Dos à la cheminée, le Commandeur de l'Ordre des Sethiens, car il s'agissait de lui, aurait pu passer pour un bureaucrate quelconque. Peut-être en était-il un, d'ailleurs ? Malgré sa haute stature, il y avait un je-ne-sais-quoi dans sa posture qui trahissait un travail administratif pas toujours passionnant. Il arborait également l'air sévère de ceux qui ont l'habitude de se faire obéir sans délai, une courte barbe noire bien taillée, des yeux marrons sans expression particulière, sous des sourcils fournis, qui contrastaient avec son crane entièrement rasé. Son teint mat et son nez aquilin trahissaient une origine vaguement orientale. Sans doute lointaine.
Sa toge bleu profond, bordée d'or et de pourpre, lui donnait des airs de grand prêtre de l'antiquité. C'était sans doute le but de cet accoutrement. L'Ordre des Sethiens ne se targuait-il pas de descendre d'un dieu égyptien ? Il portait à la ceinture, une dague au manche ouvragée dont la lame effilée laissait entrevoir un usage autre qu'ornemental.
Un homme, plus petit, mais bâti comme un culturiste, avait relevé Camille sans ménagement et l'avait faite asseoir sur un tabouret sans confort, face au Commandeur, avant de se positionner derrière elle, prêt à intervenir au cas où elle aurait eu des velléités de rébellion.
La jeune femme ne comprenait pas trop ce qu'on attendait d'elle et ne cherchait pas trop à savoir pour le moment. Elle feignait la faiblesse, tout en jouant avec ses doigts pour chasser les fourmis qui s'y étaient invitées. Pas question d'être engourdie quand il faudrait qu'elle accède à son arme. Tout son cerveau était tourné vers la recherche d'une solution de fuite. Elle ne prêtait attention à ses geôliers silencieux, que pour déterminer dans quelle mesure ils pourraient réagir, si elle tentait quoi que ce soit.
Dès qu'elle avait compris qu'on ne lui ferait pas de mal immédiatement, elle avait observé son environnement avec acuité. La pièce dans laquelle elle se trouvait était immense. L'unique cheminée qu'elle avait vue précédemment, peinait à réchauffer l'air humide. La suite ne valait guère mieux : des murs défraîchis sans ornement ; un sol de ciment tachés par endroit ; pas de fenêtre, mais deux autres portes en plus de celle qu'elle avait empruntée. Fermées pour le moment. Une table en métal et bois, peinte de hiéroglyphes et de motifs égyptiens, mêlant l'or à toutes sortes de couleurs, trônait sur une large estrade, au centre, sans aucune chaise. Plusieurs meubles, du même style que la table, étaient répartis de part et d'autre de l'estrade : un fauteuil avec un haut dossier couronné d'un voile et recouvert de velours rouge, une petite table creusée d'une bassine d'or, une sorte de guéridon avec des tiroirs, et une banquette.
Par deux fois, durant les longues minutes où ses geôliers gardèrent le silence, Camille perçut des gémissements. Cela venait de la porte qui se trouvait maintenant dans son dos, et qui était sur le même mur que celle par laquelle elle était venue. Puis, il y eut un cliquetis, et le Commandeur s'anima enfin, en changeant imperceptiblement de position pour s'adresser à quelqu'un que Camille ne pouvait pas encore distinguer.
— Non, vraiment, je ne vois pas, finit-il par dire en soupirant.
— Et pourtant, c'est bien elle, chevrota une voix féminine.
— C'est vrai, mais vos paroles sont si peu claires ma chère que je ne sais si quelque chose de bon sortira de tout cela.
Camille tenta de se retourner pour voir à qui appartenait la voix. Elle trouvait tout à fait désagréable l'habitude des Sethiens de toujours venir par derrière. C'était pénible. Néanmoins, la présence imposante du garde, ne lui permit que de voir le bout d'un fauteuil roulant en approche. Il fallut qu'il soit à son niveau pour qu'elle puisse enfin distinguer l'interlocutrice du Commandeur.
Il s'agissait d'une femme âgée, très maigre, aux cheveux immaculés, dont le visage parcheminé paraissait sans âge. Ses yeux laiteux ne laissaient que peu d'imagination sur sa capacité à voir convenablement. Elle se laissait guider par une femme beaucoup plus jeune et charismatique, que Camille ne connaissait que trop bien : Lara Hautegrive.
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De notre sang
RomantizmCamille est un être double. Par son prénom et son physique, elle brouille les pistes. Elle cache un lourd secret qui l'a forcée à être ce qu'elle est : indépendante et méfiante à l'excès. Sa rencontre avec un inconnu, aussi énervant qu'inquiétant, l...