8 / Un garçon tenace et une fille têtue

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À la fin du cours, fourbue d'avoir dû rester assise sur cette marche pendant deux heures, Camille étira tous ses membres dans un même élan, puis se leva d'un bon pour suivre le flot d'étudiants qui se déversait dans les couloirs de l'université par les portes de l'amphi.

Lara l'avait devancée d'une courte tête, car elle ne se fatiguait jamais à ranger ses affaires soigneusement comme le faisait Camille. Elle s'était contentée de rabattre son PC portable et d'attraper son manteau avant que quelqu'un ne le piétine, puis s'était dirigée vers la sortie pour attendre à un endroit moins passager que l'escalier.

Camille la vit presque aussitôt discuter près des doubles portes, avec un mec aussi blond qu'elle, mais beaucoup plus grand et massif. Encore un qui avait senti l'opportunité à deux cents mètres, et qu'il allait falloir dégager vite-fait, probablement. C'était le problème avec Lara. Elle ne savait pas dire non. Quand un mec l'abordait, il avait toutes les chances de repartir avec son 06, et l'assurance de la revoir. La blondinette se servait régulièrement de Camille pour éloigner les opportuns qu'elle n'avait pas la « méchanceté » d'éviter, notamment en faisant croire que son amie était son « copain »... ce qui ne dérangeait pas Camille.

Ce stratagème lui apportait même un certain confort. Il lui évitait d'être abordée, elle-même, par des personnes qui auraient pu avoir l'outrecuidance de penser à elle comme d'une ou d'un partenaire potentiel... c'était reposant d'être un faux petit-ami. Ça lui permettait de se concentrer sur l'essentiel : ses études. Même si depuis quelques semaines, Camille se posait beaucoup de questions quant à son avenir... un autre sujet difficile qu'elle ne pouvait totalement ignorer, mais dont elle repoussait au mieux les interrogations pénibles.

— Salut ! lança-t-elle en s'approchant de Lara avec un air nonchalant sur le visage.

Pas de guerre ouverte avec un ennemi potentiel, sans être sûre. Aucune raison de dépenser son énergie pour rien. Peut-être que ce type ne demandait que l'heure, même si c'était plus qu'improbable, vu le sourire affichée par Lara, cette fois-ci. Peut-être que son amie avait réellement envie de revoir ce type ? Donc pas d'affolement et pas d'urgence. Il fallait tâter le terrain.

— Ah ! Salut ! Je demandais à Lara, si elle et toi, vous ne voudriez pas venir à la soirée poésie de ce soir, dit le beau gosse.

Bien que Camille mît un temps infime pour intégrer l'information, - une soirée poésie ? Si elle avait dû énumérer les pires événements de la terre pour passer son maigre temps libre, une soirée poésie aurait été à coup sûr dans le top cinq, juste avant l'atelier cuisine du monde, mais après la soirée tricot -, le silence qui tomba entre eux crispa le sourire du joli visage taillé à la serpe de l'étudiant. Nez busqué, regard d'aigle, bouche... tentante ?

Mais qu'est-ce qui lui prenait ? Camille avait la sensation de devenir maboule ! Ses hormones ne la laisseraient donc pas tranquille un instant ? Était-elle en période d'ovulation ? Il faudrait qu'elle vérifie sur sa plaquette de pilules, parce que, à ce stade, elle avait de quoi se poser des questions ! Fantasmer sur tous les mecs qu'elle rencontrait n'était pas dans ses habitudes ! Vraiment pas dans ses habitudes !

— Une soirée poésie ? murmura finalement Camille, soudain un peu gênée de sentir ses joues rougir, comme si elle avait été une midinette en manque d'affection.

— Ce sera super ! On sera là, Antoine ! Tu peux compter sur nous ! s'exclama alors Lara avec un enthousiasme non feint, avant que l'étudiant ravi, ne disparaisse à son tour.

— Lara ! s'exclama Camille redevenue elle-même. Je bosse ce soir ! On est vendredi ! Je ne peux pas aller à une « soirée poésie » !

— Ça commence à cinq heures ! Tu peux au moins venir au début. Ensuite, tu iras bosser.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant