Chapitre 33

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Lee Heeseung

Cela fait quelques heures déjà qu'on a quitté la maison des horreurs, laissant Beomgyu et sa maman à moitié dévorée derrière nous.

J'ai eu l'occasion de fouiller la maison avant de partir et de prendre un sac à dos -probablement son sac de cours- des vêtements propres de quoi boire et manger. 

Mais même si je me sens mieux, hydraté et le ventre à peu près calme, l'état de Nara a l'air d'empirer.

Pas physiquement, elle a l'air tout à fait bien, mais elle ne parle plus. Pas une seule remarque positive ou non. Elle ne fait qu'avancer, elle me suit sans rien dire.

J'ai essayé de lui parler de ce qu'il s'est passé hier soir, de lui dire qu'elle n'avait pas eu le choix, mais elle m'a seulement répondu par un regard vide.

On a fini par retrouver le chemin de la voie ferrée, et d'après ce que le peu de panneau affiche, on n'est plus qu'à quelques heures, une journée tout au plus de marche jusqu'à la gare.

Je devrai me sentir heureux, soulagé on est presque arrivé, mais qu'est-ce qu'il va arriver à Nara ? Est-ce qu'il vont la tuer ? Ils vont probablement la tuer.

Imaginer son corps sans vie en face de moi me donne déjà le tournis. Je ne veux pas qu'elle meurt.

Les cadavres ne me choquent plus tant que ça. Ils me font toujours me sentir mal certes, mais plus au point de vouloir vomir tout ce que j'ai. Et la voir manger leur reste parfois (lorsque le corps est encore assez frais), ne me dégoûte plus autant qu'avant. C'est toujours aussi répugnant, mais je serre les dents et détourne le regard.

Et mon image d'elle n'a pas tant changé que ça. Mais j'ose espérer qu'elle me fait un peu plus confiance.

On marche à côté d'un corps d'un militaire. Il est allongé au sol, complètement dévoré. Ses yeux sont grands ouverts.

Je passe à côté de lui, tout en évitant de toucher son cadavre et je continue ma route. Et j'entends un bruit de recharge.

Je me tourne et je suis en face de Nara, un pistolet en main qui me fixe droit dans les yeux. "Tu veux me tuer ?" Je la regarde incrédule. Elle ne va pas me tirer dessus, pas vrai ?

"Plutôt l'inverse." Elle me tend l'arme. Mes yeux s'ouvrent en grand. "Quoi ?" Elle hoche la tête. "Tire moi une balle dans la tête. Ils vont m'abattre à la première seconde où ils verront que je suis infectée. Je préfère épargner mes parents de cette vision."

"Non." Je dis fermement. "Quoi, tu ne veux pas avoir mon sang sur tes mains ?" Elle hausse un sourcil. "Tu ne veux pas te venger de toutes les crasses que je t'ai faites au cours des année ? Tu ne veux pas venger Jihye ? Seoran ?"

Je ferme les yeux et inspire profondément. "Je n'ai pas risqué ma vie dans ce lycée pour te retrouver, pour que tu me demandes de te tuer. Il en est hors de question."

Nara lève les yeux au ciel. "Et donc tu préfères que je finisse comme eux, à manger tout ce que je trouve ? C'est déjà ce que je suis en train de faire ! Je suis foutue. Alors tue moi qu'on en finisse."

Je lui saisit le poignet. "Tu vas arrêter oui ? On trouvera une solution. Je te promets qu'on en trouvera une. Mais ça ne sera pas toi avec une balle entre les deux yeux."

Sa lèvre tremble et elle me prend au dépourvu en s'approchant de moi et passant ses bras autour de moi. Je reste figé quelques secondes, ne sachant pas trop quoi faire. Mais j'essaie tout de même de la consoler en tapotant doucement son dos.

Elle s'écarte très rapidement en se grattant la gorge. Et en regardant à droite à gauche comme pour vérifier que personne n'a vu la scène.

Je fais mine de rien et continue de marcher et elle emboîte le pas assez rapidement. Marchant cette fois ci à côté de moi. Plus proche qu'avant, mais pas assez pour que nos doigts se touchent.

Nara regarde devant elle, les yeux fixant le vide. "Je crois que j'ai ce que je mérite." Je l'observe surpris. "De quoi tu parles."

"Tu crois que Seoran a fait ça pour nous punir ?" Seoran ? La fille qui s'est suicidée ? "Qu'est-ce qu'il se passe avec elle ? Ils ont dit que c'était de la faute à Yeeun si elle s'était suicidée."

"Pas que de sa faute." Elle regarde devant elle. "De nous trois." Qu'est-ce qu'elle raconte ? "Yura et moi, on était aussi là ce jour là, en plus de Yeeun. Je l'ai filmé. Au début on voulait juste la bousculer un peu, je ne sais pas à quel moment ça a mal tourné. La barre en fer ? Enfin bref. Je ne pensais pas qu'elle allait se jeter du toit de lycée."

Mon cœur tombe dans mon estomac. "Pourquoi avoir fait tout ça ? Seoran ne vous avait rien fait pas vrai ?" Nara ne me regarde toujours pas. "Je ne me souviens plus trop de la raison, mais je sais que ça n'avait pas plu du tout à Yeeun. Et une chose en a menée à une autre et elle est morte."

Je la regarde incrédule. "Tu es restée en contact avec Yeeun ?" Elle répond positivement. "Sa mort nous a un peu éloignées mais vu que son père et le mien collaborent souvent ensemble, on se voit quand même assez souvent." Elle n'avait pas été incarcérée ?

"Elle n'est pas censée être en prison ?" Nara rit, ce qui me déconcerte davantage. Il n'y a rien de drôle. "L'argent sert à beaucoup de chose, en plus de s'acheter la liberté. Elle est bien confortablement installée quelque part à Pékin."

L'argent me rend malade. Est-ce que la vie de Seoran avait si peu de valeur ?

"Est-ce que tu arrives à vivre avec tout ce que tu as fait ?" Je me tourne vers elle. Elle me sourit. "Parfaitement. Je dors sur mes deux oreilles- plutôt dormais." Elle croise les bras.

"Le monde n'est pas aussi rose que ce que tu penses. Les adultes, ils vont tout faire pour arriver à leur fin." Nara soupire.

"Tes parents n'ont rien. Je suppose que leur seul souhait est que tu réussisses, pas vrai ?" Elle me jette un coup d'œil. Et j'acquiesce.

"Mes parents ont tout. L'argent, le pouvoir, le temps. Mais qu'est-ce que tu veux quand tu as tout ? Toujours plus. Et moi," elle se pointe du doigt. "Je ne suis qu'un moyen d'avoir plus de chose. Ma mère ne m'a pas eu parce qu'elle avait cette envie d'être maman. Je suis un investissement à long terme. Ils vont me marier à je-ne-sais-qui et empocher plus d'argent, avoir plus de pouvoir."

Il fait beau. Il n'y a plus un nuage dans le ciel. Mais je me sens quand même déprimé. Elle veut vraiment retourner à cette vie ?

"Tu es heureuse ?" Elle me regarde un sourcil haussé. "J'ai tout ce que je veux, vêtement, téléphone, argent. Bien sûr que je suis heureuse. L'argent fait le bonheur."

"Ce n'est pas vraiment ce que le proverbe dit." J'essaie de lui expliquer, mais elle me fusille du regard. "C'est un pauvre qui l'a inventé."

Deadly embrace [L.HS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant