Chapitre 25 : Une embrassade sous la pluie

23 5 0
                                    

La rhétorique est l'arme des trompeurs. Manipuler les mots, encombrer des phrases simples de figures de styles à ne plus en finir et de façon à pouvoir reculer à la moindre impasse en prétendant que l'on les a mal comprise, est une chose faite pour tenir n'importe qui par le cou.

Sauf que lorsqu'un homme, rougi par l'ivresse, évoque son lit à un garçon moitié moins âgé que lui, aucune tournure ne peut adoucir l'immoralité de la chose. Et pourtant, Soïli hésita.

Dans sa tête fusait les événements qui l'avaient mené jusque là, toutes ces embûches qu'il avait tantôt évitées, tantôt bousculées, tous ces choix qu'il ne pouvait regretter qu'après coup, rien ne l'avait mené aussi proche de ce qu'il souhaitait que ce qu'il pouvait obtenir s'il sacrifiait sa fierté. Alors, il hésitait. Bien que la chose se présentait dans toute son horreur et qu'un sous-entendu aussi grossier ne pouvait leurrer un homme qui sait réfléchir, il hésitait.

   — Allons-y.

Heureusement, Günther avait répondu avant lui, attirant l'attention de tous.

   — Pardon ? Se permit Henry, déconcerté.

Sondheim se leva doucement, s'éloignant d'un pas de sa place initiale afin de faire face au dandy qui, toujours assis, le fixait avec effroi.

   — Trois personnes ne valent-elles pas mieux que deux pour trouver une chose ?

   — Ce... c'est que...

Il suffisait à n'importe qui connaissant Günther ne serait-ce qu'un peu, pour comprendre la raison pour laquelle une tension glaciale avait figé l'air. Les yeux encrés sur sa proie, un visage dénué de toute émotion revêtant sa peau, il ordonnait un homme à la mort.

   — Lève toi ou je croirai que tu feignais l'amnésie pour abuser de mon invité.

   — Qu... quoi ? Mais enfin... ce... c'est grotesque ! Je ne me permettrai pas ! Nous n'avons pas besoin d'en arriver là pour... pour une simple plaisanterie, voyons !

Plus aucun mot ne traversa les lèvres de Sondheim et, le visage suant de terreur, Henry voulut supplier son bourreau encore un peu mais se résolut à obéir. Son corps tremblait, manquant de le faire s'écrouler lorsqu'il avança vers Günther, son souffle était court et agité et pourtant, personne ne lui adressa un seul regard de pitié. Tous trop terrorisé pour faire autre chose que détourner la tête. Enfin, tous excepté Stuart qui fixait la scène avec amusement.

Soïli se leva à son tour, plus mal à l'aise qu'effrayé par la situation et ils quittèrent la pièce, Henry les menant vers sa chambre. Naïvement, le garçon pensait que seule la honte de son propre sous-entendu l'effrayait à ce point. Alors il se mit à se demander comment il allait s'y prendre pour feindre de trouver les adresses lorsqu'ils entreraient tous dans sa chambre, quand Sondheim lui ordonna :

   — Attends nous ici.

Ils pénétrèrent dans la fameuse pièce et la dernière chose que Soïli entrevut fut Henry s'écroulant à genou en suppliant Günther de l'épargner. Puis la porte se ferma et seuls de sourdes et résonnantes vibrations trahirent ce qu'il se passait à l'intérieur.

Moins de deux minutes plus tard, Sondheim ressortit, mais pas Henry. Il tenait, dans une main, une feuille repliée sur elle-même, et dans une autre, un mouchoir en tissus. Il tendit le morceau de papier à Soïli et essuya ses phalanges dégoulinantes d'écarlate avec le chiffon, avant de s'avancer vers le couloir qu'ils avaient emprunté pour entrer dans le bordel.

Ils montèrent dans l'ascenseur et, à la grande surprise de Soïli, Günther appuya sur un numéro supérieur à celui où ils étaient.

   — On rentre pas au club ?

HédonismeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant