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Lundi 24 juillet 2023 - Paris

Nous entrons dans le même bar que celui où nous avons été après notre rencontre. L'ambiance est toujours aussi accueillante, bien qu'il y ait un peu plus de monde que la dernière fois.

Noah m'entraîne vers une table déjà occupée par plusieurs personnes, dont Maël qui est en compagnie d'une jolie blonde, qu'il me présente comme sa copine, Sacha. De l'autre côté se trouve Alison qui me lance un regard assassin. Je l'ignore et me concentre sur les autres présents ; certaines têtes me semblent familières, probablement des danseurs que j'ai aperçus à la salle.

Ils nous saluent tous et je réponds d'un bref geste de la main. Normalement extravertie, je dois admettre que me retrouver entourée de personnes que je ne connais pas, dans le but de célébrer mon potentiel nouveau poste, me met mal à l'aise.

Le malaise s'intensifie lorsque le brun annonce haut et fort la bonne nouvelle à ses amis. Ces derniers me félicitent chaleureusement, ce qui me fait rougir de gêne alors que je les remercie maladroitement. Pendant que Noah s'éclipse pour aller commander des bières, je reste silencieuse, écoutant distraitement les conversations autour de moi.

Soudain, mon téléphone vibre dans ma poche, indiquant un appel d'Eden, probablement en quête de nouvelles après mon entretien. Je décide de décliner, ne voulant pas donner l'impression d'être la fille peu sociable qui s'esquive dès son arrivée, et je lui envoie un message pour lui dire que je le rappellerai plus tard.

Noah réapparaît à mes côtés et je le remercie pour la boisson. Il s'assoit près de moi et entame une conversation avec ses amis. Il essaie de m'inclure dans les discussions, mais mon esprit est ailleurs.

La soirée se poursuit, mais malheureusement, je ne suis pas vraiment présente. Noah se rend compte de mon malaise et pose sa main sur ma cuisse, traçant des petits cercles pour me rassurer. Bien que ses gestes soient agréables, ils me semblent soudainement trop intimes. Il se comporte comme un petit ami. Incapable de continuer à faire semblant, je m'excuse auprès de lui, prétextant le besoin de prendre l'air pour me rafraîchir.

Je me précipite avec hâte à l'extérieur. L'air frais me fouette le visage, il fait désormais nuit. Il doit être aux alentours de onze heures. J'inspire fortement pour calmer les battements de mon cœur. Bloquant le passage, je me décale et m'installe contre le mur dans la rue qui jouxte le bar.

Les yeux clos, je suis envahie par une profonde tristesse. Je ressens un vide immense. L'absence de June me pèse ; j'aimerais tant qu'elle soit là pour me réconforter, pour sortir l'une de ses citations douteuses dont elle a le secret. Nous aurions célébré cette nouvelle ensemble, riant sans retenue.

Mes frères, même s'ils sont parfois pénibles, me manquent aussi. Je donnerais tout pour entendre une remarque sarcastique sur ma tenue de la part d'Eden. J'aimerais qu'Ezra m'enlace en me promettant que tout ira mieux.

Mais par-dessus tout, l'absence d'Alec me déchire de l'intérieur. Son rire mélodieux, ses blagues tellement nulles qu'elles en deviennent hilarantes, ses taquineries incessantes, ses provocations prononcées dans le seul but de m'embêter, même ses sautes d'humeur stupides me manquent terriblement. Outre l'amant, c'est surtout la présence de mon ami qui me manque.

Il est évident que mon stupide message de vendredi soir a marqué la fin définitive de notre relation, à la fois amoureuse et amicale. Les larmes me montent aux yeux et bientôt je me retrouve à pleurer seule, sur un autre continent, dans une rue parisienne presque déserte.

Comme pour aggraver la situation, j'entends mon prénom résonner à quelques mètres de là, signe que Noah me cherche. Je tente de calmer mes sanglots avant de me diriger vers lui. Il remarque immédiatement mes yeux brillants et mon maquillage probablement coulé.

— Eh trésor, qu'est-ce qui se passe ? s'inquiète-t-il en accourant vers moi. Tu vas bien ?

Entendre ce surnom ne fait qu'intensifier mes pleurs. Je me sens affreuse. Il mérite tellement mieux qu'une fille indécise et brisée comme moi.

— Ne pleure pas, je suis là Swan, ça va aller, je te le promets, chuchote-t-il en me prenant dans ses bras.

— Je suis tellement désolée Noah, hoqueté-je difficilement.

Son visage se tord d'incompréhension face à mes excuses. Je ne lui laisse pas le temps de poser sa question à voix haute et je reprends la parole malgré ma voix tremblante.

— Tu es un mec génial et je t'apprécie beaucoup, mais... je n'y arrive pas, ma voix se brise.

Il semble comprendre où je veux en venir, car son visage chaleureux d'ordinaire se teinte de résignation.

— Si tu savais à quel point j'aimerais pouvoir être amoureuse d'un mec comme toi, de toi, plutôt que de lui... j'avoue, abattue par mes sentiments. Mais j'en suis incapable. Il... il est comme une putain de drogue, je sais qu'il est mauvais pour moi, mais je n'arrive tout simplement pas à m'en défaire.

L'intensité de mes sentiments pour Alec me frappe comme un train à pleine vitesse. Me donnant le tournis, m'obligeant à m'accrocher plus fortement au danseur.

— Je... j'ai besoin de lui, tu comprends ? J'ai besoin de lui comme tu as besoin d'oxygène pour vivre, je murmure dans un souffle.

Malgré mes aveux, les bras de Noah continuent de me maintenir dans une étreinte réconfortante, se resserrant encore davantage et créant ainsi un cocon protecteur autour de nous.

— Je suis désolée Noah, je ne peux pas continuer, je m'excuse à nouveau. Je sais que tu as dit être d'accord pour être simplement mon ami, mais je vois la façon dont tu te comportes avec moi, la manière dont tu me regardes, et je ne peux pas... je suis incapable de te donner la même chose, Noah. Je ne suis pas encore prête à tourner la page.

Il ouvre la bouche pour parler, mais je le coupe une nouvelle fois, déterminée à tout exprimer.

— Je pensais que je pourrais le surmonter, qu'en passant du temps avec toi, ça finirait par au moins s'atténuer. Mais je réalise que pour le moment, peu importe combien tu me plais et combien je me sens bien en ta compagnie, la fin est toujours la même : il est toujours ancré en moi. Alors oui, je pourrais persévérer, apprendre à vivre sans lui, à développer des sentiments pour quelqu'un d'autre, pour toi, mais ce ne serait pas juste. Tu mérites quelqu'un qui t'aimera sans réserve, pas une fille qui, au fond d'elle-même, appartient à un autre.

Je m'écarte de lui à contrecœur, essuyant mes joues. Son visage est empreint de tristesse tandis qu'il hoche la tête.

— Je comprends, et t'as raison, je ne te voyais pas comme une simple amie avec bénéfices. Je te remercie pour avoir été honnête avec moi avant que je ne sois totalement accro à toi, même si une part de moi l'est surement déjà. Merci de m'avoir empêché de finir dans ton état, il plaisante en attrapant mon menton entre ses doigts.

Je rigole et renifle en même temps, un combo qui respire la sensualité.

— Aller vient je te raccompagne chez toi America !

Je le laisse me trainer à sa suite. Le trajet se fait dans un silence apaisant, tous deux perdus dans nos pensées. 

And... Game Over pour notre parisien ! 

Le silence d'Alec devient douteux, vous ne trouvez pas ? 

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant