Il habitait au cœur des montagnes, un chalet luxueux au bord d'un lac aux eaux turquoise. On disait qu'il vivait là en ermite et qu'après avoir été le scénariste le plus courtisé d'Hollywood il s'était cloîtré dans une solitude absolue. On le disait...
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Park Jimin termina d'engloutir son beignet aux myrtilles, rajusta son fourre-tout sur son épaule et héla un taxi à l'angle de Hakdong-ro et de Samseong-ro. Il venait de sortir de son appartement et il était en retard, mais rien de l'empêcherait de finir sa pâtisserie. Une berline noire avec l'inscription « Taxi » allumée sur le toit pila à sa hauteur. Les pneus surchauffés crissèrent sur l'asphalte, mais le bruit se perdit dans l'indescriptible brouhaha du quartier de Gangnam, où résonnaient comme tous les matins les coups de klaxon, le vrombissement des moteurs, les sirènes de police, d'ambulance ou de pompier, un vacarme frénétique démultiplié à l'infini à travers les vertigineux canyons de verre et d'acier de Séoul.
Le jeune homme s'engouffra à l'arrière du taxi, posa sur la banquette l'édition du jour du Korean Times, et indiqua en léchant ses doigts graisseux, poissés de sucre :
_ Baek Beom-ro. Le plus vite possible.
Le chauffeur, un type coloré en roux, aux cheveux coupés ras, au teint crayeux et à l'épiderme criblé de taches de rousseur, avait les cervicales prises dans une minerve, qui l'empêchait de tourner la tête.
_ En retard ? demanda-t-il, tout en s'insinuant dans la circulation.
_ Vous connaissez quelqu'un qui ne l'est pas à Séoul ? rigola Jimin.
_ Non, concéda le rouquin. D'ailleurs...
_ Qu'est-ce qui vous est arrivé ? interrompit-il en pointant du doigt la minerve.
_ Il a suffi que je rentre en retard hier soir justement, et vlan !
_ Vlan ?
_ Ma femme, expliqua le rouquin en l'observant dans son rétroviseur intérieur.
_ Oh... Mari battu, hein ?
Le rouquin, oubliant de dire qu'il rentrait ivre mort tous les soirs depuis six mois, se contenta de hausser les sourcils d'un air affligé, comme si les victimes de la violence féminine étaient légion de nos jours. Il se mit à discuter de l'opression féminine de long en large, sans tenir compte de l'expression goguenarde de Jimin.
_ Là, l'entrée en marbre blanc, indiqua Jimin.
Le taxi s'arrêta à l'angle de Baek Beom-ro et de Wonhyo-ro , devant une tour de verre miroitante. Jimin paya la course et conseilla au rouquin, en s'efforçant de ne pas rire :
_ Ne vous laissez pas faire. Il y a des associations pour cela.
Le chauffeur opina du chef avec une moue fataliste, et remit son compteur à zéro. Jimin claqua la portière, et jeta un coup d'œil à sa montre. La conférence de rédaction était prévue à 9 heures. Il était 9 heures 30. Il se précipita vers l'entrée de l'immeuble pendant que le taxi se fondait dans le trafic d'Itaewon. Il montra son badge au gardien armé à l'entrée, traversa le hall à toute allure et s'engouffra dans le premier ascenseur.
