Oraison Funèbre (terminé)

Chapitre 20 - Liberté révolu

                            Where's my love - SYML

Rebekah, 2 ans auparavant

Il y va crescendo. Au début, ce ne sont que de petites remarques. Sur mon physique ou ma vie, je ne suis qu'une gamine encore au lycée. Je ne suis pas assez mince ou jolie. Une fille tout ce qu'il y a de plus banal. Mais il m'aime, alors pour lui je suis la plus jolie.

Qu'est-ce que ça veut dire exactement ? Sans aucun doute que je ne serai jamais assez bien pour lui et il n'hésite pas à me le faire rappeler. Il a le pouvoir de déguiser une pique, de dissimuler un couteau derrière une caresse. Il m'assène un coup et panse ensuite ma plaie.

Il est expert en l'art de la manipulation.

Peut-être devrais-je prendre exemple sur lui ?

Il s'est d'abord présenté comme l'homme le plus extraordinaire au monde, celui qui ne ferait pas de mal à une mouche. Le gentil, que la vie n'avait pas épargné. Il a grandi seul, avec une mère toxicomane. Très jeune, il a connu la galère et quand sa mère est morte d'une overdose, il a fini à la rue. Il dormait dans une voiture, se douchait dans des toilettes publiques, toutes les solutions étaient bonnes pour remédier à sa situation précaire. Un jour, il a trouvé le moyen de retourner la situation et depuis, il vit sur une montagne de billets.

Lorsque je l'ai rencontré, il sortait tout juste de cette fameuse voiture. Celle qui lui servait d'appartement. Entre nous, tout est allé tellement vite, nous sommes tombés follement amoureux. J'étais en permanence collé à lui, si bien que je passais toutes mes soirées chez lui. Alors, lorsqu'il me propose d'emménager avec lui, je suis aux anges. Nous allons nous réveiller chaque jour l'un à côté de l'autre et chaque soir, il s'endormira près de moi.

Ma mère est totalement contre. Qui emménage avec un mec que l'on connaît à peine à seulement 18 ans ? Je suis majeure depuis 5 secondes et je veux déjà quitter le nid, m'envoler.

Mes ailes, bien vite coupées.

Je l'aime et plus encore, lui aussi. Alors je n'ai besoin de rien d'autre. J'éloigne toutes les personnes qui annihilerait le semblant de bonheur que j'ai finalement construit.
Il n'y a que lui et moi, plus rien n'a d'importance. Il est le centre de mon univers, et je pourrais périr dans un million de vies pour lui.

Il a choisi de me faire traverser l'enfer. Devenu
fou de jalousie, peu à peu, je ne suis plus maître de ma vie. Il me contrôle bel et bien.
Si un garcon a le malheur de me parler, ou simplement me regarder, il se met dans une rage folle. Mais ça veut dire qu'il m'aime.
S'il se met dans cet état, c'est parce qu'il lui est insupportable de me perdre.

Il travaille énormément, et je n'ai jamais su réellement ce qu'il fabrique. Je me contente d'attendre qu'il rentre sans poser la moindre question. J'ai même obtenu mon diplôme ! Jamais je n'avais été aussi fière de moi.
Lucas m'invite au restaurant pour fêter l'événement et nous passons une soirée magique. Dans ses yeux, je vois tant d'amour, tant de fierté. Nous avons bu une coupe de champagne, mais il décide de continuer les festivités au whisky.

Il est ivre. Ça lui arrive régulièrement, pour décompresser du travail. Mais à chaque fois que c'est le cas, je ne le reconnais pas. Chacun de ses mots ont pour unique but de m'atteindre.
Il déverse toute sa haine sur moi, hurlant sa tristesse et frappant sa frustration.

Je ne suis plus qu'un vulgaire punching ball sur lequel il peut se défouler.

Il parle également seul. Au début, je ne comprenais pas à qui.

— C'est une salope. Je devrais m'en débarrasser. Vous le voyez bien ! Un boulet accroché à ma jambe c'est tout ce qu'elle est !

J'ai bien vite pris conscience de son interlocuteur. Ce sont ses voix, celles dans sa tête.
La rage émane tant de lui que j'en frissonne. Je l'entends se rapprocher de moi, ses pas sont brutaux et rapides. Il ouvre la porte de notre chambre dans un fracas, une bouteille d'alcool en main.

— Toi !

Il me pointe d'un doigt accusateur et se rapproche, bien trop dangereusement.

— C'est de ta faute si je suis comme ça ! C'est toi la salope qui a détruit ma vie !

Je suis recroquevillée sur le lit, paralysée par la peur. Il se jette sur moi et me frappe avec sa bouteille. Elle explose et le liquide se répand partout sur le lit. Les éclats de verre me déchirent les jambes et je hurle de douleur. Il continue à crier et me répète que tout est de ma faute, que je ne mérite rien de bon.

L'alcool se mélange à mon sang, me faisant atrocement souffrir. Doucement, le poison pénètre mon corps. Il est comme possédé par sa rage, comme si elle avait pris le total contrôle, effaçant son humanité. Jamais il ne m'avait fait aussi peur. Je dois à tout prix prendre la fuite. La situation échappe complètement à mon contrôle. Si je reste un instant de plus, je n'y survivrais pas.

Je me relève sans me soucier des morceaux de verre qui déchiquètent ma chair. Il me surplombe de sa taille, ses yeux sont injectés de sang. J'ai face à moi un monstre aux griffes acérées, prêt à ne faire qu'une bouchée de moi.

— Pousse toi Lucas.

Ma voix tremble, lui révélant toute la terreur qui m'habite. Il me bloque de sa main sur ma poitrine, remontant vers ma clavicule. Il peut sentir chacun des battements affolés de mon palpitant, ce cœur qui lui appartient. Suis-je devenue folle ? Comment puis-je l'aimer tout en ayant peur de lui ?

— T'es qu'une salope et tu vas me le payer !

— De quoi tu parles ? Laisse-moi passer !

Il observe ma peau meurtrie et un sourire nait sur ses lèvres. Sans que j'ai le temps de faire quoi que ce soit, il me pousse violemment sur le lit. Mon dos se tranche à des dizaines d'endroits différents. Ma tête tourne si violemment que je n'arrive plus à bouger. Je n'entends plus clairement. Seulement des murmures qui me viennent aux oreilles.

Un chant.

Est-il réellement en train de fredonner une chanson ?

Je sombre peu à peu, aspiré par les limbes.
Les oiseaux ne chantent plus,
Leur cordes vocales sont arrachées
Ma liberté révolu,
Mon sang une marée venant me submergé
Ô le voici, mon salut