Les victimes de Cupidon

La cruauté de Cupidon

La tête plongée dans ses mains, Sydney ne cessait de pleurer. Aujourd'hui, pour la première fois dans sa vie, son cœur venait d'être brisé.

Pourtant, tout avait si bien commencé...

Les trois amis avaient prévu une sortie au cinéma, pour voir le nouveau film d'horreur qui venait de sortir. Comme d'habitude, Zack était arrivé en retard. Alors Troy et elle s'étaient déjà acheté de quoi grignoter. Elle avait pris du pop-corn salé, et Troy avait pris du pop-corn sucré. Comme d'habitude, Zack, ne voulant choisir un camp, et lancer un énième débat avec ses amis, avait acheté des bonbons. Et comme d'habitude, elle avait fait mine d'être énervée qu'il n'ait pas choisi le pop-corn salé...

Tout avait si bien commencé...

C'est ainsi qu'une fois dans la salle de cinéma, ils avaient éteint leurs téléphones. Le film allait bientôt commencer, et ils avaient parié que celui ou celle qui hurlerait en premier paierait le déjeuner au fast-food d'à côté. Zack, qui venait juste de recevoir sa paye après ses deux heures de baby-sitting hier soir, ne pouvait pas se permettre de perdre. Ça l'avait fait rire de le voir si déterminé à gagner.

Tout avait si bien commencé...

Alors les premières scènes du film furent projetées, et c'est dans le silence complet que leur pari avait débuté.

Durant le film, sans que Sydney ne le remarque, Zack avait senti la main de Troy se poser sur la sienne, avant de la serrer. Ils s'étaient lancé un regard complice, si rapidement qu'elle avait été la seule à ne pas le voir.

Elle, elle n'avait cessé de fixer Zack. Ses yeux, ses joues, sa peau, son cou,... ses lèvres. Tout son corps lui donnait envie de l'embrasser, de l'envahir de baisers. Elle n'avait plus fait attention au film, tant elle était captivée par ce garçon. « Qu'est-ce qu'il est beau ! », avait-elle répété des dizaines de fois. Elle n'en pouvait plus. La tentation était trop forte. Il fallait qu'elle sente son odeur. « Au moins ça ! » Alors elle avait piégé le bras droit de Zack avec les siens, avant de laisser sa tête se poser délicatement sur l'épaule du garçon. Celui-ci avait légèrement sursauté, et avait prévenu Troy. « Laisse-la, elle doit sûrement être fatiguée », avait-il dit. Alors les deux adolescents avaient continué à se dévorer des yeux pendant que Sydney, n'ayant jamais été aussi proche de Zack, savourait chaque seconde passée en contact avec sa peau, douce, à l'odeur enivrante, envoûtante.

Alors que Troy et lui se caressaient la main avec tendresse, Zack avait senti quelque chose sur son cou. Quelque chose de rapide, de suave, comme si on venait d'y déposer un baiser. Il en était resté troublé. Sydney l'avait-elle embrassé ?

C'est ainsi que les trois amis avaient passé le reste de la séance. Aucun d'eux ne regardait plus le film, ils étaient tous en train de profiter d'un plaisir éphémère, provoqué par ce contact magique avec l'être cher.

Le mirage amoureux...

En sortant de la salle, Sydney avait remarqué que Zack et Troy se tenaient la main, et se regardaient avec insistance. Elle avait senti quelque chose à travers sa cage thoracique. Quelque chose qui... la grattait ? la chatouillait ? Non. Quelque chose... qui la pinçait.

C'est alors que les deux garçons avaient tourné le regard dans sa direction, le sourire aux lèvres.

« Sydney, on a quelque chose à te dire, avait annoncé Zack. En fait, Troy et moi, on est en couple. Ça fait deux jours, et on attendait cette sortie pour te le dire.

C'est ainsi, pour la première fois dans sa vie, que son cœur, qui avait tant de mal à aimer, venait d'être brisé.

En entendant ces mots, si clairs et si douloureux, elle n'avait pas pu s'empêcher de courir vers les toilettes du cinéma.

Et c'est pourquoi elle était là, la tête plongée dans ses mains, ne cessant de pleurer.

Et c'est à cet instant que la jeune adolescente sentit quelqu'un entrer dans la pièce.

- Sydney, pourquoi t'es partie ?

C'était Troy.

... Il y a quelque chose qui n'va pas ? Tu peux tout m'dire, t'inquiète pas.

C'est alors qu'elle se retourna, et qu'il put apercevoir son visage, couvert de larmes malgré son regard noir.

- Ça t'suffisais pas d'faire craquer toutes les filles du lycée, pas vrai ? dit-elle en tentant de retenir sa colère. Il fallait en plus que tu sois attiré par les garçons. Aucun problème, j'veux juste que tu sois heureux. T'aurais pu tombé amoureux de Tyler, de Cole, et j'en passe, y a tellement d'garçons mignons au lycée. Mais non. Toi, t'as craqué pour Zack, le premier garçon qui m'a vraiment trouvée jolie, le premier garçon qui m'a aidée à m'accepter comme je suis,... le premier garçon pour qui j'ai ressenti d'l'amour. Il a fallu qu'ce soit lui qu'tu aimes !

N'arrivant pas à croire les paroles de sa sœur, Troy baissa la tête.

- Je suis désolé.

- Ta gueule ! lâcha Sydney. T'es pas désolé ! Parce que t'as eu c'que tu voulais, hein ! T'es en couple avec lui, et moi j'ai plus qu'à vous regarder vous rouler des pelles, c'est ça ?!

Les dents serrés, elle se mit à donner des coups de poing sur son torse en hurlant, la voix gorgée de rage.

... J'te déteste ! J'te déteste ! J'TE DÉTESTE !

Troy, lui, ne se défendait pas. Il ne disait plus rien, et ne réagissait pas. Il comprenait parfaitement sa colère. C'est pourquoi, ne sachant quoi faire, il se laissa submerger par les émotions, et se mit à pleurer. Sydney, cessant de le frapper, fondit en larme dans les bras de son frère.

- Moi je t'aime, murmura-t-il en sanglot.

- Sydney ? Troy ? Qu'est-ce qui s'passe ?

Zack venait d'entrer, et demeurait immobile en voyant ses deux amis pleurer.

- S'il te plaît, va-t'en, lui demanda Troy.

- Quoi ?

- J't'en prie, Zack, va-t'en. »

Comprenant qu'il fallait les laisser seuls, ce dernier s'en alla.

Et c'est ainsi qu'une romance fut née, manquant de mettre fin à une belle amitié.