𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄

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« Je n'y ai pas cru, l'amour rend aveugle...»




Survivant, il y a 1 an
 


Je crois n'avoir jamais ressenti cela. Ce sentiment de réconfort. Chaque matin, depuis notre rencontre, elle est ma force pour venir étudier. Chaque jour, depuis notre rencontre, je la vois, l'enlace et l'embrasse. Chaque nuit, depuis notre rencontre, je l'admire observer le ciel.

— Regarde Rhys, celle-ci se nomme Cassiopée !
Je ne parviens pas à détacher mon regard de son visage. Ses yeux font écho à la lumière de la lune. Laora pointe du bout de ses doigts un amas d'étoiles.

— À quoi elle ressemble ? Il y a trop d'étoiles Laora...
Elle tourne sa tête en direction de la mienne, fronce son nez et exhibe sa fausse colère. Bien qu'elle soit magnifique comme ça, je préfère quand elle me sourit.

— Rhys, c'est justement ça qui est incroyable ! Regarde, il a cinq étoiles qui scintillent plus que les autres et qui se suivent comme une grande ligne bancale.

J'aime encore plus lorsqu'elle a raison. Cette constellation ne passe pas inaperçue quand on s'y intéresse et bien qu'elle reste belle, cette Cassiopée ne fait pas le poids à côté de Laora. Ses longs cheveux noirs se fondent à l'obscurité tandis que sa peau blanche s'illumine sous ce spectacle éclairé.

C'est elle mon étoile préférée.

— Je la vois, c'est joli. Mais d'ailleurs il n'existerait pas une constellation ou un truc du genre qui pourrait porter le nom de Laora ?
Je demande en plantant mes yeux dans les siens alors qu'un rictus se dessine sur mes lèvres. Sur mes mots, Laora rit aux éclats. Son rire est semblable à une mélodie, à un chant susceptible d'envoûter tout l'Essex.

Je me rapproche lentement d'elle. Mes doigts qui enlacent l'herbe se déplacent à ses joues rosies. Son rire cesse mais son éclat perdure à travers ses yeux. Mon front se colle au sien. Ma main gagne sa nuque. Nos âmes se cherchent et se croisent. Nos souffles ralentissent et une boule de chaleur agréable s'installe dans mon corps. Je revivrai ce moment intime pour tout au monde, plus intime qu'un rendez-vous bancaire, plus intime que le sexe. Nous nous cherchons mutuellement dans nos iris. Je la vois. Mes lèvres s'étirent et les siennes m'imitent. Laora me voit.

— Laora, promet moi de ne jamais me laisser seul pour regarder les constellations.
Ma voix est douce, soufflant chaque mot dans son oreille

— Rhys, je ne laisserai personne d'autre les regarder avec toi. Je te le promets..
Une grimace de mécontentement déforme son doux visage. Elle doit rentrer. Sans elle à mes côtés, la nuit est démon. Seul dans mon lit, j'attends Morphée. Je préfère son attente à celle de mon géniteur.

Les étoiles et le monde du ciel ne m'ont jamais intéressé. Pourtant je chéris chaque jour la tombée du soleil. Je chéris cette chance de l'admirer, la regarder, comme s' il s'agissait de la dernière.

***

J'ai toujours été une personne flemmarde qui n'aime pas les cours mais qui depuis peu  a trouvé sa force pour se lever le matin.  Dès ma première heure, j'ai cours avec elle. Dans les licences de biologie les étudiants sont ponctuels et sérieux. Laora a toujours rêvé d'enseigner la nature qui la  passionne depuis petite. Quant à moi j'ai pour projet d'entrée en école vétérinaire ou je ne sais quoi en lien avec les animaux.

Mes yeux scrutent chaque passants des couloirs. Qui sait, peut-être que je la croiserai ce matin. Elle n'a d'ailleurs toujours pas répondu à mes messages. On s'envoie chaque matin une confirmation, même si nos séances d'observations sont habituelles. Les allées s'évacuent, jusqu'à les rendre inanimées.

Mes livres de cours sont tous empilés au fond du casier. Un papier repose au-dessus du tas. Il est plié et légèrement froissé. Un bracelet composé de breloques d'étoiles argentées l'accompagne.  

Je saisis la lettre timidement du bout de mes doigts. Cette écriture qui ne m'est que trop familière me crispe. Mon ventre s'endolorit, mon cœur s'affole et mes muscles se raidissent.

Le stress me gagne bien trop vite. Pourquoi ne m'a-t-elle pas envoyé de message ? Je déplie ce morceau de papier de la façon la plus délicate, appréhendant ma lecture.

Pour Rhys,

Je suis désolée de te parler à travers un bout de papier, c'est un peu nul mais je n'avais pas d'autre moyen de te contacter qu'en le laissant dans ton casier.

Tu sais un jour on m'a dit "les plus faibles meurent en premiers" depuis j'ai toujours essayé d'être la plus forte pour te rendre fier ainsi que pour moi même. Cependant, ce matin en observant le ciel, j'ai compris que je n'en ferais jamais partie.

Et que seul les étoiles pouvaient me comprendre, que désormais, tous les soirs tu viendras sur ces plaines pour venir m'observer briller.

Je suis désolée Rhys, je t'aime.
Laora. 



Mes jambes s'empressent de dévaler les escaliers, mes pas sont irréguliers, irréfléchis. Mon sang pulse à une vitesse folle. Je les entends, j'entends les pulsations de mon cou. J'ai peur.

« Pour venir m'observer briller » Non, il en est hors de question. Je m'en fou de ses étoiles, de ses constellations. Je la veux elle. Juste elle. Je la veux dans mes bras, sur mes lèvres. Je veux mourir de ses baisers. Je veux l'admirer elle, pas son étoile.

Le toit est bien calme, le soleil est caché de plusieurs stratocumulus. Cet endroit est son préféré en dehors des plaines qui clivent nos maisons. De jour comme de nuit, Laora contemplait le ciel, comme s' il lui offrait ses secrets.

Des cris, des plaintes et des jurons retentissent au pied du bâtiment. Mes jambes prises de curiosité s'approchent de la rambarde. Du haut de ces sept étages, j'aperçois une foule. Une foule autour d'un corps. Un corps noyé de liquide rouge, trop rouge.

L'essaim, ce sang s'emmêlent et se fondent dans mes yeux gonflés d'eau. Mes joues se mouillent, mes jambes cèdent et ma gorge se noue. Jamais je ne l'aurais pensé capable d'une telle chose. Jamais je n'aurais pensé qu'elle me laisserait.

Désormais je vivrais sans mon étoile. Je vivrais avec des regrets qui me hanteront nuit et jour. Je vivrais accompagné, amis-amis avec mes démons, pas le temps d'une nuit mais celui d'une vie jusqu'à mon abandon. Jamais je n'aurai assez de courage pour affronter cette vie sans elle.
Cette vie seule, où nos habitudes n'existent plus à cause de son absence.

Désormais je survivrai.

CassiopéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant