Localisation inconnue
J'ai encore rêvé de Haroun. Il était dans son laboratoire, en train d'administrer une solution d'hémoglobine à une drôle de créature ailée directement dans la bouche, avec une pipette.
— Ce vampire a besoin de sang pour survivre. Le sang est la vie, Faël.
Ce n'est pas Haroun, ses cheveux délicatement bouclés et sa barbe rassurante. C'est le visage glabre et blanc, en lame de couteau, d'un Prince d'Ombre, aux cheveux noirs qui coulent comme de l'encre liquide, au regard d'abime et de charbon, pailleté d'or.
— J'ai besoin de ton sang, Faël. Tu le sais. Et je viendrais bientôt te le prendre. Tu le sais aussi. Donne-moi ta vie.
Il s'est fondu avec la chauve-souris, dont les ailes ont poussé derrière lui. Elles sont ouvertes, immenses. Si noires... Le long des plumes lisses, je vois tournoyer des planètes mortes, des astres consumant leurs derniers feux. Des tours foudroyées qui s'effondrent.
— Vois comme je m'étiole. J'ai besoin de ta vie.
Je hurle, tandis qu'il s'approche, ailes recourbées, griffes immenses. Ses yeux rouges braqués sur moi, le sourire mortel d'un crâne aux dents acérées.
— Non... non !
Je me redresse en sursaut. Je suis dans mon lit, dans le noir, trempée de sueur.
Le vaisseau est silencieux.
*
Tamyan ne vient pas me regarder travailler aujourd'hui. Son absence me rend nerveuse : je lui ai délivré ce qu'il appelle la « potion » ce matin, et j'ai soigné toutes ses concubines avec. Il a aussitôt emmené Dasma dans ses appartements, sûrement pour tester l'efficacité de mon remède. Et, je le devine, le prélever directement à sa gorge. Dasma l'a suivi en gloussant. Je n'ai rien pu faire pour l'arrêter, et Tamyan ne m'a même pas jeté un seul regard.
Il faudra sans doute que je le laisse boire le mien, moi aussi. Pour sauver Mila.
Et c'est ce que j'attends, malgré moi. Terrifiée, mais aussi bizarrement excitée. J'ai hâte qu'on en finisse. J'ai hâte de quitter ce palais décrépit qui lui sert de vaisseau, sa compagnie vénéneuse. J'ai hâte de retrouver ma sœur.
J'entends encore la voix de Mila, chantant la terrifiante comptine d'une fille imprudente qui, n'ayant pas de prétendant pour le bal, a invité le diable à danser. Il est venu en personne, et, à minuit, l'a emporté pour la faire tournoyer toute la nuit, jusqu'à ce qu'elle tombe d'exhaustion. Au matin, ils ont retrouvé sa peau sur la colline, chantonne Mila. Morte, mais surtout damnée, avec sur le visage le sourire dément d'une pècheresse.
Je sais ce que veut Tamyan. Ce de quoi je me suis rendue complice. Je lui ai donné la solution, j'ai troqué une vie contre celle de ma sœur. C'était ce qu'il voulait, les termes du contrat. Comment ai-je pu faire ça, oh Dieu miséricordieux ?
Je me précipite dans ses appartements par le petit couloir secret. C'est la première fois que j'y vais sans me faire annoncer, en sachant pertinemment qu'il est là, au lit avec une de ses concubines. Mais je peux encore sauver la vie de Dasma.
Ce petit couloir noir, mystérieux, qui, au début, me faisait si peur avec ses inscriptions bizarres au mur et ses peintures sinistres à moitié effacées. Cependant, je me sens galvanisée. J'ai déjà vu trop de gens mourir. Si on meurt par ma faute, je ne me le pardonnerai pas.
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LA CHAIR ET LE MÉTAL (Ne me mords pas)
Ciencia FicciónLa proie : "On l'appelle Obscur, incarnation vivante des ténèbres. Un cœur plus noir que la nuit elle-même. Cœur ? Ce monstre n'en a pas." Le chasseur : "Je l'appelle Faël, celle à la blanche chevelure. La proie la plus appétissante que je n'ai eu s...