Chapitre 36 - Un professeur à convaincre

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Face aux doubles portes du château, Hermione martyrisait la poignée de sa valise. Sous ses semelles, le chemin menait aux marches qu'elle pensait avoir quitté pour l'été. La brise chaude faisait danser l'herbe du parc. Elle releva la tête vers le ciel bleu, vers le soleil. La paisible balade des nuages cotonneux ne l'apaisait pas du tout et son stress redoubla au bruit d'une valise qui remontait dans sa direction.

— Allons-y.

L'ombre de Draco venait de s'arrêter près d'elle. Leurs pas résonnèrent dans le hall et les cachots où il la guida jusqu'aux appartements du professeur Rogue. Hermione déglutit lorsqu'il leva le poing pour toquer.

« Est-ce qu'on est vraiment sur le point de faire ça ? »

Draco donna trois coups sur la porte en ébène. La courte attente entama ses nerfs et lorsque la poignée s'abaissa, son cœur rata un battement. Le professeur Rogue étudia un instant l'étrange duo qu'ils formaient. Ses yeux se plissèrent.

— J'ignore ce qui vous occupait pour que vous ratiez le Poudlard Express, mais je ne...

— Une potion échouée, le coupa Draco en vérifiant le couloir des cachots.

Le crépitement des torches et le froid des sous-sols s'intensifièrent avant que le professeur Rogue ne s'écarte pour les laisser entrer. En passant devant lui, Hermione sentit toute la pression qu'il installait habituellement dans ses cours de potions.

« Quelle pression ? »

« Bien sûr, tu ne la ressens pas. » répliqua-t-elle avec agacement.

« Je suis irréprochable. »

— Puis-je savoir ce qui se trame ? fit le professeur Rogue d'un ton doucereux.

— Votre élève irréprochable ici présent a fait une potion qui nous a explosée à la figure...

— Avec son aide, précisa Draco.

— Certainement pas.

— Tu en as écrit la recette.

Hermione le fusilla du regard.

— Pour ce que je croyais être un devoir. Depuis je dois supporter ses pensées et lui entend les miennes. La potion contenait une plume de Vivet, ajouta-t-elle en soulevant le foulard qui enveloppait la cage dorée. Ce Vivet pour être exacte.

Le professeur Rogue prit la cage et inspecta l'oiseau, comme s'il doutait de l'espèce qu'elle lui attribuait.

— Et c'est arrivé il y a combien de jours ?

Hermione croisa les bras et se tourna vers Draco qui perdit sa belle assurance.

— C'est à dire que notre premier réflexe a été de tenter de régler le problème nous même...

— Ton premier réflexe, corrigea Hermione.

— Le temps de tenter de confectionner un antidote.

Le professeur Rogue se tourna vers lui.

— De toutes les décisions irresponsables que vous auriez pu prendre, vous avez choisi d'interférer avec les effets déjà inconnus d'une potion non répertoriée ?

— Présenté comme ça tout peut avoir l'air stupide, répondit Draco, l'air soudain un peu pâle.

Le professeur Rogue se tourna vers les murs où les bocaux obscurs s'alignaient.

— Vous allez me donner la recette de la potion qui a causé le problème et celle de l'antidote que vous avez tenté, dit-il en descendant plusieurs bocaux sur le plan de travail d'un coup de baguette. J'ai aussi besoin de savoir depuis combien de jours la potion est dans votre système.

Une sueur froide roula dans son dos et Hermione était à peu près sûre que Draco partageait ses préoccupations.

— À ce sujet... compter en jours risque d'être compliqué.

Le professeur Rogue fit volte-face, sa cape le faisant ressembler à une immense chauve-souris prête à fondre sur sa proie.

— Êtes-vous en train de me dire que cela fait plusieurs semaines que vous vivez avec les effets d'une potion inconnue ?

Draco eut la décence de paraître mal à l'aise.

— Combien de temps ? répéta le professeur Rogue en appuyant chaque mot.

Très lentement, comme s'il redoutait chaque mot, Draco articula :

— C'était plutôt vers le début d'année.

Hermione s'attendait à ce que le ton monte, à ce qu'il frappe la table. Son silence fut bien pire. Et quand il se tourna vers elle, elle lutta pour ne pas se ratatiner plus.

— Que monsieur Malfoy ne veuille pas ébruiter la situation, ça ne me surprend pas, mais vous, Miss Granger, comment avez-vous pu être aussi inconsciente ?

Hermione ouvrit la bouche, douchée par sa froideur. Il avait raison. Peu importe ses raisons, elle savait depuis le début quel était le seul choix raisonnable et elle avait tout fait sauf ça.

— Elle avait peur de l'influence de mon père évidemment, répondit Draco. S'il l'avait appris...

— Non, mais certainement pas !

« J'essaye de t'aider, Granger. »

« Tu appelles ça de l'aide ? C'est de la diffamation. »

« Dans ce cas, débrouille-toi toute... »

— Allez vous cesser !

Tous deux se tournèrent vers le professeur Rogue qui n'entendait peut-être pas leurs pensées, mais était encore capable de déduire ce qui se passait quand ils cessaient tout à coup de parler.

— Vous allez rester au château pendant que je cherche une solution. Je ne veux pas entendre parler de vous. Sortez.

Il les mit dehors sans autre forme de procès et la porte claqua dans leur dos.

— Bon, dit Draco en haussant les épaules. Ça ne s'est pas si mal passé. Maintenant, on a juste à faire profil bas.

Comme le seul endroit où ils ne seraient jamais surpris était la Salle sur Demande, ils remontèrent au septième étage en prenant garde à ne pas se faire voir par les professeurs et les fantômes.

— Je me suis toujours demandé ce que les professeurs faisaient pendant les vacances d'été, dit Hermione en poussant sa valise dans la chambre qu'elle s'était créée dans la Salle sur Demande.

— Se détendre, en profiter pour se former, rentrer chez eux pour ceux qui ne vivent pas ici... je suis sûr qu'ils ont l'embarras du choix, répondit Draco en libérant le Vivet de sa cage. Je vais prévenir le professeur Rogue d'où nous sommes au cas où il ait besoin de nous ou d'Orron.

Seule dans la Salle sur Demande, Hermione étala ses manuels de l'année pour les relire une dernière fois, un poids sur le cœur comme du soulagement. Elle ouvrit celui de botanique. Bientôt, elle serait libérée du lien. Le professeur Rogue en avait repris la responsabilité, tout ne dépendait plus d'elle.

Le poids dans sa poitrine doubla.

Du soulagement, c'était ce qu'elle aurait dû ressentir. Mais rien ne s'était passé comme prévu cette année. Elle se plongea dans le chapitre des Bubobulbs jusqu'au retour de Draco et ne releva pas les yeux du manuel lorsqu'il passa devant la table en direction de sa valise.

— Réjouis-toi, Granger, il pense achever l'antidote en deux semaines. Il nous retiendra une semaine encore après ça pour s'assurer qu'il n'y a aucun effet secondaire imprévu et tu seras libre de rentrer chez toi.

— Bien, répondit-elle d'un ton indifférent sans cesser de lire.

Une fois libérés l'un de l'autre, auraient-ils encore une raison de s'adresser la parole ?

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Partie 2 !  Il y en aura trois en tout alors j'ai rajouté des pages de séparation pour que ce soit plus clair. Pour l'instant je vais garder le rythme de deux chapitres par semaine.

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