Rome, Italie, 18 juillet 64

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Je me balançais nerveusement sur le banc sur lequel j'avais trouvé refuge, épuisée, une fois en sécurité. Je me repassais en boucle les quatre dernières heures de ma vie. La fête, l'incendie, l'expression terrorisée de père, la mort de Julia. Julia était morte. Comment était-ce possible ? Julia ne pouvait pas, ne devait pas mourir, pas comme ça.

-Astoria ! Astoria !

C'était la voix de mon père qui fendait la foule des rescapés amassés sur les hauteurs de Rome.

-Oh ma chérie ! Je suis si content de t'avoir retrouvée ! Mais où est Julia ?

-Elle est morte, répondis-je d'une voix creuse, le regard dans le vide.

- Je suis désolé Astoria... mais toi tu es en vie et tu as toujours tous tes bijoux, tenta de me consoler mon père.

-Vos bijoux ne valent rien pour moi ! Je viens de perdre ma meilleure amie ! me scandalisai-je en me relevant précipitamment.

-Au contraire petite ingrate ! Ces bijoux sont tout ce que nous possédons ! Il n'y a pas de gisement de lapis lazuli. Les pierres de tes bijoux viennent de Constantinople. Je suis ruiné, Astoria, tu m'entends, totalement ruiné. J'ai parié toute ma fortune sur un gisement imaginaire. Nos esclaves se sont enfuis avec nos biens les plus précieux. J'ai contracté des emprunts qui ont engendré des dettes auprès de tous mes amis. Nous n'avons plus rien Astoria ! Rien du tout à part ces bijoux !

-Comment avez-vous pu ! Ce n'est pas juste ! Ce n'est pas bien ! Vous avez trompé tout le monde y compris moi ! me récriai-je.

-Ton sens de la justice t'égare mon enfant ! hurla mon père.

-Si mon sens de la justice m'égare, votre inconscience nous perd ! répliquai-je, acerbe.

-Astoria, je comprends ta colère, mais donne-moi les bijoux, je t'en prie. Ils sont désormais ce que j'ai de plus précieux... supplia mon père, brusquement radouci, en tendant les mains vers moi.

-Non, non et non ! Allez aux Enfers avec vos stupides bijoux ! A vos yeux ils ont plus de valeur que Julia ! Plus de valeur que moi ! Ce n'est pas mon sort qui vous importait mais celui de vos chers bijoux. Eh bien voilà ce que j'en fais ! hurlai-je hors de moi en me précipitant vers une petite étendue d'eau assez profonde. J'y jetai rageusement tous les bijoux, les uns après les autres, me satisfaisant de leur bruit au contact de l'eau.

-Arrête ça, Astoria ! Non ! Mes bijoux ! Arrête ! Tout mais pas ça ! Astoria !

Mon père s'égosillait en vain derrière moi.

Les Bijoux d'AstoriaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant