16 - Adrien

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La rage au corps, j'enfourche ma moto et déboule du parking comme une bombe.

Cette impression d'avoir totalement merdé me colle à la peau.

4 heures du mat.

Paris va bientôt s'éveiller et moi, je dois me coucher. Les éclairages d'une vitrine bien particulière m'interpellent. Je tique. Je ne dois pas céder. Puis, je freine brutalement. Je m'arrête devant le distributeur automatique de tabac. J'enfonce ma carte bancaire et récupère rageusement un paquet de clopes. Tous plus hideux les uns que les autres, remplis de promesses pour vous filer une belle maladie bien ragoûtante qui vous mettra au tapis.

Mais là, j'en ai rien à foutre.

À l'intérieur, je ne suis qu'un ouragan de rancœur et de férocité. Alors, je dois bien passer mes nerfs sur quelque chose. J'enfourne le paquet dans ma poche et je repars, pressé d'être chez moi, pressé de tirer sur ces cigarettes qui transformeront ma souffrance en fumée.

Je fonce sur les artères. Pas de risque à prendre, les voies sont dégagées. Enfin, j'arrive chez moi. Je monte quatre à quatre les escaliers, mon casque à la main. Je pénètre dans mon semblant d'appartement et je pose mon barda dans l'entrée.

Je vire ma veste de costard et je n'y tiens plus, je déchire le plastique de ce putain d'emballage.

J'allume ma cigarette et j'aspire ardemment, comme si ma vie en dépendait.

Face à la fenêtre, je regarde à l'extérieur. Je n'y vois rien, bien sûr. Mes pensées noires s'agitent derrière mes paupières ouvertes. Des images de corps qui se mêlent... celui de Naëlle, mais l'homme, ce n'est pas moi. Mes mâchoires se contractent tellement que j'ai du mal à tirer sur ma clope. J'inspire plus fort, les traits crispés, les épaules si tendues.

J'allume mon enceinte et lance ma playlist pour me distraire.

Pas de bol !

"The Addict" résonne dans la pièce.

Manquait plus que ça !

Cette chanson langoureuse fait ressurgir cette étreinte enflammée que je viens de vivre passionnément. Ces baisers volés en secret qui m'ont kidnappé.

J'expire des ronds, tentant de me concentrer sur ces volutes de fumée qui s'élèvent devant moi. Néanmoins, je ne vois qu'une chevelure dorée, des prunelles d'argent, une bouche gonflée, une lame accrochée à une cuisse ouverte, une dentelle si fine que j'avais l'impression de la sentir nue contre moi.

Je ferme les yeux n'en pouvant plus.

Alors je me repasse ces images toute la nuit dans ce mental malade. Celui qui me construit savamment mon enfer personnel. Celui qui m'emprisonne dans l'obscurité.

Quand le jour se lève, j'ai grillé le paquet.

Fais chier !

Heureusement que je ne vais pas au BOC. Double Zéro, mon chef, refuse les fumeurs.

***

Je me réveille enfin en début d'après-midi.

Est-ce que je suis plus calme ?

Absolument pas !

Et pour quoi faire d'ailleurs ?

Je dois traîner avec une bande de voyous alors autant parfaire mon rôle de caïd. Après tout, c'est ce qu'attend le "gang des clous" : un mercenaire sans foi ni loi.

Je commence par un café, puis j'enchaine avec des pompes et du gainage. Je regrette de ne pas avoir de barre de traction. Je me mets la dose et re-café avant de me laver. J'aurai bien grillé une cigarette, mais je me suis déjà enfilé le paquet. Je ronchonne me rassurant que je peux toujours en racheter.

Mauvaise idée !

Une bonne douche et je passe à la cuisine. Une entrecôte, des frittes au four me ragaillardissent. Je prends le temps de manger et recommence à voir le positif en me faisant ce petit plaisir.

Je jette un œil aux actualités. Aucun signe des truands français et du mort de cette nuit dans cet entrepôt lugubre.

Pas étonnant !

Une enquête doit déjà être en cours, mais la conclusion ira vite vers les règlements de compte.

Toujours est-il que je ne vais pas risquer de rendre compte à Double Zéro. J'imagine qu'il va trouver le moyen de m'approcher comme hier quand Looping est venu me rendre visite avec sa salopette de plombier.

L'a-t-il gardé la nuit dernière pour passer une excellente soirée avec sa dragonne ?

Je ricane tout seul et soudain, je suis envieux. Des mèches flamboyantes me reviennent, emmêlées sur un oreiller...

Cette nana va me rendre maboule alors que je ne la connais même pas. C'est peut-être ce qui l'excite les mauvais garçons.

Hummm... ça doit être ça. Un baiser fougueux dérobé et elle a terminé la nuit avec son truand !

Je me prépare tranquillement pour reprendre du service, j'ai hâte d'y retourner. Sur la route, je m'arrête de nouveau au distributeur automatique pour parfaire mon look de bad boy. Je suis à peine arrivé que j'ai la rage.

Putain, il ne reste que sept jours aux Régents à Paris et ils rentreront en Bulgarie. La seule approche dont j'ai été capable, c'est rouler une pelle à ma cible.

Je lève les yeux au ciel et j'avance dans les couloirs luxueux pour rejoindre la salle de repos des vigiles de l'hôtel. J'ai une heure d'avance, j'ai le temps de déguster quelques cafés.

— Salut Mike !

Mon nouveau pote est déjà là avant de prendre son service. Il sirote cet or noir qui est particulièrement délicieux ici. Je me jette sur la machine à grains pour m'en faire couler un.

— Salut Rémy ! T'as une sale gueule cet aprèm !

Je ricane, amène ma tasse et le rejoins. Je balance mon paquet de clopes sur la table basse.

— Je savais pas que tu fumais !

— Nan, j'ai repris cette nuit, mais j'arrête quand je veux.

— Ils disent tous ça, rigole-t-il. Je touche plus à cette merde. J'ai galéré pour m'en débarrasser.

Je lui raconterai bien que mon chef nous fait cracher nos poumons s'il nous prend en flagrant délit, puis il nous envoie en planque dans le trou du cul du monde. On revient, totalement libéré. Néanmoins, je ne peux pas lui donner cette technique un peu brutale, mais qui marche à tous les coups et encore je ne parle pas des sermons ! Pour autant, je ne changerai de chef pour rien au monde. Maintenant que Double Zéro a eu ce poste mythique, j'espère finir ma carrière là-bas.

— Ça a dû être chaud la nuit dernière pour que tu reprennes cette mauvaise habitude ?!

Je le fixe et souris.

— La routine pour un vigile !

Ses yeux malicieux me jaugent. Il ne me croit pas. Dans notre milieu, nous avons le réflexe de passer beaucoup de choses à la trappe ou sous silence. Faut savoir composer et oublier.

Soudain, la porte de notre salle de pause s'ouvre sur Stephan. Dans leur hiérarchie, c'est l'équivalent d'un capitaine. Il semble bien s'en sortir pour faire exécuter les ordres à ces soldats.

Je le scrute interrogateur. Je me doute qu'il me cherche, s'il est là.

— Rémy, on a besoin de toi maintenant !

J'avale mon café et je me lève pour le suivre.

Dans quoi je m'embarque encore ?!


de Bo Saris

Etreinte enflammée (romance militaire)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant