notre joie explose. Nous sommes des coéquipiers, des amis, et ce soir, nous avons prouvé que nous sommes prêts à tout affronter sur notre chemin vers la gloire. Nous, les LearnT, dont je fais désormais partie.

Je n'oublierai jamais ce moment, celui où j'ai mérité ma place dans l'équipe. Celui où j'ai prouvé ma valeur et où elle a été reconnue et récompensée.

Learn to trustOù les histoires vivent. Découvrez maintenant