Chapitre 14

9 4 3
                                    

Un épais silence enveloppait la petite chambre. La nuit était au plus noir et, dehors, il n'y avait plus un bruit. Les vents du désert eux-mêmes, d'habitude si grinçants, semblaient n'être qu'un lointain sifflement, un murmure étouffé. Lorsqu'une bûche incandescente s'écrasa dans les braises, une gerbe d'étincelles s'envola en crépitant.

Kragen s'avança d'un pas vers le lit, électrisé de la tête aux pieds... et la parcourut d'un regard affamé. Allongée là entre les draps défaits, elle n'avait plus rien de la farouche esclave au visage souillé de poussière. Sa peau, ce soir, avait l'éclat de la soie la plus pure. Ses cheveux étaient coiffés comme ceux d'une jeune mariée, ses grands yeux noirs – rivés sur le gladiateur – scintillaient d'un feu envoûteur... et incroyablement érotique.

– Approche, supplia-t-elle d'un soupir. Viens !

Fierté et pudeur s'en étaient allées, l'abandonnant sans honte à une délicieuse nudité. D'ores et déjà cambrée de plaisir, elle semblait brûler du désir d'être empoignée, possédée, dévorée tout entière. Son souffle était profond et, luisant à la lueur des flammes, quelques fines gouttes de sueur perlaient entre ses seins – qu'elle serrait en gémissant.

– Tu n'avais aucune chance de me résister, siffla le Zabas en embrassant du regard son corps gracile, caressé par le rougeoiement des torches.

– J'ai essayé... mais j'en suis incapable, avoua-t-elle en glissant, malgré elle, quelques doigts entre ses cuisses trempées.

Le battement d'une cape secouée par les vents réveilla brusquement le gladiateur. Sa main vint aussitôt trouver la poignée de son sabre et, les yeux grands écarquillés, il sonda l'obscurité. Dans la faible lueur de la nuit, se découpait une inquiétante silhouette encapuchonnée, accroupie dans l'ouverture de la fenêtre.

– Qui est là ? gronda-t-il, prêt à bondir.

– Il y a des gardes partout, j'ai eu un mal fou à arriver jusqu'ici.

Soulagé, le Zabas lâcha son arme. Légère comme un chat, Adali descendit sans que l'on n'entende la plante de son pied fouler le parquet grinçant. Le glaive, à sa ceinture, remarqua l'homme-lézard, exhalait l'odeur du sang sur plusieurs mètres. Cette petite garce était peut-être plus dangereuse qu'elle n'en avait l'air.

– Tu es seul ? s'étonna-t-elle.

– J'ai ma propre chambre, répondit Kragen en s'asseyant sur le rebord du lit, ses draps défaits pour uniques vêtements.

Son souffle était encore erratique, sa peau écaillée, luisante de sueur. Ce rêve... Il avait été si intense ! Plus le temps passait, plus cette maudite esclave revenait le hanter. Plus le temps passait, plus il la voulait, la désirait, la fantasmait... à chaque fois qu'il fermait l'œil.

Après que Talaros la lui ait refusée, le Zabas avait pourtant cherché à l'oublier. En vain, de toute évidence. Bon sang, quel sombre sortilège cette sorcière lui avait-elle lancé ?

– Alors ? Que voulait-il ? questionna la jeune femme en s'adossant au mur de pierres froides.

– À ton avis, gronda le Zabas en regardant son petit bouclier de bronze, rond et cabossé, négligemment posé contre un meuble.

L'adversité serait rude cette année, c'était évident. L'exceptionnelle présence de Narmur, l'afflux d'une foule sans nombre, de gladiateurs et de parieurs venus de tout Eridor... Kragen avait eu beau jurer à Talaros qu'il vaincrait l'immortel, il était loin, au fond de lui-même, d'être aussi confiant qu'il ne l'avait laissé paraître.

– Ça complique les choses, soupira Adali. Je pense que, dans ce cas, nous allons devoir organiser ton évasion un peu plus tôt que prévu.

– Hors de question, rétorqua aussitôt le Zabas. Si je m'en vais avant le combat, tout le monde croira que je suis un lâche. Je ne partirai pas d'ici avant d'avoir tué ce chien.

Emeryde, tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant