Chapitre XXIII : Un autre monde

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« Passé le rêve, vient la réalité. »

*

- Par Liha ! Mais qu'est ce qui t'as pris ?!

Depuis quelques longues et interminables minutes, Agar essuyait les foudres de son père dans le dortoir des officiers.

Il s'était rendu - avec l'aide de Razil - devant la herse de la forteresse au moment où les premières lueurs du jour commençaient à teinter le ciel. Son sauf-conduit présenté - cette pièce ronde et dorée sur laquelle était gravé les armoiries du Lyllun Kéniré : un pinceau surmonté d'un Soleil - Agar avait eu le droit de pénétrer dans la grande forteresse. Il avait ainsi laissé son nouvel ami après l'avoir remercié et lui avoir promis qu'ils se reverraient.

A présent seul devant son père, Agar regrettait la légèreté des moments passés avec Razil.

- Tu te rends bien comptes que s'il n'y avait eu ne serait-ce qu'un tout petit problème insignifiant, le moindre de tes actes auraient eu des répercussions directes sur moi ?

Ses mots mettaient Agar hors de lui. En réalité, Friun ne se souciait guère de lui ou de sa santé. Il se préoccupait uniquement de son image, sa réputation, sa foutue carrière que son propre fils aurait pu faire voler en éclat simplement parce qu'il avait partagé une soirée avec son premier ami civil.

Agar n'entendait plus les cris de son père. Ils avaient été remplacés par un bourdonnement puissant emplissant l'entièreté de son Esprit. Toute cette discussion était une mascarade pour cacher le réel problème. Agar n'avait rien fait de mal, excepter défendre une cause juste aux côtés de Razil et des kénirois. Une chose, que son père n'approuvait pas.

- Ils ont le droit à la liberté, murmura Agar en serrant le pommeau de sa canne.

Son père se tut instantanément, ne semblant pas comprendre les propos de son fils.

- Les askaniens, grommela-t-il en guise d'explication.

- Agar...

- Ils ne sont pas tous mauvais et je suis cert...

- On en a déjà parlé, le coupa Fariun d'un air agacé.

Son ton était sec, sans appel. Agar avait envie de laisser tomber, de donner raison à son père, mais il se força à le fixer dans les yeux et soutenir son regard. Il devait se montrer fort pour tous ces askaniens... pour Nyha.

- Non père ! Vous avez parlé, et j'ai dû vous écouter ! Maintenant c'est à mon tour de m'exprimer, et à vous d'entendre ce que j'ai à dire. C'est votre rôle ! Celui d'un père.

Face à un tel discours, l'officier écarquilla les yeux. Pour la première fois depuis toujours, Agar vit que son père ne savait plus quoi répondre à ses propos, et l'apprenti soldat comptait bien profiter de cette occasion.

- Contrairement à vous, je ne vis plus dans le passé. J'ai choisi de tourner la page, de ne plus souffrir. Nous ne pouvons rien contre ce qui s'est passé. La seule chose à faire c'est de l'accepter, et ne pas faire en sorte qu'un cas isolé devienne une généralité. Ouvrez les yeux père ! Par Liha ! Elle n'est plus là... mais moi si !

Les mots eurent l'effet d'une pluie de pierres enflammées. Fariun recula d'un pas, les yeux luisant de larmes qu'il tentait de contrôler. Son armure ne le protégeait pas de la puissance des mots et la carapace de son Cœur ne le préservait plus de cette douloureuse plaie qui le faisait souffrir autant que son fils.

Agar était également au bord des larmes et peinait à contrôler sa voix. Il avait pourtant envie de s'excuser, de se jeter dans les bras de son père et de refermer cette profonde cicatrice qu'il venait de rouvrir d'un grand coup de couteau.

La Guerre de l'Aube et du Crépuscule [Tome 1 : Les prémices d'une guerre]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant