Moi, fou ? Non, je ne crois pas et je vous défends de dire cela. Je dirais plutôt que je suis malin et intelligent – très intelligent. Ce n'est pas parce que j'ai tué, assassiné, exécuté huit personnes dont ma femme –bien malgré moi, mais il le fallait ! – qu'on doit me traiter d'aliéné. Au contraire ! J'ai réussi à faire tout cela au nez et à la barbe de tout le monde. J'ai maquillé les preuves, menti aux policiers, je me suis fait passer pour une victime – alors, qu'en réalité je suis le meurtrier - je suis un génie, je vous dis !
Vous allez sûrement me demander pourquoi j'ai achevé tous ces gens. Eh bien pour obtenir un héritage de trois cent quarante-quatre milliards d'euros. J'ai abattu tous ceux qui étaient sur la liste avant moi – enfin presque. Ce soir, je passe au dernier assassinat, celui de mon grand-oncle – et demain, j'accéderai à l'immense fortune –enfin !
Je descends les marches de pierre pour arriver dans ma cave éclairée par une lumière sombre. Dehors, le vent hurle et la lune projette des ombres inquiétantes d'arbres voisins, à travers la petite fenêtre. Plusieurs paires de gants en latex sont posées sur une commode, à coté de neuf armes, toutes plus différentes les unes que les autres– un couteau, une corde, un revolver ... Huit m'ont déjà servi, et j'utiliserai la neuvième ce soir
Ma femme m'a dit un jour que j'étais un « fou furieux complètement détraqué et obsédé par l'argent qui a sa place dans un asile ». C'était le soir, où elle avait découvert tous les meurtres que j'avais commis. J'ai été obligé de la tuer. Sinon, elle aurait tout révélé et mes plans seraient tombés à l'eau – ah ! ma pauvre femme ! si seulement tu n'avais pas eu l'idée d'aller à la cave ! Mais ne vous inquiétez pas, je l'ai enterrée dans une forêt en dehors de mon village. J'ai pris bien soin de découper les bouts de ses dix doigts parfaitement vernis – je les ai enterrés dans un pot de fleur –puis j'ai dit à tout le monde – en pleurant à chaudes larmes –que nous nous étions disputés et que ma femme était partie avec sa valise. Voilà la preuve que je ne suis pas fou – tout le monde aurait fait la même chose à ma place, non ?
Je m'apprête à mettre un couteau de boucher bien aiguisé dans mon sac avec une paire de gants en latex et du désinfectant – pour tout nettoyer une fois que je passerai à l'acte - quand soudain, j'ai l'impression que quelqu'un me tire les cheveux. Je me retourne en sursaut, il n'y arien. C'est sûrement le fruit de mon imagination – je suis tellement excité à l'idée de recevoir, demain, la gigantesque somme d'argent. Pas de quoi m'inquiéter. Rien ne pourra gâcher ma soirée de triomphe !
Je me remets à préparer mes affaires, mais je sens comme une sorte de présence derrière moi. Qui ou quoi est là ? Je regarde derrière mon épaule. Toujours rien. Ce qui attire mon attention, c'est que les rideaux se soulèvent, comme portés par un courant d'air. Pourtant, je n'ai pas ouvert la fenêtre. Je commence à penser que quelque chose n'est pas normal. Quelqu'un qui me tire les cheveux, les rideaux qui s'agitent... Ce ne peut pas être le hasard ... Si ?
De plus en plus mal à l'aise à cause de ces événements étranges, je mets mon sac sur mon épaule, et commence à monter au rez-de-chaussée, j'ai très chaud – c'est sûrement mon anxiété qui se manifeste – et l'escalier se balance de gauche à droite et de haut en bas – j'ai beaucoup de mal à mettre un pied devant l'autre. Arrivé à la dernière marche, je crois rêver. Un fantôme se tient devant moi. Je ferme les yeux et les rouvre. Mais il est toujours là ! Devant moi se tient ... mon père ! Mon pauvre père que j'ai assassiné un mois auparavant. Il est gris perle, tout entier devant moi, et il paraît mécontent. En y regardant de plus près, je vois sur son coudes marques de strangulation – c'est moi qui l'ai étranglé. Je n'éprouve aucun remords, à le voir, là, devant moi. Je me demande seulement si je ne suis pas en train de devenir fou – je ne connais personne qui voit des fantômes.
Et soudain, mon père ouvre la bouche et me hurle des insultes terribles - trop grossières pour être répétées. Je suis stupéfait – jamais il ne m'a dit des choses pareilles et je ne comprends pas pourquoi il est tant encolère contre moi, je l'ai tué, certes, mais c'était pour mon bien- il devrait être heureux pour moi.
Mon père me dit de reculer de cette voix dure que je ne lui connaissais pas. Je me retourne en avalant difficilement ma salive. Et encore une fois, je pense être victime d'une hallucination : à présent, sept autres fantômes me regardent, sept personnes que j'ai assassinées durant les derniers mois écoulés, sept visages furieux qui me regardent avec dégoût. Ils se dressent autour de moi – en formant une sorte de ronde – et ils tournent, tournent, tournent, très lentement, en parlant tous en même temps. Je ne comprends rien, si ce n'est quand la voix de mon père plus puissante que les autres m'ordonne de descendre sur le sol de la cave.
Une fois en bas, j'ai l'impression que mes jambes se sont transformées en plomb. Les fantômes m'ont suivi, ne rompant pas leur cercle. Leurs paroles me donnent mal à la tête, et soudain je n'ai plus qu'une envie : que tous s'arrêtent ! Retrouvant l'usage de mes deux membres, je prends une des armes et me tue. La dernière fois que mes paupières se soulèvent, je regarde autour de moi et tends l'oreille. Il n'y a rien : ni fantômes, ni voix .