chapitre 89 : ... bad girl [2]

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La discussion plus ou moins houleuse que Giana venait d'avoir avec son père pris fin sur une note douloureuse. Elle avait secrètement espéré qu'il l'épaulerait, et non pas qu'il la mettrait en garde contre le père de ses enfants, son fiancé et amant ; en une seule phrase, l'univers autour duquel elle n'avait eu de cesse de graviter. Il était son point d'ancrage. S'imaginer un seul instant loin de cet homme impitoyable était inconcevable pour elle.

En même temps, Giana s'y attendait. Il n'était pas facile d'encadrer Lissandro Moretti. Il était plus facile de le haïr que de l'aimer. Plus facile pour Riccardo de détester l'homme qui avait entraîné sa fille dans cet abîme morbide. C'était parfaitement compréhensible et même sain d'esprit de ne pas vouloir l'homme pour lequel son cœur avait lamentablement et bravement chuté pour sa belle gueule, ses yeux diaboliques, son sourire pervers et ses blessures infiniment béantes qui avaient forgé l'homme qu'il était aujourd'hui. Alors oui, Giana comprenait les motivations de son père et lui donnait raison malgré tout, même si se l'avouer lui entravait douloureusement la gorge. Au final, elle était tombée amoureuse de son ravisseur. Elle sentait une énorme boule lui couper le souffle alors même qu'elle prenait conscience qu'il avait toujours eu raison. Elle étouffait de vouloir retenir ses larmes et ses cris. Giana ne désirait pas verser une énième larme en ce jour fatidique. Elle en avait assez versé pour ou à cause de Santiago. Il était hors de question que les mots durs de son père ou l'absence de Lissandro lui en prennent davantage. Ce n'est pas ce qu'il aurait voulu.

Elle marcha en direction de sa coiffeuse avec l'intention de se faire une beauté. Giana était consciente que l'image qu'elle devait renvoyer se rapprochait plus de celle d'un membre de la famille Adams que de celle de la belle au bois dormant.

Timidement, elle croisa son regard dans le miroir. Honte et dégoût la submergèrent alors qu'elle détaillait un peu plus ce reflet fantomatique que lui renvoyait la glace. Les cheveux en bataille, le teint pâle tel un linge, des immenses cernes sous les yeux et légèrement plus amaigrie qu'il y a quelques semaines, Giana n'en cru pas ses yeux. Elle se détesta d'avoir pu laisser son fils la voir dans cet état. Pas étonnant qu'il se montre autant inquiet. Elle était à faire peur. Une affreuse apparence qu'elle devait en partie à Santiago. Le porc l'effrayait jour et nuit. Il était toujours là, quelques part, entre ses rêves et ses souvenirs, tapis dans l'ombre et prêt à surgir tel le dangereux prédateur qu'il incarnait.

Insomnie et anxiété ne font pas bon ménage !

Reprends toi et sors un peu Gia. Tu ressembles à un cadavre ma fille !

Nullement satisfaite de son extrospection, Giana entreprit de se maquiller, très légèrement tout du moins. Elle n'était pas une grande fan de fond de teint, de contouring encore moins. Ces dernières années, elle avait eu beaucoup à faire. Entre ses missions suicidaires et être une bonne mère, il n'y avait pas vraiment eu de place pour la séduction, la beauté. Le fait de se faire jolie, de paraître un tant soit peu féminine n'était pas sa priorité absolue. Trancher des gorges et cribler de balles les têtes de certains gros bonnets de la mafia, ça c'était une priorité. Une priorité qui lui garantissait une assurance vie à elle et à son bébé.  

Mais aujourd'hui c'était différent, son passé de tueuse s'éloignait tout doucement d'elle, si et seulement si elle acceptait de le laisser dériver loin de sa vie. Un peu de gloss et de mascara n'auraient pas pu lui faire de mal. Du blush sur les pommettes pour se redonner des couleurs, un tout petit peu d'anti-cerne, un coup de brosse dans sa longue tignasse noire corbeau et elle revivait comme une fleur au printemps.

Giana glissa son corps affaibli dans une petite robe d'été blanche en dentelle à fine bretelle et se joignit au petit groupe qui s'était formé dans le salon.

Gia et Le SoldatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant