Chapitre 6

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   Noor est d’accord avec moi. On doit partir. Enfin rester. On doit partir de nos jours pour pouvoir vivre nos nuits pour l'éternité.
   Son idée est de briser le Miroir, celui qui nous permet de passer d’un côté à l’autre.
   Une petite voix dans ma tête me dit de ne pas faire ça, que ce serait irréversible. Qu'on ne devrait pas en arriver là. 
   Mais je la fais vite taire. Noor me fait énormément de bien, et je ne peux pas rester dans cette vie, à n’être avec elle que huit heures par jour. Parce qu’il en reste seize à vivre dans l’enfer, et je ne peux plus le supporter.
    Enfin, en ce moment, ce n'est plus huit heures que je passe avec elle, mais six.

   Aujourd’hui cela fait sept mois que je la connais, trois mois que nous sommes en couple. J’ai un marteau dans les mains. Je suis devant ce cadre. Je vois mon reflet. Je suis affreuse, blanche comme un linge, mes yeux sont marqués de cernes brunes, et je suis maigre. Je ne me sens pas bien en ce moment, et mon corps en fait les frais. Je me trouve horrible. Encore plus que d'habitude.
   La nuit je vais beaucoup mieux. Au niveau mental et physique. Mais cette fois, je ne sais pas. Je suis physiquement faible. J’ai peur de rester comme ça pour toujours si on fait ça maintenant. Est-ce vraiment la bonne solution ?

   Alors pour vérifier et me rassurer, j’essaie de manger, et au bout de quelques heures, je suis, en effet, un peu ballonnée. Ce qui prouve que même si on casse le miroir, je pourrai encore modifier mon corps.
   C’est peut-être ridicule mais j’avais besoin d’en être certaine. La petite voix a gagné cette bataille, mais pas la guerre. Parce que c’est devenu insupportable. Parce que personne ne s’en soucie. Parce que je l’aime. Pour tout ça, je vais briser ce portail.

   Quelques heures après, j’ai le marteau en main. Je frappe si fort que j’ai peur qu’un morceau n’arrive dans mon œil.
   Je m’écarte vite et regarde.
   Le miroir est brisé.

   Pourtant, le ciel est toujours aussi bleu, les routes toujours aussi rocailleuses, l’herbe toujours aussi verte. Je laisse échapper une larme, mais je souris.
   Noor me prend dans les bras et m’embrasse.
   C’est le baiser de la liberté.

J'ai rêvé d'un autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant