Chapitre 1 - Que le jeu commence

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Après cinq ans passés à étudier, Malori rentra chez elle. Son père l'attendait devant la porte d'entrée, un large sourire collé aux lèvres. À ses côtés se tenait une femme.

– Ma fille, je suis sincèrement heureux de te revoir.

– OK.

– Tu ne me salues pas ?

– Bonjour.

– Allons, je sais que tu es capable de mieux.

– Ta tête ne m'avait pas manqué.

– Je constate que tu éprouves toujours autant de rancœur à mon encontre.

– Dans ce cas, pourquoi ne pas m'envoyer dans un internat ?

– Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, j'avais envie de retrouver ma fille.

– Laisse-moi rire. Tu as une idée derrière la tête. C'est quoi la suite ?

– Je te présente ta belle-mère, Julia.

– Tu es majeur, tu fais ce que tu veux.

– Il me semble t'avoir appris la politesse. Tu pourrais au moins lui dire bonjour.

– Bonjour.

Grognant, Basile déclara que le repas n'allait pas tarder à être servi. Sans prêter davantage attention à sa fille, il tourna les talons. Malori avança et une fois à côté de la compagne de son paternel, elle s'arrêta.

– Je n'ai pas besoin de mère ou de qui que ce soit. Rien que mon père, c'est déjà beaucoup à supporter alors ne te soucie pas de moi et tout ira bien. Tu peux jouer à la gentille petite belle-mère ou à la reine des garces, mon père ne s'en préoccupe pas. En ce qui me concerne, ne tente pas de mettre le nez dans mes occupations, car ça ira mal pour toi.

– Je ne suis pas ton ennemie, Malori.

– Parfait. Tu dois donc savoir ce que tu dois éviter, si tu veux que les choses se passent bien.

Ses affaires déposées dans sa chambre et sa douche prise, Malori regagna la salle à manger. Le déjeuner était servi, et ses « parents » étaient déjà assis, en compagnie de deux autres hommes.

– Ma fille, laisse-moi te présenter un ami de longue date, Valentin, duc de Lesgardes, ainsi que son fils, Rohan.

– Salutations, messieurs, je suis enchantée de vous rencontrer.

Basile fusillait sévèrement l'adolescente du regard, pendant qu'elle lui jetait une œillade noire.

– Bien, bien, bien, chantonna le duc en tapant dans ses mains. Ravi également de te voir. Tu es une belle jeune femme.

– Et vous, vous êtes

– MALORI !

Avant même de pouvoir finir sa phrase, son père la rappela à l'ordre.

– Cesse de sortir des insultes à tout bout de champ !

– Je n'ai encore rien dit ! Espèce de parano.

– Parfait, nous t'écoutons ?

– Tu m'as coupé la parole, je ne sais plus.

Le repas était plutôt tendu et seuls les deux grands hommes échangeaient sur leurs affaires. Les desserts servis, la jeune femme ne perdit pas une minute pour attaquer la pâtisserie qui se trouvait sous ses yeux. N'entendant plus le bruit familier des cuillères, elle releva la tête.

– Maintenant que j'ai l'attention de TOUT le monde, je vais annoncer la grande nouvelle. Malori, Rohan, nous avons décidé de vous fiancer.

Le garçon ne semblait pas surpris. En revanche, Malori se leva d'un coup, cognant ses poings sur la table.

– Hors de question ! Je ne me marierai pas à un inconnu. Je suis à peine majeure, que je dois me fiancer à un gamin. Tu t'es cru au Moyen Âge ou quoi ?

– Baisse d'un ton, jeune fille. Aux dernières nouvelles, je suis ton père.

– Dans ce cas, où te trouvais-tu ces dernières années ?

Finissant sur cette question, elle retourna s'enfermer dans sa chambre. Les jours qui ont suivi, Malo ne sortait ni de la demeure, ni de sa grotte. Bien que sa relation avec elle soit inexistante, Basile frappait chaque matin à la porte, lui annonçant que le petit-déjeuner l'attendait. Une fois, au beau milieu de la nuit, il la croisa au détour d'un couloir.

– Balade nocturne ?

– Comme tu peux le constater.

– Malori. À quel moment, ça a basculé ? Tout allait pourtant bien lorsque tu étais petite.

– J'ai grandi et tu t'es débarrassé de moi ces cinq dernières années. Pas une seule fois, nous ne nous sommes revus et l'unique contact que nous avions, s'arrêtait aux lettres qu'on s'envoyait. À aucun moment, tu n'as répondu à mes appels ou messages alors j'ai bien vite cessé et voilà où nous en sommes aujourd'hui.

– Pourras-tu un jour me pardonner ?

– Je l'ignore. À mon avis, il me faudra pas mal de temps pour remettre les compteurs à zéro.

– Hum... Je vois. Passe une bonne nuit.

– Je sais que tu as une idée en tête et que c'est pour cette raison, que tu te mets à jouer au paternel attentionné, tout d'un coup.

– Je me doutais que tu n'étais pas si bête.

– C'est sûr que si j'avais pris davantage de ton côté, j'aurais été dans la panade.

– Va dormir. Tu ne sais plus ce que tu dis.

– Et toi, tu ferais mieux de ne pas tenter un coup bas, car je peux t'assurer que je ne te le pardonnerai pas.

– Nous verrons cela.

Finissant leur échange dans une ambiance tendue, père et fille s'éloignèrent l'un de l'autre. À peine reparti, Basile s'arrêta.

– Une dernière chose.

– Je m'attends au pire avec toi, mais je t'écoute.

– Je ne veux aucun mot concernant ce mariage. Il aura lieu, point barre.

– Un mariage arrangé bancal. Je t'avertis et garde ça dans un coin de ta tête. Cette union ne durera pas et je ne tarderai pas à m'en aller.

– Ta majorité ne change rien à l'histoire. Je suis ton père ; que ça te chante ou non. Tant que tu demeureras sous ce toit, tu m'obéiras.

– Que le jeu commence alors. Je parie tout mon compte en banque que tu vas te brûler les ailes, mon très cher père.

– Et moi, je ne parie rien du tout.

– Tu n'as jamais aimé prendre part à ce genre de distraction. Certainement à cause du risque qu'il engendre. Tu crains de perdre, car tu ne maîtrises pas totalement ton environnement. De ce fait, tu reconnais indirectement que ton adversaire a ses chances.

– Peu importe les enjeux, je n'ai jamais accepté un seul pari avec toi. Et ce n'est pas aujourd'hui, que cela changera.

– C'est vrai, tu as raison. Par contre, je me suis exprimée sur le sujet ; tu as une idée en tête. Voilà ce qui justifie réellement ton refus. Les conséquences d'un échec seraient sûrement trop grandes et tu ne pourrais pas absorber les dégâts. Je trouverai ce qui t'effraie tant. Cette fois, je ne m'arrêterai pas, je te souhaite une bonne nuit.

– Je comprends Dans ce cas, je mets en jeu ma vie.

– En voilà une mise de taille. J'ai hâte de voir comment ça va tourner.

Déchéances T1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant