Chapitre 4 « Maudit pirate ! »

237 43 70
                                    

Léonore

Mes jambes peinent à porter mon corps, mes pieds, nus, sont douloureux, mes bras s'engourdissent. Le bandeau que j'ai sur les yeux me serre tellement le crâne que j'ai mal. La douleur est telle qu'elle m'empêche de penser.

Le froid s'engouffre sous mes vêtements, me glace le corps. Et aussi, il y a cette faim qui tenaille mon estomac, la soif qui assèche ma bouche.

Sois courageuse.

Je sens une présence. Le pirate à mes côtés sifflote une chanson.

— Dommage que le capitaine nous interdise de vous toucher, princesse, murmure-t-il.

Je sens une main s'enfoncer dans mes cheveux, mes mèches voler puis j'entends un reniflement.

— Votre odeur... un véritable festin.

— Le capitaine a dit «On ne touche pas ! », rétorque une autre voix.

Des pas s'éloignent, d'autres se rapprochent. Je suis effrayée.

— Ouvrez la bouche, princesse.

Après m'avoir retiré le bâillon, un pirate tente d'insérer quelque chose entre mes lèvres que je garde scellées. L'intérieur de ma bouche est si sèche. Et malgré la disparition du tissu, je ressens encore la pression de celui-ci sur la commissure de mes lèvres. Une vive douleur persiste, résultat du frottement et de l'ouverture forcée de ma bouche pendant des heures.

— Le capitaine veut que je vous donne de l'eau ; risque de déshydratation.

Il n'a pas tort, sauf que je refuse de lui donner la satisfaction de me soumettre à ses exigences.

— C'est de l'eau douce qui n'a pas encore croupie, enchaîne-t-il.

Je ne réagis toujours pas même si je rêve d'apaiser ma soif.

Si je pleure assez, peut-être que je pourrais boire mes larmes ?

Je mordille ma langue pour la faire saliver.

— Il m'a dit que si vous refusez, la prochaine fois, ce sera à vous de réclamer.

Il ne se taira pas, tant que je ne parlerais pas.

J'ai soif.
J'ai faim.
J'ai froid.
J'ai mal...

Sois courageuse.

— Vous direz à votre capitaine que c'est de l'humiliation !

J'entends un rire parvenir à mes oreilles, puis un parfum, mélange de cèdre et de sel, s'engouffre dans mes narines. Je le reconnais : j'ai dormi contre sa peau, dans sa cabine, là où cette même fragrance embaume son espace personnel.

— C'est le but, sinon vous ne seriez pas attachée ici. Vous avez de la chance, le soleil ne vous brûle pas la peau et le vent n'est pas encore très froid à cette heure de la journée. Par contre, ce soir... Brrr.

J'entends des pas s'éloigner. Rogers prend congé, mais son rire malsain résonne encore.

Sois courageuse.

Le temps s'étire, mon corps s'engourdit, ma bouche est devenue pâteuse et le trou béant déjà formé dans mon estomac se creuse encore – comme si cela était possible. Ma volonté est mise à rude épreuve. Je comprends que je ne gagnerai pas face à lui ; il a de la ressource et sûrement plein d'autres façons de me torturer.

Serais-je faible si je réclame ne serait-ce qu'une petite goutte d'eau ?

Je me dandine puis lance un appel à peine audible.

BloodThorn : La vengeance de Rogers [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant