Une Cuillère De Caviar Et De Sang (Alastor X Oc)

XVI

Lénore pensait un peu trop à Agathe. Cela ne la dérangeait pas auparavant. Elle aimait Agathe plus que les corbeaux aime la chair, plus que le mistral aime la mer, plus que les marécages aiment la Nouvelle-Orléans. Mais aujourd'hui il n'y avait plus rien à aimer, ni peau ni chaleur ni étreinte. Il ne restait que l'amertume des mauvais souvenirs qui effaçaient la joie des autres. La vie basculait toujours vers le noir. Agathe était méchante, ironique, vicieuse, elle ressemblait en fait beaucoup à monsieur Beleau. C'est certainement pour cela qu'elle le trouvait si magnétique. Là où Judy fut l'opposé drastique de son amie d'enfance, Alastor s'en rapprochait étrangement. Léo voulait fracasser son crâne contre un mur, car jamais, au grand jamais, elle ne devrait encore se languir de ce genre d'être empoisonné.

Comme convenu elle ne passait pas les portes de la radio avant onze heure. Si Alastor eut décrété qu'elle savourerait son lit jusqu'à ce que le soleil soit déjà bien haut, qui serrait-elle pour oser le contrarier? Elle était en fait heureuse d'être ici, même si elle goûterait bientôt aux conséquences de ses enfantillages de la veille. Elle se hâtait de voir les réactions de son rival et encore plus de montrer à Everett les avancées qu'elle eut rédigé pour son feuilleton.

-Laure viens ici que je te présente quelqu'un!

Elle faillit ne pas se retourner à l'entente de son pseudonyme, elle se sentie idiote l'espace d'une seconde. Léo qui eut fini par se reconnaître, se rapprocha de Jhon et d'une femme inconnue.

—Bonjour à vous deux! S'exclamait Lénore en espérant que son malaise ne soit pas perceptible.

—Cette merveilleuse dame est June! Jhon était très enthousiaste, ne prenant pas la peine de répondre à ses salutations. Je suis certain que vous vous entendrez à merveille!

—Enchanté Laure, j'espère que tu te sentiras bien parmis nous.

—Pour le moment tout est parfait June! Qu'est-ce que vous faites comme travail ici?

—Je suis la secrétaire de Ronald! Dit-elle toute fière.

—Est-ce un autre animateur? Demandait-elle innocemment.

La mine de la brune se decomposait ride par ride. C'est ainsi que Léo comprit que le monde lui échappait beaucoup, elle ne savait rien de la fierté qu'on ressent lorsqu'on gravit un échelons

—Non, bien sûr que non, baragouinait-elle, c'est notre patron, celui de la station!

—Excusez moi, je suis mauvaise avec les prénoms!

De la sueur perlait le long de ses tempes. Ses interactions habituelles se résumaient à saluer ses parents, discuter plus en profondeur avec sa mère, rire avec Ray, parfois se disputer avec Arthur lorsqu'il est présent, admirer Judy avec plus de d'envie que ne le devrait une belle-sœur. Tout ici fut nouveau et effrayant, elle pataugeait, testait la température d'une mer inconnue.

—Laure, viens par là!

La voix d'Everett retentissait dans le couloir, et d'un salut expéditif, elle rejoint le roux qui l'attendait patiemment. Il avait l'air bien désinvolte appuyé de toute sa hauteur contre le mur, son grand corps fut habillé d'un bleu roi frappant. Il se distinguerait de loin si il ne longeait pas aussi assidûment les ombres.

—Tu as besoin de moi?

—Non mais toi tu avais l'air d'avoir besoin d'une échappatoire!

Léo emit un rire sincère, et même si ce sentiment fut infime, elle se sentit un peu moins seule. Elle ne saurait dire pourquoi, mais Daniel Everett paraissait être un marginal sur son propre lieu de travail. Il se cachait comme un rat alors qu'il fut celui qui gênerait le plus d'audience. Comment pouvait-on être si talentueux et autant mis à l'écart? Cela importait peu, ça lui convenait à merveille. Elle aussi aurait pu être décrite comme inadaptée ou antisocial, surtout dans cette caste sociale populaire, Lénore n'eut pas appris ces codes-ci. Les païens qui se reconnaissent entre eux doivent se serrer les coudes, c'était une règle indéfectible.
Ils se déplaçaient vers le même bureau minable de la veille, les longues jambes d'Everett la forçant presque à courir. Ses poumons essoufflés reprenaient doucement leur rythme habituel une fois arrivé devant la porte.