Etreinte enflammée (romance militaire)

11 - Adrien

Je sais que je joue gros.

Pour autant, je ne veux pas passer pour un mouton ou une mauviette.

Bien sûr que je suis un bon soldat !

Mon chef pourrait en attester, mais sa lettre de recommandation serait mal venue.

Alors, pour être un mercenaire, je dois montrer que j'en ai dans le ventre.

Pour m'emmener dans leurs missions périlleuses autour de Paris, ils doivent croire que je suis plein de ressources.

Lazar me jauge.

Dans un lieu clos, j'aurai à nouveau un canon sur la tempe et il exigerait des explications à ma réaction.

Question de politesse dans leur façon de procéder.

— Que crains-tu ?

Son rictus sournois est à prendre au sérieux.

— J'ai quelques adresses auxquelles... je tiens..., dis-je en faisant la moue.

Lazar navigue sur mon téléphone. Probablement mon carnet d'adresses où j'ai mis des photos saisissantes de belles plantes sur certains de mes contacts.

— Tu t'emmerdes pas, dis donc !

J'en conclus que les portraits sont à son goût au vu de son sourire goguenard.

— Regarde-moi ça, Dragomir !

Naëlle ne peut pas rater la pose osée en petite tenue. D'ailleurs, quand elle détourne les yeux, je me sens mal. Loin de moi l'idée de la blesser.

— C'est toi la plus belle, Natacha !

Je déteste observer Dragomir la plaquer contre lui et l'embrasser sur la joue alors qu'elle est à peine consentante. Elle s'humecte les lèvres comme si elle vérifiait que son rouge vermeil était toujours bien en place.

Est-ce un tic ?

Dragomir grogne et se concentre sur ma personne.

Et moi ?

Je me retiens de lui mettre mon poing dans la gueule à ce type !

Je ne désirerai qu'une chose en cet instant : avoir un entretien privé avec sa "Natacha" pour savoir si elle se souvient qu'à un moment, elle a été Naëlle.

Plus les jours passent et plus je suis convaincu que cette mission est pourrie. J'évite de penser que ça va mal finir pour elle ou pour moi. J'ai un mauvais pressentiment et ça fait vraiment chier, car les intuitions et toutes ces conneries, ce n'est pas pour moi. Je suis un mec cartésien, pragmatique. Je prends en compte tous les facteurs, j'évalue les risques, j'élabore une stratégie et j'agis. C'est très simple.

Mais là, je n'aime absolument pas ma poitrine qui se contracte et mon palpitant qui dérape.

Cette mission Krustyrance va nous couler sous une vodka avariée.

Je reviens à Lazar, extérieurement impassible, et j'attends son verdict. Je ne rate pas les brèves communications muettes entre les deux mafieux.

— Alors, allons-y ! Ordonne Dragomir.

Et me voilà embarqué avec eux.

Mais faut-il le préciser ? Rien n'est gagné !

Au moindre faux pas, ils feront disparaître mon corps et même le BOC ne me retrouvera pas. Ce gang est un spécialiste de la dissolution !

— Tu es sous ma responsabilité, Rémy, annonce Lazar.

J'en suis ravi. Me laisser avec les Mutri en bas de l'échelle m'aurait éloigné de Naëlle. Là, je serai toujours dans les parages de leur reine.

J'acquiesce simplement pour signifier que j'ai compris. À vrai dire, ils ne veulent pas entendre mon avis.

Nous nous répartissons dans des SUV énormes. La maire de Paris serait scandalisée à observer ces véhicules dans les beaux quartiers. Les vitres sont tellement fumées qu'il est impossible de voir à l'intérieur. Je taperais bien sur la carrosserie pour vérifier, mais je suis certain qu'elle est blindée. Les règlements de compte se font régulièrement avec des fusils d'assaut.

Ils m'ont collé à l'avant. C'est le meilleur moyen de me tirer une balle au moindre doute. Quand nous prenons vers l'est et que je lis les noms des communes sur les panneaux, je sais déjà que nous allons rencontrer le gang des bagnoles volées.

Tout de même, c'est couillu !

Deux Bulgares et trois Français sont morts à jouer à celui qui pisse le plus loin et je devine qu'ils vont se retrouver pour faire des affaires.

J'observe les ruelles qui défilent. Nous pénétrons une zone d'entrepôts.

Quatre gros 4*4 se suivent. Des mecs armés jusqu'aux dents. Nous sommes une vingtaine de truands prêts à en découdre et une reine.

Je comprends qu'ils n'aient pas voulu laisser Naëlle à l'hôtel. Il aurait fallu qu'ils se scindent en deux.

Mais pourquoi ne l'ont-ils pas laissée en sécurité en Bulgarie ?

Ça me laisse perplexe.

Pourtant, Dragomir a l'air de réellement tenir à elle.

Pourquoi ne pas la renfermer dans sa cage dorée ?

C'est une question que je vais poser au BOC à la première occasion. J'ai l'impression qu'il nous manque une information.

Nous pénétrons dans un hangar énorme. Les véhicules s'installent face à ceux de notre rencard. Clairement, les gus que nous venons rencontrer ne sont pas à la hauteur. Ils sont plutôt dans le tunning vu leurs caisses. Ils ont beau avoir des ailerons et des formes aérodynamiques, si nous devions les prendre en chasse, ces zigotos ne feraient pas le poids.

Cependant, il ne faut pas les sous-estimer, car ils ont réussi à pénétrer la suite du Régent, ce qui signifie qu'ils ont de nombreuses ressources et eux aussi un carnet d'adresses intéressant.

Je demeure assis à l'avant et j'attends que l'on me donne un ordre.

Je cille pour évaluer le danger face à nous.

— Tu descends ! Exige Lazar en posant sa main fermement sur son épaule.

C'est déjà un moyen de dire que je lui appartiens.

J'opine du chef et m'exécute.

Nous fermons les portières. Seuls notre chauffeur et Naëlle sont restés à l'intérieur.

— Tu sors ton flingue et tu restes ici, contre la bagnole. Comme hier tu la sauves en cas de danger. Tu te prends toutes les balles à sa place !

Nous nous fixons droit dans les yeux et je ne baisse pas le regard.

Je suis un putain de mercenaire, un voyou !

C'est lui qui acquiesce et le « gang des clous » avance pour se poster face aux mecs.

Autour de nous, tout est sombre. Les protagonistes approchent et sont maintenant tous au milieu des phares allumés. Ils ont un pistolet enfoncé bien visiblement dans la taille de leur pantalon. Mes mafieux ne montrent pas d'armes, mais nous savons tous qu'ils en portent plusieurs. On n'arrive pas à ce haut niveau de banditisme en n'ayant rien dans les poches.