ALAN
Alan se réveilla lentement, perdu dans une obscurité épaisse et sans fin. Tout était silencieux, comme s'il flottait dans un néant paisible. Ce répit ne devait pas durer. Ils ne voulaient pas de paix. Ils le voulaient parmi eux.
La lumière se fracassa sur ses paupières fermées. Un homme se tenait là, penché au-dessus de lui, un visage pâle et creusé, des rides tirant sa peau comme un masque mal ajusté. Un médecin, ou du moins quelqu'un qui en portait l'apparence. La pièce était inondée de lumière artificielle, si éclatante qu'elle semblait chercher à dissimuler quelque chose dans ses coins. Alan sentit son corps se redresser, ses muscles agissant sans son consentement. Le lit grinça sous lui, mais l'homme leva une main autoritaire.
« Allons, mon cher, reposez-vous. Profitez de ce moment, murmura le médecin d'une voix trop douce. Votre corps n'est pas encore complètement rétabli. »
La lumière semblait vibrer, l'air autour d'Alan chargé d'une tension invisible. Pourquoi cet homme paraissait-il si faux, si mécanique ?
« Qu'est-ce que je fais ici ? Qui êtes-vous ? » lança Alan, sa gorge sèche comme du papier.
« Vous êtes à l'hôpital de l'Unité, le Nid. Vous ne vous souvenez pas ? L'explosion de l'Unité 7... Vous avez perdu connaissance. Heureusement qu'une jeune femme vous a ramené ici. »
Les paroles semblaient couler, mais rien ne sonnait juste. Alan regardait cet homme qui parlait avec tant de détachement, ses yeux vides ne cillant presque jamais. Les murs autour semblaient se rapprocher, comme s'ils tentaient d'écraser le reste d'humanité en lui. Il se souvenait maintenant, comme dans un cauchemar qui émergeait des ombres.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé après l'explosion ? »
« Rien de plus... pour vous. L'ambassadeur est mort, bien sûr. Mais ailleurs... ailleurs, c'était bien pire. »
Un frisson parcourut la colonne d'Alan. Il voulait bouger, mais il restait figé, scrutant le médecin dont les mains tremblaient légèrement maintenant.
« Qui sait pourquoi cela est arrivé... Seule la Dame peut nous aider, dit-il d'une voix basse. »
« La Dame ? répéta Alan, perplexe. »
« On ne vous en a jamais parlé auparavant ? La Dame est la femme la plus puissante de la ville, c'est elle qui a fondé l'Église. Elle invite aujourd'hui toute la population aux funérailles de l'Unité 7, dans la Grande Église. »
« Tout cela ne m'est que très abstrait, j'ai failli mourir moi.. Est-ce vraiment utile d'assister aux funérailles ? Je pense que... »
Soudain, les traits du médecin se durcirent. Son visage, auparavant inexpressif, se déforma lentement sous une terreur palpable. Ses yeux, désormais rivés sur Alan, n'étaient plus ceux d'un homme, mais ceux d'un animal traqué. Il murmura encore quelque chose, mais ses mots étaient déformés, presque inintelligibles.
C'était comme si l'homme était possédé. Il plaqua ses mains tremblantes contre son visage, puis glissa lentement vers ses cheveux, ses doigts blanchis par la pression. Ses yeux roulèrent, et il se mit à gratter frénétiquement sa tête, s'arrachant des touffes de cheveux. Le visage du médecin se tordait de douleur et de folie, une vision digne d'un cauchemar.
Alan sentit son cœur s'emballer, chaque battement résonnant dans ses tempes. Ses mains étaient glacées, mais il savait qu'il devait réagir. L'homme s'élança soudain, ses mains rugueuses encerclant la gorge d'Alan avec une force qu'il n'aurait pas cru possible chez un vieillard.
« SALAUD ! CRÈVE ! » hurla-t-il, ses yeux grands ouverts, injectés de sang.
Alan se débattit avec une vigueur nouvelle. Il repoussa le vieillard, qui s'effondra contre le mur dans un craquement sinistre. Du sang coulait de sa tête, mais Alan n'y prêta pas attention. Ce monstre avait voulu sa mort. Salaud ! Songea-t-il, il veulent tous me crever ici ! Il débrancha rapidement les câbles qui étaient connectés à son corps, les mains tremblantes. Chaque fibre de son être lui criait de fuir cet endroit.
Mais avant qu'il ne puisse partir, le vieillard agrippa sa jambe avec une dernière force désespérée. Alan réagit instinctivement, frappant l'homme au visage avec son pied. Le choc fut brutal, et le vieillard s'écroula, hors d'état de nuire. Mais Alan n'en avait pas fini, il continua, une fois, deux fois, une dizaine de fois. Par pure haine. Pourtant, les lèvres du quasi-mort bougèrent encore, ses derniers mots se répandant dans l'air comme une malédiction :
« Ils nous écoutent tous ! »
Le sang coulait de sa bouche, un filet épais qui n'avait plus rien d'humain. Alan se détourna rapidement, enfilant ses vêtements à la hâte. Mais les paroles de l'homme résonnaient dans sa tête comme une incantation funeste. "Ils nous écoutent tous"... Que voulait-il dire ? Se demanda Alan.
Tandis qu'il avançait dans le couloir, chaque ombre semblait bouger, chaque pas semblait amplifié dans l'écho glacial de cet hôpital. Les lumières au plafond grésillaient, projetant des éclairs fugitifs, donnant l'impression que tout ici respirait d'une vie sinistre. Alan avait l'impression que les murs le regardaient, que les autres patients chuchotaient derrière son dos.
« Ils m'ont entendu, c'est sûr », pensa-t-il, le cœur battant à tout rompre. « Ils savent ce que j'ai fait. »
Un autre médecin croisa son chemin. Son regard perçant fouilla Alan comme s'il pouvait lire ses pensées.
« Vous avez l'air pâle, tout va bien ? » demanda-t-il doucement.
Mais Alan ne pouvait plus faire confiance à personne. Ce médecin n'était-il pas, lui aussi, un ennemi déguisé ? Il vit, dans un flash d'horreur, le visage décomposé du premier homme, et son estomac se retourna. Tout ici semblait mensonger, pourri. Il se mit à marcher plus vite, puis à courir, ses pas résonnant dans l'immensité vide du couloir. Ce lieu n'était plus qu'un piège, un sanctuaire de folie. Je ne dois pas m'arrêter ! Songea-t-il.
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❂ Le Cycle de l'Unité ❂
Science-FictionAlan, Markus et Evelyn : trois destins distincts, trois perspectives uniques, mais un seul oppresseur - l'Unité. Sauvés par les survivants de l'Humanité après le Désastre, ils émergent enfin. Si le secret du Désastre reste gardé, il est de notoriété...