76 / Sous sa bienveillante protection

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La nuit étoilée se reflétait dans les eaux calmes de l'océan et créait d'étranges reflets au plafond de la chambre. La maison était silencieuse à l'exception des murmures en provenance de la terrasse en contrebas qui parvenaient à Camille depuis la fenêtre ouverte. La Matriarche et ses exécuteurs faisaient le point de la situation. Ils tentaient de comprendre.

Allongée sur un lit queen size, entre Alya, Lucie et Lanh, Camille aussi, tentait de comprendre pourquoi Indra avait trahi les siens. Et pourquoi s'en prendre à elle alors qu'elle cherchait à fuir justement ? Parce qu'elle était dotée d'un don lié à la terre ? Ou parce qu'elle allait échapper aux Dévoreurs ? Est-ce que sa capture aurait été un cadeau pour eux ? Un cadeau qui aurait permis de sceller le pacte entre deux ennemis pour le meilleur, et surtout pour le pire ? C'est vrai qu'en l'attrapant, ils faisaient une pierre deux coups. Ils se vengeaient de la mort de Lara et ils obtenaient un cœur pour créer un nouvel oracle. Une aubaine.

Camille serra les poings. Elle était énervée à l'idée de ce qui aurait pu arriver si on ne l'avait pas aidée à échapper à Indra. Elle n'arriverait pas à s'endormir dans cet état. Elle avait besoin de s'aérer, et la plage n'était qu'à un saut ridicule de cette fenêtre... ou presque. Elle s'extirpa du lit sans bruit et évita les corps de Sola, Tao et Utari qui dormaient sur des cousins par terre. Wira avait préféré dormir dehors. Dejen dormait toujours seul, du fait de l'obscurité qui l'enveloppait systématiquement quand il plongeait dans le sommeil. Obscurité qui oppressait ses voisins quand il en avait.

Camille sourit en voyant que Sola avait choisi de se mettre contre la porte. Comme d'habitude, elle faisait une excellente geôlière. Mais pas suffisant pour retenir quelqu'un d'aussi déterminé à sortir, qu'elle. Camille voulait bien admettre qu'elle était têtue. Un poil trop peut-être. Elle aimait surtout se sentir libre, de ses mouvements et de sa vie.

***

Camille avait marché sur la plage déserte accompagnée du murmure du ressac. Elle qui n'avait connu que les trépignements des villes bruyantes, elle devait reconnaître que se retrouver là après avoir subi autant de pression, était plutôt agréable. Son séjour sur la première île en compagnie de Dresden avait été bien différent. Sous le signe de la colère et de la frustration, elle n'avait été qu'opposition et déni. Ici, elle arrivait à réfléchir de manière cohérente, sans se demander en permanence comment elle allait s'en sortir.

Depuis que la Matriarche lui avait affirmé que la prophétie était un ramassis d'idioties, quelque chose en elle, s'était libéré. Pourtant, elle savait que Mathilde de Saint Roc mentait. Camille venait bien du « soleil brûlant ». Elle avait été « convoitée ». Antoine était mort en voulant se servir d'elle. Par son obstination, elle avait bien « froissé les destinées initiales ». Celle de Lara, celle de Jeanne et celle de Louis, notamment. Le reste de la prophétie demeurait obscur, mais pouvait peut-être s'expliquer en cherchant du côté de sa tante ? Peut-être que ses parents n'étaient pas si nets que ça ? Cela expliquerait le « sang sombre et malfaisant », et comme elle n'avait jamais rien su, le fait de marcher « à la frontière des deux mondes ».

Camille secoua la tête. Elle avait besoin de parler à sa tante. Il fallait qu'elle retourne en France. Mais elle n'y retournerait pas seule. Elle ne voulait pas fuir cette fois. Elle avait compris son erreur. Désormais, elle ne menaçait pas les Znūntāks, n'était pas une menace pour Dresden. Sa seule existence n'était pas la cause du chaos ambiant. Elle n'était qu'un rouage, un grain de sable qui avait grippé un plan obscur mis en place par Indra pour s'emparer du pouvoir. Ça, elle l'avait bien compris. Son alliance contre nature avec les Dévoreurs était opportuniste, mais n'avait qu'un seul but : détrôner Mathilde de Saint Roc.

Camille s'arrêta quand la maison fut de nouveau visible. Elle était sortie simplement habillée d'un short en jean et d'un tee-shirt. Ses pieds nus pétrissaient le sable avec plaisir. La terre lui envoyait une onde de chaleur agréable. Elle était comme le ronronnement d'un chat à ses pieds. La jeune femme sourit. Il fallait qu'elle rentre avant que quelqu'un ne s'aperçoive de sa disparition. Sinon, ils croiraient encore qu'elle s'était enfuie. Dresden serait aux 400 coups. Camille caressa son collier. Le médaillon irradiait d'une lumière à peine perceptible.

De notre sangOù les histoires vivent. Découvrez maintenant